Comment mieux prendre en charge les patients âgés aux Urgences ?

Ils sont plus fragiles et nécessitent une prise en charge particulière aux Urgences. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) parue ce mois-ci, les patients âgés de 75 ans et plus y passent en moyenne quatre heures. C’est deux fois plus que la population normale. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien en vidéo avec Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF)
Entretien en vidéo avec Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF)

Le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Associations des médecins urgentistes de France (AMUF), qui a participé à l’élaboration de l’étude, répond à nos questions :

  • Beaucoup de personnes âgées de 75 ans et plus vivent dans des maisons de retraite médicalisées. Pourquoi ne sont-elles pas soignées directement dans ces établissements ?

​Dr C. Prudhomme : "Ces établissements manquent de personnel. Si l’on compare avec l’Allemagne, il y a moitié moins de personnels. En particulier, il n’y a pas d’infirmières. Les médecins ne sont pas là en permanence.

"C’est très dommage parce que, pour beaucoup de patients, il suffirait d’une prescription, d’une infirmière 24 heures sur 24 et ces personnes pourraient rester sur leur lieu de vie, avoir des soins et éviter un passage aux Urgences qui est souvent catastrophique pour eux."

  • Les patients de 75 ans et plus passent deux fois plus de temps aux Urgences que les autres patients. Pourquoi ?

Dr C. Prudhomme : "Si on prend les patients qui viennent du domicile, ils ont la particularité d’attendre avant de venir. Ils essayent avant de venir de voir un médecin. Et puis, quand ils ne vont pas bien, ils vont aux Urgences. Souvent, les médecins vieillissent avec leurs patients... Le médecin prend sa retraite, et il n’y a plus de nouveau médecin traitant.

"Les médecins font de moins en moins de visites à domicile pour des gens qui ont une autonomie réduite. Ils viennent donc aux Urgences quand cela ne va pas bien du tout. Et là effectivement, il faut faire des bilans et bien souvent une hospitalisation. Ils sont en effet bien plus souvent hospitalisés que les autres."

  • Après un passage aux Urgences, plus de la moitié des patients de 75 ans et plus sont hospitalisés dans un autre service. Est-ce difficile de leur trouver une place ?

Dr C. Prudhomme : "On a transformé quelques lits en lits de gériatrie. Mais en 25 ans, on a supprimé 100.000 lits. Et la médecine du XXIe siècle, ce n’est pas l’ambulatoire comme certains nous le disent. L’ambulatoire, ce n’est que pour une petite partie de la médecine. Aujourd’hui, l’essentiel des patients qui viennent à l’hôpital, ce sont des gens de plus 50 ans qui ont des maladies chroniques et souvent plusieurs maladies.

"Donc le problème, ce n’est pas de faire un diagnostic, de donner un traitement pour les guérir, mais de les maintenir en meilleur état de santé possible, le plus longtemps possible. Ce sont donc des hospitalisations complexes. Et malheureusement, nous avons beaucoup trop de lits spécialisés et pas suffisamment de lits de médecine où vous avez un médecin chef d’orchestre et des spécialistes qui vont venir et coordonner les soins."

  • Devrait-on créer des filières spécifiques pour les personnes âgées pour désengorger les Urgences ?

Dr C. Prudhomme : "C’est ce qu’on essaye déjà de faire. Il faut savoir qu’il y a des filières gériatriques qui ont été mises en place. Mais pour cela, il faut que l’hôpital ait derrière une organisation qui permette d’hospitaliser ces patients. Dans certains hôpitaux, c’est le cas. Mais ce sont souvent les hôpitaux à l’ancienne, où l’on a conservé des lits de gériatrie, de soins de suite et de réadaptation, de soins de longue durée…

"Ces lits permettent effectivement, parce qu’il y a l’ensemble des capacités médicales sur le même lieu, de pouvoir organiser des filières adaptées. Ça permet de pouvoir renvoyer les gens à domicile ou dans leur lieu de vie plus facilement. Parce que quand les personnes sont hospitalisées dans des services qui ne leur correspondent pas, c’est une catastrophe. Par exemple, une personne âgée dans un lit de chirurgie. Il y a des études qui montrent qu’il y a une perte de chance."