Covid : Faut-il obliger les soignants à se faire vacciner ?

Plus de 44 000 personnes ont contracté le Covid à l’hôpital selon Santé Publique France. Pour le Pr François Chast, les soignants doivent se faire vacciner afin d’éviter de nouvelles infections de ce genre.

Lucile Boutillier
Rédigé le
Covid : Faut-il obliger les soignants à se faire vacciner ?

"J'ai été cinq semaines en arrêt, et je n'ai récupéré le goût et l'odorat que partiellement", explique François. Ce brancardier de 44 ans a contracté le Covid en avril 2020, au CHBA de Vanne, dans le Morbihan. Pour lui, la contamination n'a pu avoir lieu que sur son lieu de travail : "Je ne faisais que travailler et j'utilisais le drive pour faire mes courses", explique-t-il.

Depuis le début de l'épidémie, Santé Publique France relève 44 401 cas de Covid nosocomiaux, c’est-à-dire contractés à l’hôpital. Parmi ces cas, il y a des soignants, mais aussi des patients. Pour contrer ce phénomène, de nombreuses voix appellent à la vaccination des soignants. 

Contaminations en établissements de santé

« Des patients viennent à l’hôpital sans être porteurs du virus, et au cours de leur séjour ils contractent la maladie. Ces Covid nosocomiaux existent depuis un an, ce n’est pas nouveau. Mais maintenant, nous avons des vaccins à la disposition des personnels », exhorte le Pr François Chast, ancien chef de service de la pharmacie clinique de l’Hôpital Necker de Paris.

Le professeur Chast explique que la vaccination des soignants leur éviterait de tomber malade, mais aussi de transmettre la maladie aux patients qu’ils prennent en charge. La solution : « Il faut généraliser l’obligation vaccinale chez les soignants. »

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Rendre la vaccination obligatoire

Tous les soignants ont déjà l’obligation de se faire vacciner contre cinq maladies : la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et l’hépatite B. « Ces vaccinations ne sont pas à négliger », tempère le professeur Chast. « Mais il n’y a pas eu de cas de diphtérie autre qu’importé ces 20 dernières années. Il n’y a pas eu un cas de polio en France depuis 32 ans, et le vaccin demeure obligatoire ! »

En comparaison du Covid, ces maladies paraissent moins prioritaires. « A la fin du mois de mars, le Covid aura tué 100 000 personnes en un an, et infecté environ 4 millions de personnes », rappelle-t-il. « Les chiffres n'ont rien à voir. De plus, si les soignants l’attrapent, cela va les éloigner de la vie hospitalière pendant quelques jours ou semaines, et c’est non négligeable. »

Méfiance des soignants

Malgré ces appels, seul un quart des vaccins AstraZeneca destinés aux soignants a été utilisé en un mois, d’après la direction générale de la santé. François comprend cette méfiance : à 44 ans, ce soignant fait désormais partie des personnes prioritaires pour la vaccination. "Je refuse le vaccin AstraZeneca qu'on impose aux soignants. Attention je ne suis pas anti-vaccin, bien au contraire, mais je veux avoir le choix du laboratoire."

Une injection du vaccin de Pfizer ou de Moderna paraîtrait plus sûre selon François. Plusieurs de ses connaissances vaccinées avec AstraZeneca ont constaté des effets secondaires importants : "Grosse fatigue, fièvre anormalement élevée, engendrant pour certains une incapacité à travailler. Certains hésitent même à faire la deuxième injection."

Pour François, c'est une certitude : "Si on avait le choix du vaccin, il y aurait plus de soignants vaccinés à ce jour." Selon le Pr Chast, le vaccin AstraZeneca est tout aussi sûr que les autres. Un argument qui a du mal à convaincre les soignants.

Un devoir d’exemplarité

Ce que l'ancien chef de service regrette le plus, c’est l’influence que les soignants réticents peuvent avoir sur l’opinion publique. « On ne peut pas empêcher un médecin d’être diabétique. Mais on peut imaginer qu’un médecin ne soit pas fumeur. Comment peut-il inviter un de ses patients à arrêter le tabac sinon ? De la même manière, si un médecin ne veut pas se vacciner, comment voulez-vous qu’il incite ses propres patients ? Il existe une responsabilité collective des soignants. Ils doivent avoir une attitude exemplaire. »

Pour l’ancien chef de service, une forte adhésion des hospitaliers permettrait de rassurer la population. « Dans les EHPAD, les personnes hébergées sont vaccinées à 80%, mais les personnels ne sont vaccinés qu’à 30 à 40%. Ce n’est pas bien. On a pourtant eu beaucoup de débats sur la solitude des personnes âgées l’année dernière. Si tout le monde était vacciné, on pourrait vivre comme avant dans les EHPAD. Mais ce n’est pas possible aujourd’hui. »

François Chast rappelle que « la vaccination permet non seulement de protéger ceux qui sont vaccinés, mais aussi de créer un effet barrière dans la contamination d’une personne à l’autre. On ne manque pas de vaccins, on manque de volontaires pour se faire vacciner. »