Médicaments : vers un taux unique de remboursement ?
Un rapport rédigé par une des conseillères de la direction de la Caisse nationale d'Assurance maladie devrait être remis dans les prochains jours à la ministre de la Santé. Ce rapport propose de remettre à plat tout le système de remboursement des médicaments. Et l'une des mesures proposées fait grand bruit. Il s'agirait de mettre en place un taux unique de remboursement contre trois actuellement.
Le rapport n'est pas encore officiel et aucune décision n'a été prise, mais cette proposition d'un taux unique de remboursement serait une révolution pour les patients.
Aujourd'hui, il existe trois taux de remboursement pour les médicaments : 65%, 30% et 15%. Cela dépend de ce qu'on appelle le SMR, le service médical rendu. La Haute Autorité de Santé (HAS) est chargée de le fixer et pour ce faire, elle évalue régulièrement chaque médicament en fonction de plusieurs critères : la gravité de la maladie qu'il est censé traiter, son efficacité, ses effets indésirables, mais aussi son intérêt par rapport aux autres molécules qui existent déjà pour la même indication.
Au final, on attribue une sorte de note à chaque médicament sur une échelle de quatre et moins la note est bonne, moins le médicament est pris en charge. S'il a un SMR important, il est remboursé à 65% ; pour un SMR modéré, le taux de remboursement est de 30% ; si le service médical rendu est faible, il s'élève à 15% et s'il est insuffisant, le médicament n'est pas du tout pris en charge par la Sécu.
Les règles du remboursement des médicaments
Les règles du remboursement des médicaments ne dépendent pas que du service médical rendu. Certains médicaments reconnus comme irremplaçables et particulièrement chers sont pris en charge à 100% pour tout le monde. Par exemple, les médicaments contre le cancer ou le VIH. Il y a aussi la situation particulière des malades chroniques, qui bénéficient du régime des affections de longue durée (ALD), ce qui représente tout de même 9,5 millions de personnes. Ils ont une prise en charge à 100% de tous leurs médicaments, y compris ceux qui normalement sont remboursés qu'à 15 ou 30%. La condition, c'est que le médicament prescrit soit en lien direct avec l'ALD.
Prenons l'exemple d'une crème dermatologique très connue, de la marque Dexeryl®. La HAS lui a attribué un SMR faible, une mauvaise note, donc elle n'est remboursée qu'à 15%. Mais si elle est prescrite à des patients en radiothérapie (pour soulager les irritations de la peau), elle est entièrement remboursée. Ce n'est pas une exception… C'est le cas de beaucoup d'autres médicaments à SMR faible, qui malgré tout, sont utiles pour certaines catégories de patients.
Ce rapport montre qu'il y a un vrai décalage entre taux théorique de remboursement et taux observé dans la pratique. Quand on regarde tous les médicaments normalement pris en charge à 15%, si on prend en compte toutes les situations où ils sont remboursés à 100% et qu'on fait une moyenne, on arrive à un taux de remboursement réel de 38%.
Une source de confusion pour les médecins et les patients
Ces trois taux ne correspondent donc pas à grand-chose. Et ce système est source de confusion pour les médecins et les patients. Le problème vient de la manière d'évaluer les médicaments. Pour définir le taux de remboursement, la question n'est pas seulement de savoir si le médicament est bon mais aussi de savoir si le médicament a un intérêt par rapport à ceux qui existent déjà pour la même indication.
Quand un nouveau médicament arrive sur le marché et qu'on réévalue les plus anciens dans la même catégorie, généralement on juge qu'ils sont moins efficaces que celui qui a bénéficié des dernières innovations. Résultat : leur note est rétrogradée (le fameux SMR) et du coup le taux de remboursement peut chuter de 65 à 30 ou 15%. Cela est assez déroutant pour les patients qui vivent parfois depuis des années avec ce traitement qui leur convient très bien et du jour au lendemain, on leur dit que non seulement, ce produit n'est pas si efficace et en plus, il va falloir le payer plus cher. Ce n'est pas simple non plus pour les médecins qui peuvent hésiter à prescrire un médicament faiblement remboursé malgré son utilité.
Instaurer un taux de remboursement unique
C'est la raison pour laquelle le rapport propose d'instaurer un taux de remboursement unique. C'est une piste parmi beaucoup d'autres qui sont formulées dans ce rapport. Cette proposition est la plus radicale puisqu'il s'agirait de supprimer les trois taux existants au profit d'un seul. Comme c'est le cas dans beaucoup d'autres pays.
La question, c'est de savoir à combien serait fixé ce taux. Le rapport ne donne pas de chiffre définitif mais il devrait se situer autour de 60%. Concrètement, cela voudrait dire qu'il faudrait réévaluer tous les médicaments présents sur le marché, ceux actuellement remboursés à 65% passeraient à 60, et ceux à 30 et à 15% seraient soit absorbés dans le taux unique, soit purement et simplement déremboursés. Tout en sachant que certains médicaments resteraient pris en charge à 100% pour les patients en ALD.
Le chantier serait immense, d'autant plus que ce rapport propose aussi de revoir les critères d'évaluation, dont le fameux SMR.
Une proposition difficile à mettre en oeuvre
Le ministère ne s'est pas exprimé officiellement sur cette question mais la mise en place de cette proposition paraît improbable dans l'immédiat. À un an et demi d'une élection présidentielle, c'est le genre de mesure impopulaire qu'on évite de prendre.
Du côté des patients, les associations aussi sont sceptiques. Selon elles, en sortant des médicaments du remboursement, on risque de faire exploser le reste à charge de certains patients. Pour ces associations, il est donc inenvisageable d'établir ce taux unique sans, au préalable, plafonner les dépenses de santé que les ménages doivent payer de leur poche.
Sur le plan économique (même si la mission de ce rapport n'était pas de proposer des économies), il n'est pas du tout sûr que la Sécu en sorte gagnante : des études ont montré qu'à long terme, les déremboursements ne sont pas rentables. La raison : lorsqu'un médicament n'est plus pris en charge, les médecins se rabattent sur d'autres médicaments qui eux sont remboursés, parfois plus chers, donc cela annule une partie des économies attendues.
En tout cas, l'idée de taux unique paraît compliquée à mettre en oeuvre. Surtout, une autre question paraît plus urgente et à laquelle ce rapport ne répond pas vraiment, alors que cela faisait partie de ses missions, concerne la fixation du prix des médicaments. On a beaucoup parlé du Sovaldi® l'année dernière, le fameux médicament contre l'hépatite C qui coûte plus de 40.000 euros pour trois mois. Mais il existe d'autres molécules aussi chères qui s'apprêtent à arriver sur le marché. Or, l'Assurance maladie n'aura clairement pas les moyens de les financer pour tous les patients. Cela vaut donc réflexion...