Mieux comprendre la schizophrénie

La schizophrénie est une maladie psychiatrique dont les causes sont encore mal connues. Quels sont ses symptômes ? Quels sont les traitements et les thérapies ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Marina Carrère d'Encausse et Philippe Charlier expliquent la schizophrénie
Marina Carrère d'Encausse et Philippe Charlier expliquent la schizophrénie

Hallucinations, délires, comportement fluctuant... Plus de 670.000 Français souffrent de schizophrénie (1% de la population). Mais plus de la moitié n'en ont pas conscience. Le mot schizophrénie signifie : perte de l'unité (schize) et de l'esprit (phrénie). Cette pathologie complexe se déclare la plupart du temps entre 15 et 25 ans et se manifeste de façon très variable d'un individu à l'autre. Il existe des cas de rémissions complètes mais parfois les symptômes perdurent. Ces dernières années, les progrès de la prise en charge clinique et sociale ont permis une amélioration du pronostic.

Quels sont les symptômes de la schizophrénie ?

La schizophrénie est une maladie psychiatrique complexe qui entraîne parfois un handicap psychologique majeur et très invalidant. Elle peut se manifester par quatre grandes "familles" de symptômes :

  • Les symptômes positifs sont les plus visibles. Ce sont des idées délirantes, des hallucinations visuelles et auditives.
  • Les symptômes négatifs : les malades sont sujets à un "émoussement affectif" (leur réactivité émotionnelle est réduite), une mise en retrait, une difficulté à amorcer les activités, une absence d'intérêt…
  • Les symptômes dissociatifs sont des troubles de la communication. Ils correspondent à une véritable désorganisation de la pensée, des émotions et des comportements. Résultats : ils se montrent hermétiques aux autres, utilisent des mots qui n'existent pas ou expriment des sentiments contradictoires dans une même phrase…
  • Les symptômes cognitifs : dans 80% des cas, il y a une baisse de l'attention, une atteinte de la mémoire et des fonctions exécutrices.

L'expression clinique de la schizophrénie est très hétérogène et tous les patients ne manifestent pas tous ces symptômes. Les premiers signes de la maladie apparaissent à la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulte et peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre.

Si le premier épisode se manifeste par des délires, des hallucinations, le diagnostic est rapidement posé et il est souvent suivi d'une hospitalisation. En revanche, si l'adolescent s'isole, cesse d'avoir des activités ou de voir ses copains, le diagnostic peut mettre plusieurs années avant d'être posé.

Quant à savoir comment apparaît la schizophrénie, difficile à dire avec précision. On sait que les causes de la schizophrénie sont multiples et que plusieurs facteurs de vulnérabilité génétique entrent en jeu, de même que des facteurs environnementaux comme une infection lors de la grossesse ou la consommation de cannabis.

En fonction de l'importance des symptômes, on distingue plusieurs types de schizophrénie :

  • la schizophrénie paranoïde : comme son nom l'indique, les délires paranoïdes qui prennent le dessus ;
  • la schizophrénie pseudo-névrotique : caractérisée par des pensées obsédantes ou des phobies ;
  • la schizophrénie dite "affective" ou dysthymique : elle se caractérise par une alternance de phases dépressives et de périodes maniaques ou presque normales.

Schizophrénie : une souffrance au quotidien

La vie des personnes malades est souvent gravement perturbée par les symptômes. 

Un taux de suicide élevé. Un schizophrène sur deux fait au moins une tentative de suicide dans sa vie, 10à 20% en meurent. Ce chiffre témoigne de l'intensité de leur souffrance et de leurs difficultés.  Les personnes souffrent davantage de toxicomanies.

Chez les personnes qui parviennent à mener une vie quasiment normale, cette pathologie est tout de même difficile à assumer et elle reste très stigmatisée.

Schizophrénie : des traitements au cas par cas

Une des difficultés face à la schizophrénie est de convaincre les patients de prendre leur traitement. Beaucoup de malades sont dans le déni de leur maladie et ont donc du mal à prendre leurs médicaments sur le long terme. Ils les prennent quelques mois, puis s'arrêtent dès qu'ils se sentent mieux et rechutent. De nombreux effets secondaires, comme la somnolence ou une prise de poids importante, poussent certains à arrêter leur traitement.

Or une des clés de la stabilisation pour un schizophrène est justement l'observance de son traitement. Certains psychiatres travaillent précisément sur ce point.

Introduits en 1952, les neuroleptiques ont révolutionné le traitement de la schizophrénie. Auparavant, seuls la camisole de force et les barbituriques étaient utilisés. 

La prise en charge de la maladie repose largement sur des traitements médicamenteux adaptés au cas par cas, faisant partie de la famille des antipsychotiques, qui font partie des neuroleptiques. 

Ils sont divisés en antipsychotique "classiques", plus anciens, et antipsychotiques atypiques, plus récents qui sont plus efficaces sur les symptômes dits négatifs, tels que la démotivation, les troubles de l'humeur ou l'apathie. Les neuroleptiques ne guérissent pas les troubles schizophréniques. Ils permettent uniquement d'en traiter les symptômes. En cas d'échec ou de mauvaise tolérance du médicament, la clozapine peut être utilisée.

Dans les formes particulièrement sévères, la sismothérapie peut être utilisée en cas d'échec des traitements. Autre technique non médicamenteuse qui pourrait être intéressante  : la stimulation magnétique transcrânienne, ou rtms pourrait améliorer l'état général et certains symptômes, comme le fait d'entendre des voix. 

Aujourd'hui, grâce aux progrès thérapeutiques et aux thérapies, on assiste souvent à des rémissions durables qui permettent aux patients de retrouver une vie sociale, affective et professionnelle. 

Schizophrénie : les thérapies comportementales et cognitives, essentielles

Cette pathologie qui fait peur, se déclare le plus souvent entre 15 et 25 ans avec des symptômes multiples et très handicapants.

Dans la prise en charge de la schizophrénie, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) permettent aux patients de mieux comprendre leurs symptômes et de développer des stratégies pour se reconstruire. Cette éducation du patient est un travail long et complémentaire des traitements médicamenteux.

Les groupes de parole basés sur les thérapies comportementales et cognitives cherchent par des jeux de rôle à restaurer une dynamique sociale et à redonner de l'autonomie au patient.

"Les thérapies cognitives et comportementales permettent de mieux gérer ses émotions, de modifier les interprétations délirantes, de mieux gérer ses hallucinations, d'apprendre de nouvelles habiletés sociales notamment comment se comporter avec les autres, l'humour… On va donc leur apprendre à gérer le quotidien, à gérer les conversations, les interactions sociales", explique le Pr Stéphane Raffard, neuropsychologue.

Schizophrénie : des avatars pour favoriser le lien social

Un des problèmes de la schizophrénie, c'est la relation aux autres. Pour aider les patients à établir un lien social, des chercheurs du CHRU de Montpellier ont développé de nouveaux outils utilisant la réalité virtuelle et des avatars en 3D.

Dans un laboratoire de recherches du CHRU de Montpellier, on construit des avatars, c'est-à-dire une image virtuelle en trois dimensions identique morphologiquement au patient qui participe à l'étude. L'imitation est la base des interactions entre individus. C'est elle qui permet de se sentir connecté à l'autre. Chez les patients schizophrènes, le langage corporel est perturbé.

"Quand on interagit ensemble, on va se coordonner. Si deux personnes marchent l'une à côté de l'autre, elles vont se mettre à marcher au même pas. Quand on se parle, on va bouger la tête dans le même sens… Les patients souffrant de schizophrénie ne le font pas de la même façon que la population générale, ce qui fait probablement que leur interaction est de moins bonne qualité, ce qui peut aussi donner parfois un caractère étrange, un peu décalé, un peu bizarre", explique le Dr Delphine Capdevielle, psychiatre. L'avatar devrait permettre aux patients schizophrènes de réapprendre ces gestes d'imitation et réduire leurs difficultés d'interaction avec les autres.

Ces avatars continuent à être utilisés, notamment pour apprendre à mieux vivre en entendant des voix.

Schizophrénie : des ateliers pour retrouver la mémoire et la concentration

Les psychiatres et neuropsychologues peuvent proposer à leurs patients des ateliers de remédiation cognitive. Ils permettent aux malades de travailler les fonctions cognitives qui les handicapent, afin de retrouver une qualité de vie satisfaisante.

Grâce à des exercices choisis et personnalisés par l'équipe médicale, les patients s'entraînent à surmonter leurs troubles de la mémoire et de la concentration. "La remédiation cognitive ne freine pas la maladie, car elle n'agit pas sur les hallucinations par exemple, ce n'est pas son but. La remédiation cognitive agit sur les symptômes cognitifs. Des symptômes qui ne sont pas du tout ciblés par les traitements actuellement", explique le Dr Virginie Bulot, psychiatre.

Ces ateliers sont aussi l'occasion de faire le point sur les stratégies mises en place dans les exercices afin de pouvoir les appliquer dans la vie réelle. Et pour se motiver, chaque patient choisit des objectifs.

Ces ateliers permettent d'aider de nombreux patients comme le confirme le Dr Bulot : "Les résultats de la remédiation cognitive montrent que les participants s'améliorent au niveau des tests neuropsychologiques. Et surtout elle permet d'augmenter la confiance en soi. Leurs difficultés cognitives leur posent moins de souci dans le quotidien. Ils n'hésitent pas à se lancer dans de nouvelles choses et ils se sentent compétents dans ce qu'ils font". Un rythme d'entraînement soutenu est indispensable au succès de l'atelier.

Schizophrénie : des groupes de parole pour les proches

Dialoguer avec son enfant schizophrène n'est pas toujours simple. D'autant que les parents qui ne sont pas malades ne bénéficient pas toujours des conseils d'un psychiatre ou d'un psychologue. Certains parents ont donc beaucoup de mal à peser leurs mots, à adopter le bon ton... Et du coup toute la famille plonge dans un climat de tension.

Le réseau Profamille propose justement aux parents d'acquérir de nouvelles habitudes de communication avec le malade. On en ressort avec le mode d'emploi, ce qui permet de soulager le quotidien.

Schizophrénie : les chercheurs poursuivent leur travail

"Schizophrénie et cannabis : des liens complexes", chronique du Dr Alice Deschenau, psychiatre addictologue, du 8 octobre 2018
"Schizophrénie et cannabis : des liens complexes", chronique du Dr Alice Deschenau, psychiatre addictologue, du 8 octobre 2018

La schizophrénie est une maladie complexe, aux causes et aux symptômes très différents. Les recherches actuelles tentent de mettre au point de nouvelles approches pour comprendre le rôle des facteurs génétiques et environnementaux dans le déclenchement de la maladie.

Il n'y a pas une, mais des schizophrénies. D'un patient à l'autre, les symptômes peuvent être très variables et on ne connaît pas bien la cause de ces différences. Pour 30% des patients, la schizophrénie provient d'un déterminisme génétique et c'est l'interaction avec notre environnement qui va déclencher la maladie. Mais là encore, difficile de comprendre les mécanismes d'action.

"On sait que la schizophrénie a un déterminisme génétique", explique le Pr Caroline Dubertret, chef du service de psychiatrie à l'hôpital Louis Mourier, "mais c'est un déterminisme complexe puisque plusieurs gènes interviennent et ces gènes sont en interaction avec un déterminisme environnemental. Et les interactions gène-environnement vont déterminer le déclenchement de la pathologie".

Mais comment cibler chez une personne les gènes responsables de sa maladie ? Pour essayer de répondre à cette question, des chercheurs isolent des groupes très homogènes de patients schizophrènes.

Dans l'étude en cours, les chercheurs s'intéressent au cannabis, un facteur environnemental connu pour ses liens avec la schizophrénie. Les ADN de deux groupes de patients, tous atteints de la maladie, sont comparés. L'un a été consommateur de cannabis avant de développer la pathologie, l'autre non. Les scientifiques se concentrent sur un gène impliqué dans la vulnérabilité au cannabis. Ils cherchent à voir si ce gène est plus fréquemment modifié chez les schizophrènes consommateurs.

Identifier les gènes associés à un risque de schizophrénie permettra aux chercheurs de mieux comprendre la maladie et d'évaluer l'impact de l'environnement sur son déclenchement. 

Autres cibles de la recherche : d'autres voies thérapeutiques, 1/3 des patients ne répondant pas aux traitements.

L'augmentation de la prise de cannabis ces dernières années n'a pour autant pas conduit à l'augmentation des cas de schizophrénie.

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