Infirmière, elle devient journaliste !

Malika Surbled, 41 ans, a été infirmière pendant dix ans avant de devenir journaliste. Aujourd’hui rédactrice en chef adjointe du magazine professionnel Actusoins, elle ne regrette pas son choix.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Malika Surbled est devenue journaliste après avoir exercée en tant qu'infirmière
Malika Surbled est devenue journaliste après avoir exercée en tant qu'infirmière

« Déjà au lycée, j’hésitais entre journaliste et infirmière, se souvient Malika Surbled. Après le bac, j’ai commencé des études de lettres modernes, mais j’ai abandonné en cours d’année mon Deug. Je ne me voyais pas passer plusieurs années à la fac à étudier sans aucun contact avec les gens. »

La jeune femme rentre alors dans un Institut de Formation en Soins Infirmiers. « J’ai tout de suite adoré ces études, raconte Malika. Une fois diplômée, j’ai fait de l’intérim pour découvrir toutes les spécialités de la médecine, affiner mes choix. Ensuite, j’ai travaillé deux ans à l’Institut Curie à Paris en oncologie adulte. »

"Je n'ai pas attendu le burn-out "

Malika Surbled travaille ensuite pendant six ans en hospitalisation à domicile. « Ce ne sont pas mes conditions de travail qui ont motivé ma reconversion. Par rapport à d’autres collègues, j’étais plutôt bien lotie, explique-t-elle. Le besoin de changer de voie est venu progressivement : cet univers de la maladie, de la mort a été de plus en plus pesant au fil du temps. J’avais moins de 30 ans, je voulais découvrir autre chose de la vie que la souffrance. Je n’ai pas attendu d’être en burn-out pour quitter le métier. J’avais vraiment envie de changement. Le métier de journaliste s’est imposé : je suis curieuse, j’aime apprendre, comprendre les autres, les interroger.»

Son choix de reconversion n’a pas toujours été bien compris par ses pairs. « Tu n’as pas la formation initiale qui s’y prête ! Vas-tu t’en sortir ? » s’entend elle dire. « Je me suis, en effet, parfois demandée si j’étais légitime, mais j’ai aussi été soutenue notamment par mon entourage proche. »

Malika Surbled a alors 30 ans. Elle vient de rencontrer son conjoint qui l’encourage aussi. Elle puise dans ses économies pour financer un an de formation pratique dans une école privée de journalisme, l’ISFJ à Paris. Budget : 5000 euros.

Elle découvre le métier de journaliste et elle s’épanouit dans cette nouvelle voie. « Les deux métiers ont en commun l’ouverture aux autres, le goût pour le contact et les rencontres » estime la jeune femme.

Journaliste spécialisée en santé

Une fois diplômée, elle continue d’exercer une année en tant qu’infirmière à temps partiel tout en écrivant des articles. « Mes premières piges (NDLR : rémunération à l’article) étaient consacrés à l’environnement, au développement durable, à des questions de société. C’est seulement un peu plus tard, que je me suis tournée vers le journalisme spécialisé en santé. »

Même si Malika a tout de suite aimé son nouveau métier, les premières années ont été difficiles. Journaliste est un métier très précaire, en particulier pour les débutants qui cumulent piges ou CDD. Diplômée de l’école de journalisme en 2009, elle n’obtient sa carte de presse que trois ans plus tard. « Cette difficulté du métier m’a surpris, je ne m’attendais pas à une telle précarité, reconnaît-elle. J’ai eu des moments de doute… Pas sur ma vocation mais sur ma stratégie : je choisissais des sujets très ambitieux que je mettais des jours à rédiger. Les trois premières années, mon salaire a baissé de moitié. D’un autre côté, le statut de pigiste, avec un travail à domicile (NDLR : entre-temps, Malika est devenue mère de deux enfants), à mon rythme sur des sujets de mon choix me convenait " , admet-elle.

Aujourd’hui, Malika est rédactrice en chef adjointe à la rédaction d’ActuSoins, un magazine d’information destinée aux infirmiers et infirmières. Son salaire de journaliste dépasse désormais son salaire d’infirmière. « J’adore ce que je fais : mon travail me nourrit intellectuellement. Tous les jours, j’effectue des recherches, j’apprends sans cesse. Je participe aux choix éditoriaux du magazine et mets en lumière les soignants. Je suis observatrice et non plus actrice dans le domaine de la santé. L’idée est pour moi de rendre accessibles et compréhensibles les informations » explique-t-elle.

Toujours avide de connaissances, en 2016, Malika Surbled complète sa formation en santé : elle suit l’Executive master gestion et politiques de santé de Sciences Po. Objectif : mieux comprendre le système de santé.

Aujourd’hui, à ses anciens collègues qui envisagent une reconversion, Malika Surbled conseille :

  • d’avoir confiance en soi

« N’écoutez pas ceux qui vous disent que c’est impossible ! Je connais des infirmiers et infirmières qui sont devenus juristes, avocat, sage-femme, directeur de clinique etc. Il faut savoir s’affirmer. »

  • de bien se renseigner sur les passerelles et les droits à la formation. « La profession infirmière est très mal informée sur les possibilités de reconversion, regrette Malika. Or de nombreuses solutions existent. Il ne faut pas hésiter à réaliser un bilan de compétences proposé par les organismes paritaires qui s’occupent de formation professionnelle. »

 

Comme Malika, de nombreuses infirmières et infirmiers changent de voie après avoir exercé plusieurs années. Contrairement à Malika pour qui ce choix était une double vocation, les professionnels de santé fuient souvent des conditions de travail dégradées.

Infirmière : un turn-over élevé

« Face à la perte de sens à l’hôpi­tal, à la mal­trai­tance ins­ti­tu­tion­nelle induite par le sous-effec­tif, 30% des jeunes diplô­més aban­don­nent la pro­fes­sion infir­miè­res dans les cinq ans qui sui­vent le diplôme", indi­que Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndical National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC. "Le contraste est sai­sis­sant lors­que vous arri­vez dans un établissement qui fonc­tionne selon la T2A (Tarification à l’acti­vité) avec des GHM Groupes Homogènes de Malades, GHS Groupes Homogènes de Séjour : vous sou­hai­tez être infir­mière à l’hôpi­tal, l’admi­nis­tra­tion veut une "tech­ni­cienne spé­cia­li­sée dans une usine à soins" ! »