Hôpitaux militaires : comment ont-ils géré l'afflux de blessés ?

#Attentats - Si aucun des hôpitaux parisiens n'ouvre pour l'instant ses portes aux caméras, notre journaliste Chloé Buffard a pu se rendre hier dans deux établissements militaires : Bégin, à Saint-Mandé, et Percy, à Clamart. Elle a pu y rencontrer des médecins, des infirmiers et des psychiatres, qui, le soir des attentats, ont pris en charge 52 blessés, dont certains dans un état très grave.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
  • Comment ces personnels soignants militaires ont-ils vécu la nuit des attentats ?

"Tous nous ont dit la même chose. Dans la nuit de vendredi à samedi, ils ont du prendre en charge des blessés de guerre. Ils ont l’habitude de gérer des afflux de blessés - dans des zones conflits comme le Mali ou l'Afghanistan. Mais plusieurs ont reconnu le caractère exceptionnel de la situation de vendredi, à cause du nombre de personnes à prendre en charge dans un temps très réduit.  

"Et puis ce n’était pas une zone de conflit, mais la France, et des civils. Pour un infirmier qui était dans le sas de triage, personne ne peut s'attendre à cela."

  • Comment ont-ils fait face à l'afflux de blessés ? 

"Entre minuit et trois heures du matin, c’est une trentaine de blessés qui a été accueillie. A Percy, il y avait ce soir-là six fois plus de personnel qu'une nuit de garde classique. Tout doit aller très vite.

"Aux urgences, un sas de triage est mis en place. Objectif : évaluer le degré des blessés pour identifier les urgences absolues - ils ont par exemple reçu plusieurs patients en arrêt circulatoire. Ils examinent le bilan fait par le SAMU, évaluent les lésions visibles, puis celles sous les vêtements, puis retournent le patient.

"C'est capital de refaire ce bilan à l'arrivée aux Urgences, car la santé d'une personne évolue en permanence. Par exemple, vendredi soir, un patient est arrivé avec un pansement sur le visage. A priori, il ne s'agissait pas d'une urgence absolue. Sauf que les médecins de Percy se sont aperçus qu'il avait une lésion à l'oeil. C'est donc devenu une urgence puisqu'ils avaient six heures pour agir pour que le patient garde la vue."

  • Quelle est la particularité de la prise en charge et du suivi de ces blessures dites « de guerre » ?

"Beaucoup de patients ont dû être opérés plusieurs fois. C'est l’une des particularités des blessures de guerre : elles s'infectent très souvent. Les plaies sont souillées, il y a des éclats de balle, d’os et de masse musculaire à l’intérieur. En plus d'un traitement antibiotique, il faut enlever les tissus non viables autour, car ils risquent de faire le lit de l'infection.

"C’est un geste technique qui date des guerres napoléoniennes : cela s’appelle faire un parage. A Bégin, cinq blocs ont fonctionné simultanément. Dans les deux hôpitaux ce week-end, il y a eu plus de cinquante interventions."

  • Comment s'organisent aujourd'hui les services ?

"A Percy, hier en fin de journée, le médecin-chef nous a dit que la phase de crise était passée. Ils ont fait ce qu’ils appellent un « reconditionnement » : tout le service est à nouveau prêt, les blocs sont à nouveau opérationnels, les stocks de matériel reconstitués. Les soignants ont repris les cycles de gardes normales.

"C'est important aussi d'un point de vue psychologique, pour leur redonner des repères, car ils ont été soumis à un fort stress. L'un d'entre eux me disait que la blouse blanche ne les protège pas du stress. Des cellules psychologiques sont prévues pour les aider. Quid de leur fatigue ? Un autre m'a dit : nous ne sommes pas fatigués, nous sommes militaires.

"Certains blessés légers sont sortis. D'autres vont devoir rester longtemps à l'hôpital, la rééducation risque d'être longue. Un autre temps commence aussi : celui de la reconstruction psychologique."