Boit-on moins d'alcool quand on vieillit ?

Chez les personnes âgées, une prise en charge courte et individualisée a révélé son efficacité pour diminuer la consommation d'alcool

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
"Les personnes âgées consomment-elles trop d'alcool ?", chronique du Dr Philip Gorwood, psychiatre
"Les personnes âgées consomment-elles trop d'alcool ?", chronique du Dr Philip Gorwood, psychiatre

Les consommations d'alcool ont en moyenne tendance à baisser, dès l'âge de 40 ans. Mais cette observation est un peu trop générale. Il faut en effet s'intéresser aux sous-groupes de sujets qui boivent plus ou moins avant le troisième âge. 10.000 sujets de 35 à 55 ans en moyenne ont été suivis durant vingt ans. Pour de nombreux groupes de consommateurs irréguliers et réguliers, jusqu'à deux verres par jour chez les hommes et un verre par jour chez les femmes, la consommation était soit très stable ou augmentait très légèrement. Seul le groupe des forts consommateurs (plus de quatre verres chez les hommes, deux verres chez les femmes) diminuait sa consommation d'alcool.

Cette (saine) diminution arrive à tous les âges, y compris à 60, 70, 80 ans. La consommation peut devenir plus raisonnable en raison d'une maladie, mais aussi sur une décision purement volontaire. Il ne faut donc pas perdre confiance, une consommation excessive d'alcool peut toujours être maîtrisée, à tous les âges !

Efficacité d'une prise en charge courte et personnalisée 

Il est aussi possible de se faire aider pour baisser sa consommation d'alcool. Il existe d'ailleurs des interventions ciblées pour les sujets âgés qui ont des problèmes d'alcool. Une étude, considérée comme très décevante par ses auteurs, reste pourtant passionnante pour l'addictologie. Les auteurs ont comparé une prise en charge minimale, extrêmement brève (cinq minutes de recommandations personnalisées) attendue comme ayant très peu voire pas d'effet, à une prise en charge ambulatoire faite d'un long entretien de vingt minutes amenant à une thérapie cognitive et motivationnelle en plusieurs étapes et plusieurs consultants. 500 sujets ont été inclus dans cette étude et ont été suivis durant un an. Résultat : aucune différence ! Les deux techniques entraînent les mêmes résultats, c'est-à-dire une amélioration significative.

Une intervention simple et rapide suffit à faire de grandes différences, y compris chez le sujet âgé. Il s'agit d'une excellente nouvelle qui doit être connue de tous les médecins généralistes. Les interventions brèves doivent toutefois être personnalisées, c'est-à-dire réellement rapportées au patient et doivent être un partage de connaissance, et non des menaces ('si vous continuez, vous allez avoir une cirrhose"), ni un déni ("tout va bien se passer").

Le deuil, facteur de risque

Le deuil est plus fréquent chez les sujets âgés et augmente les risques d'alcool chez l'endeuillé. Le risque de consommations excessives est multiplié par 3 et 4 lors d'un deuil. Mais il faut aussi regarder comment s'organise cette consommation d'alcool dans le temps. Une étude a montré que les hommes et les femmes ayant souffert d'un deuil avaient une consommation plus importante après qu'avant le deuil.

Mais lorsqu'on s'intéresse à l'apparition de cette nouvelle consommation, on constate une grande différence chez les hommes et les femmes. Pour les hommes, cette consommation précède progressivement mais régulièrement le deuil, et finalement s'installe durablement. Le problème d'alcool a donc précédé le deuil. Pour les femmes, il existe aussi une élévation de cette consommation avant, mais elle semble continuer à monter après. L'augmentation de la consommation d'alcool précédant le deuil doit alerter les sujets, les proches, les soignants. Il s'agit d'un signal, un symptôme, que les problèmes vont être importants après le deuil.