Psychiatrie : l'hospitalisation sans consentement

Durant l'été, le 5 juillet 2011, une loi a profondément modifié le régime d'application des hospitalisations sous contrainte. Christian Saout, président du CISS, fait le point sur ce régime.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

- Chronique de Christian Saout du 14 novembre 2011 -

 

Ce régime concerne des personnes éprouvant des difficultés psychiques et se mettant en danger ou mettant en danger leurs proches ou leur environnement, soit 80 000 personnes en France chaque année. Il s'agit donc à la fois d'une mesure de protection des personnes malades elles-mêmes, mais aussi des personnes qui les entourent et à qui elles peuvent porter atteinte. Désormais, un patient pourra être admis "sous contrainte" dans un établissement psychiatrique permanent, en hospitalisation psychiatrique partielle, ou encore à domicile.

En quoi consiste cette nouvelle "procédure" ?

Il faut distinguer deux cas. Celui où la demande d'admission est faite à la demande d'un tiers (famille, ou toute personne ayant des relations suffisamment anciennes avec la personne) ou en cas de péril imminent pour la santé de la personne malade (syndrome délirant par exemple, situation de crise aiguë notamment, violente à l'égard de soi ou de tiers, sur la base d'un certificat médical de constat).

L'autre cas est celui de l'admission sur demande du préfet, c'est l'ancienne procédure d'hospitalisation d'office, qui peut d'ailleurs aller jusqu'à une décision préfectorale de placement dans une unité spécifique de sûreté dans les cas où des violences sur autrui sont craintes.

Au total, on ajoute à l'hospitalisation d'office classique, à la demande d'un tiers ou du préfet, une situation dite de "péril imminent pour la santé de la personne malade" aux limites assez floues et donc critiquées par les associations de défense des malades, mais aussi des associations de défense des droits de l'homme, car ces mesures sont des mesures de soin mais aussi des mesures privatives de liberté, totale ou partielle.

Cette admission ouvre une période d'observation de 72 heures pendant laquelle un nouvel examen médical doit confirmer le bien fondé de l'admission, et dire si cela sera une admission en hospitalisation complète ou partielle, ou encore à domicile. Dans les deux derniers cas (hospitalisation partielle ou à domicile), il est rédigé un programme de soins. Dans le cas de l'hospitalisation à la demande du préfet ou d'un tiers, il faut que les deux certificats médicaux soient concordants sinon l'hospitalisation est levée au bout de 72 heures.

À quoi correspond ce programme de soins ?

Il s'agit d'un plan de soins classique avec identité du malade et coordonnées du psychiatre. Le document, qui ne précise pas la pathologie, précise cependant la nature des soins. Il est discuté avec la personne concernée. Le programme peut évoluer évidemment à tout moment, en fonction de l'état du malade.

Quels peuvent être les abus ?

Pour parer aux abus, des dispositions existent.

En cas d'hospitalisation totale, le directeur de l'établissement doit saisir le juge de la détention et de la liberté lors de la décision, en joignant les deux certificats médicaux. Il en sera de même au bout de 6 mois. Mais ce juge des libertés et de la détention peut aussi décider une main levée de l'admission s'il est saisi par le malade, sa famille, son conjoint, concubin ou pacsé, celui ou celle qui a été à l'initiative de la mesure, ou le Procureur de la République. En outre, il existe une commission départementale des soins psychiatriques qui peut être saisie par les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sous contrainte et proposer au juge des libertés de lever la mesure. Mais la commission visite au moins deux fois par an tous les établissements. La commission comporte des représentants des associations de patients agréées.

Pour faire bon poids, il faut rappeler aussi que les établissements de placement des personnes peuvent à tout moment recevoir la visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Monsieur Jean-Marie Delarue, qui est ce que l'on appelle une autorité indépendante et qui peut être alerté par le malade lui-même ou de toute personne assurant la défense de ses intérêts.

Est-ce que tout cela est rassurant ?

Certains en doutent et la loi du 5 juillet 2011 a essuyé de nombreuses critiques. Mais force est de reconnaître que son application semble se dérouler sans encombre. Il faudra encore quelques mois pour tirer un bilan raisonné et voir notamment s'il n'y a pas d'explosion du nombre des personnes maintenues à domicile, et si l'on n'a pas transformé les soignants en psychiatrie en gardiens de malades en ville !

 

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