Un délice nommé désir

Après la séduction, le désir…. Complexe, il prend sa source dans la tête mais se manifeste physiquement. Volatil, il s’éloigne parfois aussi vite. Excitant, il nous donne envie d'y revenir. Mais qu’est-ce qui nous pousse à courir après le désir ?

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le
Un délice nommé désir

Un désir pas si simple...

Rougissements, cœur qui bat la chamade, mains moites, jambes en guimauve... chez certains, le désir se transforme en tsunami émotionnel ! Et pour cause, d'après Serge Stoléru, chercheur à l'Inserm, le désir relève de plusieurs composantes : émotionnelle, physique, intellectuelle ou encore motivationnelle pour aller vers l'objet désiré.

Les manifestations physiques

La première étape est l'attirance : une voix, un regard, une façon de s'habiller, c'est un détail qui attire l'attention et l'envie d'en savoir plus… On est séduit, sous le charme, et le désir est activé !

Cette activation se manifeste par l'excitation sexuelle, qui prend des formes différentes chez l'homme et la femme. L'érection est l'emblème du désir masculin, tandis que la forme féminine est plus discrète via la lubrification. Les plus émotifs rougiront ou auront les jambes coupées.

La tête dans les étoiles ou les pieds sur terre ?

Quand l'amour s'en mêle, notre corps n'est pas le seul à être chamboulé, l'esprit aussi. On bredouille, on hésite, on bafouille : on a la tête à l'envers ! Car l'objet de tous nos désirs s'empare de notre esprit : où est-il ? Que fait-il ? Pense-t-il à moi ? On s'abandonne à imaginer des scénarii pour mieux assouvir notre soif de lui : ce sont les fantasmes, les moteurs psychologiques du désir.

Oui, nous perdons littéralement la tête face à la personne qui fait battre notre cœur ! Ou tout au moins nous en avons l'impression car d'après l'INED, l'Institut National de Etudes Démographiques, des critères nettement moins sexys conditionnent nos rencontres. Nous choisissons de préférence quelqu'un qui nous ressemble socialement, à travers les loisirs ou le niveau d'études. Cette homogamie n'est d'ailleurs pas très romantique… Mais les plus jeunes chercheraient davantage à s'affranchir de ces rencontres dictées par notre milieu social et à aller voir ailleurs.

 

Les hormones en folie

Chez les femmes, ce sont les oestrogènes qui remportent la palme du désir. Leur pic avant l'ovulation favorise l'envie de rapport sexuel et donc de reproduction. La nature est bien faite ! Mais la testostérone, présente en quantité moindre (équivalente à 1/10e de celle de l'homme), est tout aussi indispensable, et le corps féminin y est très sensible. Certaines pilules, comme l'acétate de cyprotérone, diminuent ainsi la libido en contrant l'effet de la testostérone.

La testostérone, la flamme du désir...

Chez l'homme, elle est sécrétée en permanence et elle stimule son désir. Elle entraîne à la puberté le développement du pénis, des testicules et des caractères sexuels secondaires : barbe, pomme d'Adam, poils qui poussent à la puberté au niveau des organes génitaux et des aisselles.

Hommes et femmes : même combat ?

Pas simple d'être "synchro" lorsque l'on parle du désir… En théorie, celui des hommes serait souvent plus brut et plus constant du fait de la sécrétion constante de la testostérone : ils sont nombreux à oublier leurs soucis quand ils font l'amour et à ne penser à rien. Ce constat est à nuancer car la baisse de désir liée au stress, à l'anxiété ou à d'autres facteurs, est bien réelle chez la gent masculine. Le désir des femmes, lui, varie souvent avec leur cycle. Certains estiment qu'il est aussi plus "psychologique" car elles ont besoin d'être disponibles dans leur tête. Une véritable gageure entre leur métier, les enfants, la logistique domestique et la fameuse charge mentale… Mais de plus en plus de femmes revendiquent un désir semblable à celui des hommes et un comportement sexuel identique.

L'âge, un perturbateur du désir

La baisse des hormones avec l'âge entraîne souvent une baisse de désir. L'andropause, désormais appelé déficit en testostérone lié à l'âge, s'installe chez les hommes beaucoup plus progressivement que la ménopause et son intensité est très variable d'un homme à l'autre. Ceux qui souffrent de symptômes gênants peuvent bénéficier d'une hormonothérapie à base de testostérone. Quant aux femmes, la libido dans les chaussettes à la ménopause est très variable car les causes sont multiples : la pulsion est moins forte du fait de la chute hormonale, les relations peuvent être douloureuses à cause de la sécheresse vaginale et de l'atrophie du vagin mais fort heureusement, conserver une sexualité épanouie est tout à fait possible en traitant les symptômes, en entretenant sa libido et sa sensualité, en prenant soin de sa relation.

Car les hormones n'expliquent pas tout, loin de là, la tête est primordiale ! C'est le charme ou le risque des relations amoureuses : le stress, les préoccupations professionnelles ou domestiques, une mésentente dans le couple ou un conflit larvé, ou simplement le temps qui passe, suffisent parfois à éteindre la flamme du début.

L'hormone anti-libido !

Elle existe, c'est la prolactine, une hormone produite par la femme après l'accouchement, dans le but de stimuler la lactation. Ses effets négatifs sur le désir sont bien connus. L'hormone est également sécrétée dans une affection, l'adénome à prolactine, qui touche les deux sexes. Cette tumeur, en grande majorité bénigne, se situe au niveau de l'hypophyse, une glande située dans le cerveau. Les symptômes comportent un arrêt des règles et d'un écoulement au niveau des mamelons chez la femme, d'un trouble de l'érection chez l'homme, et dans les deux sexes, si la tumeur grossit, des maux de tête ou des troubles visuels. Le traitement consiste en un médicament , comme la cabergoline, la bromocriptine ou la quinagolide, ou une opération chirurgicale si les médicaments restent sans effet.

Phéromones : et si le désir était chimique ?

Impliquées dans la séduction et l'attirance, les phéromones sont soupçonnées d'attiser le désir, à l'instar des odeurs, et de jouer un rôle clé dans l'attirance. Les expériences se multiplient pour prouver leur existence chez les humains et leur rôle dans les interactions entre les partenaires mais les conclusions sont très controversées puisque l'organe véronasal, censé percevoir les phéromones, ne serait pas fonctionnel chez les êtres humains.

Ainsi de vieilles et désormais classiques études, menées par le chercheur Kirk Smith montrèrent-elles que les phéromones mâles, contenues dans la sueur, étaient de puissants aimants pour les femmes ! Une étude montre que les femmes jugeraient différemment l'attirance de ces hommes selon leur émission de phéromone, l'androstadienone. Leur sensibilité aux odeurs est supérieure à celle des hommes, notamment lors de l’ovulation. En retour, les hommes seraient capables de détecter ce moment  particulier du cycle, vraisemblablement en sentant et augmenteraient leur sécrétion de testostérone en réaction.  Autre effet : les phéromones ressenties chez d’autres hommes stimuleraient l’entraide. La phéromone produite par les hommes influencerait même le fonctionnement du corps féminin en modifiant aussi le niveau du cortisol dans la salive.

Martha Mac Clintock a étudié dès 1971 la synchronisation du cycle menstruel des femmes vivant sous un même toit et a montré que la sueur des aisselles et l'androstenol sont impliquées dans ce mystérieux phénomène.

Des facteurs psycho-sociaux

Bien heureusement, le désir ne se limite pas aux hormones et aux phéromones ! La personnalité influence vraisemblablement l'expression du désir : les personnes extraverties, bonnes vivantes, ayant confiance en elles, aboutissent plus facilement à leurs fins que celles qui sont introverties, timides, inhibées. La confiance sexuelle et l'estime de soi sexuelle jouent également un rôle dans la satisfaction.

Le contexte joue également un grand rôle : les ambiances festives et les vacances se prêtent plus facilement au désir. Mais chez certains, c'est au contraire le cadre professionnel et le sentiment de transgression qui peuvent exacerber le désir...

Le coup de foudre : une drogue douce ?

La recette du coup de foudre est bien connue : une louche de dopamine, une pincée d'endorphines et de sérotonine, un zeste d'ocytocine, un doigt de vasopressine et une petite touche d'adrénaline. Mixez tout cela, et vous obtenez un cocktail explosif, qui motive la recherche de l'être aimé. De nombreux auteurs mettent au premier plan du coup de foudre la dopamine. Ce messager chimique impliqué dans l'addiction aux drogues ou à la nicotine est la clé du système de la récompense : elle entraîne une sensation de plaisir telle que l'on a envie de consommer à nouveau la substance ou la personne aimée !

Un phénomène éclair

Des chercheurs de l'université de Syracuse ont étudié le phénomène cérébral en IRM fonctionnelle : tomber amoureux ne prendrait qu'1/5ème de seconde ! Cela active 12 zones du cerveau et entraîne un relargage des neurotransmetteurs responsables du sentiment d'euphorie caractéristique de l'amour : la dopamine responsable de la motivation, les endorphines du plaisir, l'ocytocine de l'attachement ou encore la sérotonine pour le bien-être, sans compter l'adrénaline et la vasopressine. Alors, est-ce le cœur ou le cerveau qui tombe amoureux ? "C'est une question-piège !", répond l'auteur de l'étude, Stéphanie Ortigue. Peut-être les deux puisque le cerveau peut faire battre la chamade au cœur et donner des papillons dans l'estomac…

L'amour dure trois ans : adieu Walt Dysney, bonjour Beigbeder

Avec la Belle au bois dormant, Blanche Neige ou même la Belle et le Clochard, nombreux sont ceux qui ont été élevés dans le culte du grand Amour. Mais existe-t-il seulement ou sa durée se réduit-elle à trois ans, comme le suggère Frédéric Beigbeder dans son livre "L'amour dure 3 ans" ?

Les statistiques de divorce pourraient suffire à étayer l'hypothèse : deux couples sur trois à Paris se séparent dans les trois ans suivant la cérémonie. Lucy Vincent, dans "Comment devient-on amoureux", l'explique scientifiquement : la libération de dopamine et d'endorphines, typique du début de relation s'amoindrit. Le cerveau, ce traître, s'habitue aux endorphines ! Adieu la passion des débuts et la sensation de manque : on n'est plus scotché à l'autre et on ne pense plus à lui en permanence. Parallèlement, la libération d'ocytocine, alias l'hormone de l'attachement, augmente et crée un autre lien : celui de l'amour durable. Certains estiment même qu'il s'agit du véritable amour... Et plus on fait d'efforts pour stimuler son partenaire, plus on entretient cette production, plus longtemps on s'aime. Les accros à l'amour tout feu, tout flamme l'entretiendront en se séparant de l'être désiré de temps en temps (ou en changeant de partenaire régulièrement ! Car la nouveauté favorise la production de dopamine). Ceux qui misent sur la longévité feront évoluer leurs sentiments et apprendront le charme de la complicité.

Mais si le désir est moins impérieux, il n'y a aucune raison de céder à la panique ! La sexualité s'entretient tout autant que la tendresse et les centres d'intérêt communs. Pimenter son quotidien est la clé pour échapper à la routine. Rendez-vous galants, massages, effeuillages, jeux de rôle et week-ends en amoureux sont quelques pistes coquines pour ceux qui voudront relever le défi du temps qui passe. Un défi qui se relève à deux...