Le sel : ni trop, ni trop peu

Les résultats de plusieurs études d'envergure sur l'impact du sel sur les maladies cardiovasculaires confirme sa dangerosité en cas d'excès... mais révèlent également les risques associés à sa sous-consommation. De fait, selon les données publiées mi-août 2014 dans le New England Journal of Medicine, les seuils actuellement fixés par les agences sanitaires pourraient être... trop bas !

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Le sel : ni trop, ni trop peu ? (cc-by Dubravko Sorić)
Le sel : ni trop, ni trop peu ? (cc-by Dubravko Sorić)

Les synthèses d'études se suivent et ne cessent de confirmer ce fait : consommer trop de sel (chlorure de sodium), en entraînant une élévation de la tension artérielle, augmente fortement le risque de décéder d'une maladie cardiovasculaire. Ceci est tout particulièrement vrai chez les personnes souffrant d'hypertension artérielle chronique.

Mais si trop de sel nuit, chercher à tout prix à l'éliminer de son alimentation présente-t-il des risques ?

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande aujourd'hui d'abaisser la consommation individuelle en sodium à 2,0 grammes par jour. Elle préconise une consommation maximale de sel de l'ordre de 5 g/j.

Le seuil de 2,0 g/j a toutefois été fixé en supposant que la dangerosité du sel est directement proportionnelle à sa consommation. Or, aucune étude d'envergure n'avait jusqu'à présent cherché à valider cette hypothèse.

Ni trop, ni trop peu

Or, après analyse de 156.424 échantillons d'urine, prélevés chez plus de 100.000 adultes âges de 35 à 70 ans issus de 17 pays (étude PURE), les conclusions des chercheurs bouleversent les idées reçues.

Au delà de 6,0 g/j de sodium, les risques de survenue d'accidents cardiovasculaires mortels croissent bien de façon proportionnelle à la dose consommée. Entre 3,0 et 6,0 g/j, un seuil de risque minimal semble atteint. Mais en dessous de 3,0 g/j, ce risque apparaît augmenter de nouveau... et de façon très rapide. Ces données suggèrent même qu'une consommation quotidienne de sodium restreinte à 2,0 grammes entraînerait un risque double comparé à une consommation de 8,0 g/j !

"Les recommandations [actuelles] suggèrent implicitement qu'il n'y a pas de seuil au-dessous duquel la consommation de sodium est dangereuse", détaillent les auteurs de l'article. "Pourtant, le sodium [joue] un rôle décisif dans la physiologie humaine normale. [D'ailleurs, le] système rénine-angiotensine-aldostérone (système hormonal destiné  à équilibrer le taux de sel dans l'organisme) s'active lorsque la prise de sodium tombe au dessous de 3 grammes quotidiens." Or, cette activité hormonale est associée à une augmentation de la pression artérielle (plusieurs médicaments antihypertenseurs ciblent d'ailleurs spécifiquement le système rénine-angiotensine-aldostérone).

Si l'OMS va peut-être devoir revoir sa copie, les habitants de très nombreux pays consomment, de toutes façons, bien plus que les 3,0 à 6,0 g/j suggérés comme "idéaux" par l'étude PURE. En effet, en France, les hommes consomment en moyenne 8,7 grammes de sel par jour, et les femmes 6,7 grammes...

La piste du potassium

Les auteurs de l'étude PURE ne se sont pas contentés d'effectuer le dosage de sodium dans les urines. Ils ont également cherché à préciser le lien entre risque cardiovasculaire et taux de potassium. Selon leurs résultats, indépendamment de toute considération sur le taux de sel, les personnes consommant plus de 1,5 g de potassium par jour présentent le niveau de risque le plus bas. En deçà de ces 1,5 grammes quotidiens, le risque croit d'autant plus que la carence est importante.

Ces données suggèrent donc que, dans la bataille contre les maladies cardiovasculaires, la lutte contre la carence en potassium pourrait être un levier tout aussi efficace que la lutte contre l'excès de sel (ou son éventuelle carence).

Que ceux qui ont la main lourde sur la salière ne concluent pas trop vite qu'achever leur repas par une banane (très riche en potassium) effacera l'ardoise de leur hypertension…

Sources :

  • Association of urinary sodium and potassium excretion with blood pressure. A. Mente et coll. NEJM, août 2014. doi: 10.1056/NEJMoa1311989 371:601-11
  • Urinary sodium and potassium excretion, mortality, and cardiovascular events. A. Mente et coll. NEJM, août 2014. doi: 10.1056/NEJMoa1311889 371:612-23
  • Global sodium consumption and death from cardiovascular causes. D. Mozaffarian et coll. NEJM, août 2014. doi: 10.1056/NEJMoa1304127

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