Pharma : les manoeuvres des labos pour influencer les médecins

Les laboratoires pharmaceutiques déploient parfois les grands moyens pour séduire les médecins et les inciter à prescrire certains médicaments. Ces techniques sont devenues plus insidieuses depuis que la loi impose plus de transparence.

Rudy Bancquart
Rédigé le , mis à jour le
Chronique de Rudy Bancquart du 28 février 2018
Chronique de Rudy Bancquart du 28 février 2018

Le temps où les visiteurs médicaux débarquaient dans les cabinets les bras chargés de cadeaux, de voyages... pour inciter les médecins à prescrire tels ou tels médicaments est révolu. Depuis 2013, la loi oblige les laboratoires pharmaceutiques à déclarer les cadeaux au delà de 10 euros sur le site Transparence.gouv.fr, ainsi que tous les liens d'intérêts (hébergement, rémunération pour un essai clinique, participation à un congrès etc.).

La France n'a pas échappé ces dernières années à la vague du "Sunshine Act". Né aux Etats-Unis, il s'agit d'un ensemble de réformes qui prônent plus de transparence entre les acteurs de la santé. Le but étant d'éviter de nouveaux scandales sanitaires comme le Mediator.

L'entreprise de séduction des laboratoires pharmaceutiques

Pourtant, les laboratoires s'efforcent toujours de séduire les médecins pour vendre leurs médicaments. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder les budgets des labos. Aujourd'hui, la part du budget marketing est plus élevée que la part consacrée à la recherche et développement. Par exemple, si Roche dépense 10 milliards d'euros en recherche et développement, il en dépense 12 milliards en marketing. Pour Novartis, le rapport est de 9 milliards contre 14 et pour Johnson & Johnson, il est de 8,5 contre 21 milliards. Les laboratoires dépensent donc beaucoup d'argent pour faire la promotion de leurs médicaments, essentiellement vers les prescripteurs c'est-à-dire les médecins.

Parmi les techniques en vogue pour séduire les médecins, il y a ce qu'on appelle les "seeding trials". Le principe est simple. Le laboratoire demande à un médecin de réaliser une étude scientifique pour un de ses médicaments. Mais pas n'importe quelle étude, une étude de phase 4, une étude post-autorisation de mise sur le marché (AMM). Le médicament a obtenu toutes les autorisations de mise sur le marché, il est déjà commercialisé. En général, l'objectif de ces études est d'observer en vie réelle la survenue éventuelle d'accidents rares.

Des études utilisées comme outils de promotion

Des chercheurs ont essayé de savoir si ces études avaient un réel intérêt et il s'avère que non ! Une récente étude publiée dans le BMJ en 2016 conclut que les études de phase 4 n'améliorent pas la détection des évènements indésirables des médicaments.

Une autre étude publiée en 2017, toujours dans le BMJ, va même plus loin et conclut : "Les rémunérations élevées versées par le promoteur au médecin participant pourraient servir à des fins commerciales plutôt qu'à une pharmacovigilance transparente et efficace". Le médecin est rémunéré pour mener ces études.

Un grand nombre d'études de phase 4 serviraient donc à rémunérer le médecin, et surtout à lui faire prendre l'habitude de prescrire un médicament plutôt qu'un autre. Des agences proposent même leurs services pour le design d'études de phase 4 à visée marketing.