Coronavirus : une mutation a bien renforcé son pouvoir infectieux

Une mutation du SARS-CoV-2 apparue en mars l’aurait rendu plus facilement transmissible d’humain à humain. Des chercheurs confirment cette hypothèse, déjà émise pour expliquer l’intensité des épidémies en Europe et aux États-Unis.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / Dotted Yeti

Une mutation à l’origine d’une deuxième souche plus infectieuse ? Cette hypothèse semble se confirmer pour le SARS-CoV-2, selon la prépublication de chercheurs américains du Département d’immunologie et de microbiologie de l’institut de recherche Scripps en Floride, mise en ligne le 12 juin sur le site bioRxiv.
C’est une théorie qui avait d’abord été proposée par d’autres chercheurs américains, travaillant au Los Alamos National Laboratory et à l’université de Duke. Dans une prépublication également mise en ligne sur bioRxiv, ces spécialistes révélaient l’existence de mutations sur les gènes qui définissent la protéine S (pour "spike" ou pic en anglais) du coronavirus. Ces structures se situent à la surface du virus et lui permettent à la fois de s’accrocher à une cellule hôte et d’y pénétrer.

Selon eux, une première souche largement majoritaire en Asie, qui porte la mutation D614, diffère d’une deuxième souche, qui porte la mutation G614. L’apparition de cette deuxième souche concorde avec l’arrivée du virus en Europe. Et celle-ci aurait un plus fort pouvoir infectieux, ce qui explique qu’elle ait rapidement pris le pas sur la première souche en France, en Italie, au Royaume-Uni puis aux États-Unis, des pays sévèrement touchés par l’épidémie de Covid-19.

Une infection neuf fois plus efficace

Mais cette première étude comprenait beaucoup de spéculations et méritait d’être corroborée. C’est en bonne voie, grâce à cette nouvelle prépublication qui confirme que la mutation G614 augmente bien la capacité infectieuse du virus et donc sa transmission de personne à personne.

Comment cette équipe de chercheurs en est-elle arrivée à cette conclusion ? Ils ont réalisé des infections de cellules in vitro par des virus synthétiques - ou pseudovirus - porteurs soit de la première mutation D614, soit de la deuxième mutation G614. Résultat : les pseudovirus G614 ont infecté les cellules "avec une efficacité environ neuf fois plus élevée que les pseudovirus D614" notent les chercheurs dans leur étude.
Et ces scientifiques ont fait une deuxième observation : le nombre total de protéines S sur les pseudovirus G614 est supérieur à celui des pseudovirus D614.

Les chercheurs ont ensuite relié ces observations aux données de GenBank, la base mondiale des données génétiques. La deuxième mutation G614 est absente de la base de données en février 2020 puis, dès son apparition, elle augmente rapidement : elle représente 26% des souches de SARS-CoV-2 en mars, 65% en avril pour finalement atteindre 70% en mai.
En connectant tous ces points, les chercheurs obtiennent la preuve que cette mutation confère aux souches du virus qui la possèdent un avantage sur les souches qui ne la possèdent pas, et facilite donc leur transmission.

Plus de transmissions, mais pas plus de gravité

Mais comment une petite mutation génétique peut-elle avoir un tel impact sur la propagation du virus ? Parce qu’elle modifie la structure même de la protéine S, pic d’accroche du virus, répondent les chercheurs.
En effet, la protéine S est composée de deux structures : S1 et S2. S1 sert à la fixation du virus et S2 à la fusion et à la pénétration du virus dans la cellule à infecter. Et la façon dont S1 et S2 s’accrochent ensemble pour former S détermine l’efficacité de cette protéine. Or, selon cette dernière étude, la mutation G614 stabilise justement la liaison entre les parties S1 et S2, rendant l’ensemble S plus efficace.

Mais pour les chercheurs, une question persiste : "Pourquoi les virus G614, plus stables, semblent être plus transmissibles sans entraîner de différence observable dans la gravité de la maladie ?" Il est possible pour eux, que cette mutation "augmente le risque de transmission d’hôte à hôte" mais que "d’autres facteurs limitent le taux et l’efficacité de la réplication intra-hôte". Autrement dit, cette deuxième souche serait plus contagieuse, mais pas plus sévère.
Ce ne sont encore une fois que des spéculations à ce stade de recherche et c’est pourquoi il est, selon les auteurs de l’étude, "justifié d'étudier davantage l'impact de la mutation G614 sur l'évolution de la maladie", notamment sur la gravité et la nature du Covid-19.