Cannabis : comment en parler à son enfant ?

Mon fils a 14 ans. Comment le prévenir au mieux pour qu'il ne commence jamais à prendre du cannabis ?

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Les réponses avec le Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue, et avec Sterenn Bohelay, chef de service à l'association Oppelia 91 :

"Pour les usagers, les consommateurs, il faut avant tout faire confiance en leurs capacités à travailler et à s'auto-évaluer, à identifier leurs limites. Cela nécessite de les accompagner. Il faut essayer de comprendre et se positionner plutôt du côté des effets recherchés. On a souvent tendance en tant qu'adulte, à aller vers les inconvénients. Et cela ferme au dialogue. Si on va du côté des bénéfices, savoir ce qu'apporte le cannabis au jeune, on peut éventuellement travailler sur l'existence d'autres manières de procurer ces bénéfices. Il y a la question de la dépendance, car effectivement la consommation de cannabis peut déboucher à une addiction à un moment donné mais la plupart des personnes ne développent pas d'addiction. Si on se pose plutôt du côté de l'expérience du jeune, ce que lui peut en dire, c'est aussi l'accompagner à développer son esprit critique, la connaissance de ses limites et sa consommation à un moment donné sans forcément aller tout de suite à l'abstinence.

"La question du cadre est importante. C'est la raison pour laquelle tous les adultes (tous les adultes en contact, à proximité au quotidien avec le jeune) doivent être cohérents. De cette manière, c'est aussi porter une responsabilité collective parce que souvent les parents se culpabilisent et parfois ça dure un certain moment avant qu'on puisse exprimer sa difficulté avec son jeune et le dialogue n'est plus. Plus on interviendra précocement, plus cette responsabilité sera partagée, plus le cadre sera cohérent. C'est beaucoup plus du côté de la compréhension du pourquoi, quel sens a cette consommation qu'on sera aidant et qu'on pourra accompagner le jeune."

"Il faut sortir du monde merveilleux des parents qui pensent que leur enfant ne consomme pas et que ce sont les enfants des autres qui consomment. 90% des enfants ont soit expérimenté, soit un de leur copain leur a proposé de goûter. C'est une réalité. Et une fois qu'on l'a intégré, ensuite on est sur une gradation des problèmes. Lorsqu'on voit son enfant aller mal, il faut lui parler. Il ne faut pas avoir peur. Il ne faut pas reproduire le tabou de la société qui nous l'impose. La société nous impose le tabou du cannabis alors qu'on est un pays dans lequel un enfant sur deux a consommé du cannabis.

"Si on est dans une consommation de cannabis qui répare ou qui ne répare pas ou qui détruit, on a déjà loupé des étapes. On a loupé l'étape de la discussion, l'étape du repérage parental. Les parents savent certaines choses. Le cœur, ou le regard d'une mère ou d'un père n'a pas de prix. On a simplement peur, on fait son propre déni. La prévention ne se fait pas simplement sur les sujets, elle se fait sur l'environnement, sur les enseignants. C'est un gros travail qui n'a jamais ou presque jamais été fait en France. Il faut sortir du "il fume du cannabis, il est drogué, il ne va pas faire ses études, il ne fera pas polytechnique". Ce n'est pas de cette manière qu'il faut aborder la question, surtout en France où on est les champions des donneurs de leçons dans le monde entier, en commençant par les pays d'Europe, qui ouvrent et qui mettent en place des choses. En France, on est les plus prohibitionnistes et les champions de la consommation."