Soins dentaires : retour sur l'invention de la roulette

La hantise du dentiste réside surtout dans la roulette. Par peur de cet objet au vacarme caractéristique, vous repoussez le rendez-vous fatidique. Retour sur l’histoire de cet instrument, pour vous réconcilier avec son bruit strident...

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Le bruit de la roulette dentaire qui fait encore frissonner certains est en fait le bruit... du progrès ! Ce bruit est le son du mécanisme qui permet à une petite fraise de tourner très vite. De cette manière, elle peut cisailler les tissus dentaires très durs, comme l’émail et la dentine. 

C’est ce qui sauve, lors d’une rage de dent lorsque le nerf est inflammatoire à cause d’une grosse carie. La fraise permet de traverser les tissus durs jusqu’à aller ouvrir la cavité qui contient le nerf. Et c’est le seul moyen pour soulager la pression et donc la douleur, quand les antidouleurs et anti-inflammatoires n’y peuvent pas grand-chose.

Dès le premier siècle après JC, l’idée de percer la dent pour soulager la douleur avait déjà germé dans le cerveau d’un médecin grec, un certain Archigène.  

Les ancêtres de la turbine et de la fraise

Archigène aurait utilisé un petit trépan pour percer la dent. Son fonctionnement serait proche d'une tarière à cordelette utilisée plus tard, au XVIe siècle, par les chirurgiens pour trépaner des os. Le principe est simple : après avoir enroulé la cordelette autour du manche, il fallait positionner la pointe sur la surface à percer et dérouler d’un coup la ficelle pour faire tournoyer la pointe comme une toupie et entamer la dent. Il fallait répéter plusieurs fois la manœuvre pour percer la dent et cela prenait du temps. 

Un mécanisme amélioré au cours des siècles 

Ce mécanisme est devenu heureusement plus efficace avec le temps. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’un dentiste, Pierre Fauchard, décrive dans un traité de dentisterie (en 1726) les premiers instruments qui pénètrent à l’intérieur d’une dent. 

Mais il y a eu un retour en arrière avec les équarrissoirs ou les poinçons, qui ne possèdent plus de mécanisme rotatif. 
C’est à la force du poignet que ces équarrissoirs tournent pour percer la dent. Au-delà de l’inconvénient du temps qu’il faut pour mener à bien une telle manœuvre, il y a aussi l’impossibilité de traiter certaines dents. Le manche et la pointe de l’instrument alignés rendaient en effet impossible l'accès aux dents du fond .

Le premier ancêtre de la roulette

À la fin du XVIIIe siècle, le premier ancêtre de la roulette va apparaitre. Un porte équarrissoir inventé par un dentiste nommé Jourdan. L’équarrissoir est une petite pointe (flèche rouge) qui va pouvoir tourner grâce à un système de roues (flèche bleue) qui s’engrainent, actionné par une manivelle. Jourdan explique que le patient n’a pas besoin d’ouvrir trop grand la bouche pour permettre à l’instrument de pénétrer.
Et grâce à un angle droit entre la pointe et le manche, ce système permet de soigner les dents du bas, du haut et même du fond.  

Ce système va se perfectionner …  

C'est ce système qui va peu à peu se perfectionner. Il devient le porte foret à manivelle dans la deuxième moitié du XIXe siècle : une manivelle entraine un système de roue, qui fait tourner un foret positionné à l’extrémité. Le foret est facilement ôtable et remplaçable grâce à une petite vis de serrage.

Grâce à des mécanismes d'horlogerie, certains modèles peuvent faire tourner le foret pendant deux minutes d’affilé, quand le mécanisme est remonté au maximum.

La force du pied fait tourner ces instruments 

Progressivement, le dentiste va remplacer l'usage de ses mains par celui de ses pieds. Il utilise un tour à pédale actionné au pied pour faire tourner les rouages et donc la fraise. La puissance motrice est obtenue en appuyant de manière régulière sur la pédale.  

Une idée venue du filage de la laine 

C’est un certain Greenwood au début du XIXe qui y pense en voyant sa mère filer la laine avec un rouet à pédale. Il a l’idée d’adapter ce système pour faire tourner les fraises qui lui permettent de travailler sur ses prothèses dentaires. Car à l’origine, le tour à pédale était utilisé sur les établis de prothèse. Ce n’est qu’ensuite que le système a été adapté pour aller en bouche.  

L'arrivée de l’électricité a fait le reste  

À la fin du XIXe, le moteur à pédale peut être remplacé par un moteur électrique, qui permet d’augmenter la vitesse de rotation de la fraise sans effort pour le dentiste. C’est toujours en appuyant sur une pédale que le moteur démarre, ce qui est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui.

Les premières installations modernes font leur apparition dans les cabinets. Le moteur est fixé au mur et un bras articulé permet de manier facilement la turbine.  

Un bruit qui devient presque rassurant … 

Toutes ces technologies ont cohabité. Il n’y a pas eu une évolution linéaire dans l’utilisation des instruments. 
Certains dentistes au milieu du XXe utilisent encore des fraises à tourner à la main. Le moteur à pédale au pied, quant à lui, était encore utilisé pendant la guerre d’Algérie dans les camions aménagés pour soigner les soldats .

La vitesse de rotation de la fraise était bien moins importante qu’aujourd’hui. Et plus ça tourne lentement, plus ça vibre...et plus ça fait mal. Le bruit de la fraise, preuve d'une vitesse de rotation bien plus élevée, devient aujourd'hui presque rassurant !

Pour découvrir d'autres instruments dentaires, visitez le musée virtuel de l’art dentaire créé notamment par le Dr Pierre Baron, dentiste et historien.