Valves cardiaques : l'innovation sécurisée

La Haute Autorité de Santé permet la poursuite des remplacements de valve cardiaque qui évitent l’opération à cœur ouvert en passant par les vaisseaux sanguins. Une bonne nouvelle pour tous les patients très âgés incapables de supporter une chirurgie lourde.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Valves cardiaques : l'innovation sécurisée

"C'est vraiment très important", se réjouit le Pr. Hélène Eltchaninoff, chef du service de cardiologie du CHU de Rouen. "Le chemin parcouru depuis que notre équipe a réalisé la première intervention est impressionnant. En 2002, presque tout le monde disait que c'était impossible. Aujourd'hui, cette technique a permis de traiter 50 000 patients dans le monde." Des milliers de patients très âgés dont la valve aortique s'était rétrécie au point de les mettre en danger.

Personne n'y croyait

La valve aortique, comme son nom l'indique, se situe entre le cœur et l'artère aorte qui va envoyer le sang oxygéné dans tout l'organisme. Quand des dépôts de calcaire s'y accumulent, comme 5 fois sur 100 après 75 ans, il faut parfois la remplacer. Comment ? En ouvrant le thorax puis le cœur pour la retirer et placer une valve artificielle. Mais certains patients sont trop fragiles pour supporter une chirurgie aussi lourde. D'où la création voici bientôt dix ans, d'une intervention radicalement différente sous contrôle radiologique : comprimée dans un petit ressort en forme de tube, la valve artificielle est introduite dans un vaisseau sanguin par une toute petite incision et remontée jusqu'au cœur. La technique est dite trans- ou per-cutanée.

"À l'époque, personne n'y croyait", se souvient le Pr. Eltchaninoff. "Ils pensaient qu'on ne réussirait pas à placer notre prothèse en traversant, puis en écrasant les parois de la valve malade bloquée par le calcaire dur comme de la pierre."   Mais l'équipe de Rouen a tenu bon. Au départ, ils ne pouvaient proposer cette solution qu'aux patients dont l'espérance de vie n'excédait pas six mois. D'essai clinique en essai clinique, la technique a obtenu officiellement l'autorisation d'être développée dans 33 centres en janvier 2010. Un feu vert donné à l'époque par la Haute Autorité de Santé (HAS) sous de très strictes conditions.

Une innovation sans risque pour les patients

"Nous avons ici vraiment l'exemple parfait du développement d'une innovation contrôlée de telle sorte que les patients ne courent aucun risque", se félicite Jean-Patrick Sales, directeur de l'évaluation médicale, économique et de santé publique de l'HAS. Car à l'approche du terme des deux années d'évaluation accordées, le bilan est positif. Les équipes médicales se sont formées selon les règles établies et ont obtenu de bons résultats. Un registre national regroupe l'ensemble des données concernant les patients traités. Cela peut sembler "normal" mais à l'échelle du monde médical, c'est une petite révolution. Il a par exemple fallu l'affaire Perruche et la condamnation par la justice d'un diagnostic prénatal défaillant pour que n'importe quel gynécologue ne continue pas à réaliser ce type d'échographie dans son cabinet. Les tentatives de création d'un "brevet" conditionnant leur bonne pratique échouaient depuis des années ! Quant aux chirurgiens orthopédistes, ils ont mis plus de dix ans à créer un registre des prothèses de hanche qui permettrait de mieux comparer les différents modèles par exemple. Tout ce qui peut ressembler à un contrôle des pratiques reste très difficile à faire accepter par nos soignants.

D'ailleurs, en ce qui concerne les valves cardiaques percutanées, la "révolution" a tout de même ses limites puisqu'il est impossible de profiter du registre pour savoir si certains centres ont de moins bons résultats. La profession n'aurait pas supporté d'être ainsi potentiellement contrôlée par les "flics" de l'HAS, explique en substance Jean-Patrick Sale. Il tient surtout à souligner le respect du cadre imposé à quelques rares exceptions près pour la sélection des patients. Ils étaient bien pratiquement tous inopérables à cœur ouvert à cause de l'addition d'autres pathologies, comme souvent passé 80 ans. Et l'intervention leur a fait gagner 20 % d'espérance de vie !

L'impression d'avoir rajeuni de dix ans !

"L'exemple typique, raconte le Pr. Eltchaninoff, c'est celui d'une dame très essoufflée à cause de sa valve rétrécie mais dont l'insuffisance rénale ou respiratoire interdit la chirurgie lourde. Avec la valve percutanée, mise en place sous anesthésie locale, elle retourne auprès de son mari trois jours plus tard et nous dit très vite qu'elle a l'impression d'avoir rajeuni de dix ans !" Pour avoir directement participé au déploiement de cette technique en formant ses collègues, la cardiologue rouennaise apprécie le feu vert accordé par les autorités sanitaires françaises, tout juste deux semaines après celui de l'agence américaine, la FDA. La seule petite déception concernerait peut-être le refus d'augmenter le nombre de centres agréés… Mais "hors de question, précise Jean-Patrick Sales. Il faut par exemple impérativement un bloc de chirurgie cardiaque dans le même bâtiment pour les très rares cas où le transfert s'impose. Nous ne pouvons pas alléger ces critères."

Et puis finalement, conclut le Pr. Eltchaninoff, "sur le plan scientifique, cet encadrement est indispensable… même s'il est très lourd au quotidien". L'enjeu est effectivement considérable. Seule une évaluation rigoureuse de pareille innovation permettra son éventuelle extension à des patients moins fragiles. Pour l'instant, les deux techniques améliorent aussi bien la fonction cardiaque et ne provoquent pas plus de complications l'une que l'autre. Mais tant qu'elle est possible, la chirurgie classique reste la référence. Tout dépendra de leur comparaison sur la durée.

 

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