Identification des victimes : quelle procédure ?

#Attentats - Dimanche 15 novembre, sur les 129 victimes des attentats, seules 103 étaient identifiées. Dans les contextes de catastrophes, les procédures d'identification des dépouilles sont très strictes et codifiées. Les explications du colonel Patrick Touron, directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Colonel Patrick Touron, directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
Entretien avec le Colonel Patrick Touron, directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
  • En quoi le théâtre des attentats de vendredi soir, en particulier la salle du Bataclan, est-il inhabituel ?

Colonel Patrick Touron : "La difficulté ne réside pas dans le prélèvement des éléments identifiants sur les victimes - on les a sous la main, les procédures sont connues. Mais il faut pouvoir associer ces éléments avec le nom d'une personne. Dans une grande salle de concert comme celle du Bataclan, on se retrouve avec beaucoup de personnes sans nom, et il n'y a pas de rapprochement possible avec des identités connues - à la différence d'un crash d'avion, par exemple, où l'on dispose de la liste des passagers."

  • Quels sont les critères d'une identification rigoureuse et scientifique des victimes ?

Colonel Patrick Touron : "Il y a deux types d'éléments que nous devons rapprocher. Des données primaires, celles rattachées formellement à l'individu et prélevées sur sa dépouille (son ADN, son empreinte dentaire, et ses empreintes digitales). C'est le travail de la cellule dite « post-mortem ». Mais il y a un travail plus important encore, c’est celui de la cellule « ante-mortem », chargée de recueillir auprès des proches d’autres éléments, datant du vivant de la victime : des traces d'ADN sur un objet qu'il a touché, ses empreintes digitales sur son passeport, etc. Alors, seulement, on peut identifier formellement la victime, avec une garantie scientifique."

  • Vous rappelez, en effet, que la simple reconnaissance de la dépouille par les proches ne peut être considérée comme une identification formelle…

Colonel Patrick Touron : "On s'imagine que reconnaître un proche dans un accident de voiture, c’est facile. Or on s’est rendu compte que dans un contexte de crise, de catastrophe, d’attentat, lorsqu’il y a une centaine ou plus de victimes, les proches ne se basent plus sur des critères objectifs pour reconnaître les dépouilles, mais sur des critères subjectifs. Ils ont un biais naturel, lié sans doute au traumatisme, qui font que les familles ne s'avèrent pas fiables dans le processus d'identification."

  • La procédure d'identification est-elle longue ? Cela peut être très douloureux pour les proches dans l'attente…

Colonel Patrick Touron : "Lorsque l'on dispose de tous les éléments que je viens de décrire, le processus est plutôt rapide. Mais il peut rester, ce qui est le cas actuellement dans le contexte des attentats, des victimes dont on ne dispose pas encore des éléments ante-mortem. C'est ça qui va conditionner l’annonce d'une identification définitive."