Des antibiotiques dopés aux huiles essentielles

Un chercheur marocain a trouvé un moyen de "camoufler" les antibiotiques en leur ajoutant des molécules d’huiles essentielles. Le but : éviter que la bactérie reconnaisse le traitement et développe un mécanisme de résistance.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
La résistance aux antiobiotiques est l'une "des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale" selon l'OMS.
La résistance aux antiobiotiques est l'une "des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale" selon l'OMS.

Après 30 ans de recherche, le Marocain Adnane Remmal, qui a reçu en juin le "prix du public" de l'Office européen des brevets, espère contribuer à la lutte contre le fléau mondial des germes résistants. "A force de mal utiliser les antibiotiques, la résistance (des bactéries) se développe", explique celui qui dirige le laboratoire de biotechnologie de l'Université Sidi Mohamed Ben Abdallah de Fès, au centre du Maroc.

Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la résistance aux antibiotiques constitue une "des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale". Pour la contourner, Adnane Remmal a imaginé une solution inspirée par la tradition marocaine d'utilisation médicinale des plantes.

Nouveau complexe moléculaire

Origan, thym, romarin: les plantes qui contiennent les composants les plus efficaces contre les microbes sont très répandues au Maroc, grâce au climat méditerranéen. Le chercheur a ajouté aux antibiotiques des "molécules naturelles provenant d'huiles essentielles", créant un nouveau complexe moléculaire. 

C'est "comme si on camouflait l'antibiotique" avec les molécules d'huiles essentielles, détaille ce biologiste de 55 ans. La bactérie peine à le reconnaître et donc à développer un mécanisme résistant. "Elle redevient sensible à cet antibiotique boosté". Et "grâce à ce nouveau médicament, on peut traiter un patient qui a un germe résistant", explique-t-il.

Sa découverte a été brevetée en 2014 par l'Office européen des brevets. Les essais cliniques ont débuté en 2016 et des tests complémentaires sont en cours. Le biologiste, qui a signé un contrat avec un laboratoire pharmaceutique marocain, espère obtenir fin 2017 l'autorisation de mise sur le marché dans le royaume. 

Remplacer les antibiotiques dans l’élevage intensif

Grâce aux travaux effectués dans son laboratoire, Adnane Remmal a également remporté en 2015 un prix de la Fondation africaine pour l'innovation, après avoir mis au point des suppléments alimentaires pour bétail à base d'huiles essentielles. Objectif : réduire le recours aux antibiotiques dans l'élevage intensif.

"L'origine de la résistance des bactéries vient principalement des animaux", décrypte le chercheur. "Les éleveurs ont découvert que s'ils donnaient des antibiotiques au bétail, les animaux grossissaient plus vite." "Mais les bactéries résistantes sont transmises à l'homme par l'alimentation : donc si je voulais combattre la résistance chez l'homme, je devais trouver une alternative à ces antibiotiques" pour l'animal, poursuit le chercheur.

Les entreprises sollicitées n'ayant pas voulu fabriquer ces additifs, le biologiste s'est lui-même lancé dans l'industrie. Des vastes locaux de son usine dans les environs de Fès se dégagent des senteurs d'herbes aromatiques. Dans une cuve de 3.000 litres d'huiles essentielles, sont mélangés des composants solides naturels comme l'argile. Le résultat est une fine poudre beige qui sera ajoutée à la nourriture du bétail.

"Nous voulons remplacer les antibiotiques par des produits efficaces à base de substances naturelles, à moindre coût et qui ne présentent aucune toxicité pour le consommateur final", explique Mounia Okhouya, responsable recherche et développement.

Adnane Remmal et son équipe ne comptent pas s'arrêter là. Des brevets sont en attente de publication pour d'autres produits à destination agricole: biopesticides, antifongiques, antiparasitaires. Les recherches continuent aussi pour la santé humaine.

Avec AFP