Comment aider un proche atteint du cancer ?

Le rôle des proches d'un malade du cancer est essentiel mais peut parfois être délétère. Dans certains cas, le proche peut être maladroit et en voulant bien faire, il tombe à côté. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut rien faire ! Qu'appelle-t-on soutien social ? Comment faire pour assurer au patient atteint de cancer le meilleur soutien possible ? Comment éviter le "soutien négatif" ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Comment aider un proche atteint du cancer ?

Cancer : le rôle des proches

Quelle place pour les proches des malades du cancer ?, chronique de Sarah Dauchy, psychiatre et chef du service des soins de support à l'Institut Gustave Roussy
Quelle place pour les proches des malades du cancer ?, chronique de Sarah Dauchy, psychiatre et chef du service des soins de support à l'Institut Gustave Roussy

Lorsqu'on parle des proches des patients atteints de cancer, on envisage souvent les "plus proches", la famille ou le cercle immédiat, souvent soumis eux aussi à l'impact de la maladie, à l'incertitude, à l'angoisse et à la tristesse, au bouleversement des repères. Les proches sont ceux qui sont potentiellement aussi ébranlés par la maladie, et peuvent demander à bénéficier d'une aide, notamment psychologique.

Mais les proches sont aussi ceux qui vont pouvoir jouer un rôle majeur pour le patient, par leur accompagnement et leur soutien. Ce d'autant qu'en matière de soutien, on ne va pas considérer que ces "plus proches", mais on va aussi parler plus largement de l'entourage du patient, aux niveaux familial, amical, voire professionnel.

De nombreuses études en cancérologie rapportent l'impact du soutien social reçu par les patients sur leur adaptation psychologique et leur qualité de vie, voire pour certaines études et certains cancers sur leur survie.

Le soutien social

Le soutien social est l'ensemble de tous les soutiens reçus par un patient à travers tous ceux qui l'entourent. Il est important de réaliser d'emblée qu'il n'y a pas que le soutien psychologique ou affectif. Le soutien dit instrumental, concret, par exemple l'apport d'informations ou l'aide pratique, matérielle, financière… compte aussi beaucoup.

Le soutien affectif, souvent assimilé au "besoin de parler", voire à l'obligation de parler. "Il faut dire ce que tu ressens", "cela lui ferait du bien de parler"... disent parfois des familles incitant un patient à aller voir un psy. Mais tout le monde n'a pas pas forcément "besoin de s'exprimer", voire même cela peut être déstabilisant pour certains patients. Et surtout, le soutien affectif, ce n'est pas que ça. Le soutien affectif, c'est aussi et surtout être rassuré sur la persistance du lien avec ses proches, savoir qu'on continue à compter pour l'autre.

Le soutien affectif commence lorsqu'on ne ferme pas vite sa porte parce que la voisine avec laquelle on bavarde de temps rentre de chimio et qu'on a peur de lui demander comment elle va. Cela continue par le fait de ne pas "oublier" à l'heure du déjeuner la collègue qui vient de reprendre après les quelques mois d'arrêt maladie dus à sa chimiothérapie... ou ne pas se dire trop vite, trop "confortablement", que ce couple d'amis dont le conjoint a un cancer, on n'est pas si intime que ça avec eux, et qu'on va attendre que ça aille mieux pour les rappeler, on pourrait les gêner.

Le soutien affectif, c'est donc d'abord rester présent à l'autre, voire s'interroger sur comment renforcer cette présence dans le contexte des changements liés à la maladie, où le rythme du patient et les activités seront parfois différents.

Le soutien matériel

Le soutien affectif est très important, mais le soutien peut aussi être beaucoup plus concret, matériel, et cela est tout aussi utile au malade.

Le soutien pratique peut consister en de multiples façons concrètes d'apporter un soutien : aller faire les courses pour l'autre, accompagner ou accueillir ses enfants, l'accompagner à l'hôpital, lui proposer de faire des travaux difficilement accessibles lorsqu'on est malade (jardin par exemple), à sa place ou avec lui... Plusieurs recherches ont montré l'importance de ce soutien concret, qui peut être plus bénéfique pour les patients qu'une incitation parfois maladroite à la verbalisation.

Le soutien "négatif"

Même avec la meilleure volonté du monde, l'un comme l'autre de ces soutiens peut avoir l'effet inverse de celui escompté. Les psys parle de soutien "négatif". Un soutien négatif est un soutien manqué, son effet est inverse de celui escompté. Cela est particulièrement vrai dans le soutien affectif comme quand à l'annonce par un patient de sa maladie, un proche réagit en évoquant d'autres personnes malades voire décédées, ou se met à parler de ses problèmes à lui, ou sous couvert de remonter le moral à l'autre, le fait taire (allez, ne te laisse pas abattre, sois positif, tu sais bien qu'il faut être battant...).

Appliqué au soutien matériel, le soutien négatif intervient quand l'aide est celle qui arrange le proche mais ne répond pas vraiment au besoin du patient, voire risque de le priver d'un rôle pourtant important pour lui. L'aide spontanée proposée, même avec bienveillance, peut être vécue comme une dépossession de sa place et de son rôle.

Toutefois il ne faut pas que dans la crainte d'être maladroit et de faire du soutien négatif, les proches s'empêchent de dire ou de faire quoi que ce soit. Cela serait pire. Il ne faut surtout pas rester en retrait en attendant que ça passe par peur de mal faire. Cela serait vécu comme un abandon par le malade, qui a vraiment besoin de son entourage pendant cette période, même les petits gestes ou signes d'attention sont importants.

L'objectif sera de mobiliser les différents soutiens possibles, et pas seulement le soutien émotionnel ; d'être vigilant au besoin exprimé par le patient pour éviter le soutien négatif ; et de faire tout ça en faisant attention à son propre équilibre, car il ne s'agit pas de s'effondrer aussi. Tout cela n'est pas toujours très simple, et trouver comment aider peut aussi être pour un proche un motif de consultation, même ponctuelle, avec un psychologue. Ce d'autant plus que parfois la personne malade cherche à protéger son entourage en évitant par exemple d'exprimer son ressenti, ses craintes ou sa tristesse, ou en minimisant son besoin d'aide : attitude qui en fait ne protège personne, car elle majore tant l'isolement du patient que le fréquent sentiment d'impuissance du proche qui ne peut agir pour accompagner la personne malade.

Que faire pour que l'aide et le soutien au malade soient efficaces ?

Pour que cette aide soit efficace, cela commence par le malade lui-même, qui pour recevoir l'aide dont il a besoin doit être capable d'exprimer ses désirs.

Du côté des patients, n'hésitez pas à recourir à l'expression claire de vos propres besoins, qui vont pouvoir varier tout au long des étapes de la maladie et des traitements. Essayer de préciser votre besoin d'aide matérielle (aide pour les courses, aller chercher les enfants à l'école…) ou d'un autre type d'aide, et de clarifier votre besoin de parler de la maladie ou au contraire votre souhait de ne pas vous exprimer à ce sujet, ou de limiter le nombre de personnes avec lesquelles vous souhaitez en parler (vous pouvez par exemple demander à l'un de vos proches de faire le relais pour donner de vos nouvelles, le faire par mail…).

Pour les proches, il n'est pas toujours facile de trouver les bonnes attitudes pour soutenir au mieux la personne malade. Quelques idées d'attitudes le plus souvent perçues comme aidantes par les patients (mais cela dépend de chacun) :

  • Se montrer disponible aux échanges autour de la maladie sans forcer la parole (on peut dire par exemple à un ami malade : "Je serai toujours là pour toi si tu as envie de parler de ce qui est difficile")
     
  • Faire preuve de compréhension : reconnaître, légitimer, valider l'état émotionnel ("Je comprends que tu en as marre", plutôt que de freiner l'expression des émotions (ne pleure pas, ne sois pas angoissée, ça va passer)
     
  • Proposer une aide concrète ("Je peux passer ?", "De quoi as-tu besoin ?", "Veux-tu que je fasse tes courses ou que j'aille chercher les enfants à l'école ?"). Ou tout simplement "Va t'installer sur le canapé, ce soir je m'occupe de tout".
     
  • Proposer, et surtout continuer à proposer, des activités de distraction, de détente et de loisirs.

Quelques repères dans les attitudes à éviter :

  • Donner des conseils ("Garde le moral, il faut se battre, c'est important pour guérir") voire s'identifier ("si j'étais à ta place je….")
     
  • Court-circuiter l'expression des émotions, rassurer à tout prix ("Sois forte, allez secoue-toi, sois positive, ne t'inquiète pas")
     
  • Minimiser ("Tu as de la chance, le cancer du sein, c'est bénin ça se soigne très bien")

Et se rassurer sur le fait que le plus important, c'est de montrer qu'on est présent, aussi disponible que possible : on ne peut pas se battre contre le cancer à la place du proche, mais on a tout le pouvoir d'en limiter certains des effets négatifs si on se mobilise pour préserver les liens, voire qu'on en profite pour les renforcer.

Cancer : des associations au soutien des proches

Les soins du visage proposés par la Ligue représentent plus qu'un simple geste de beauté pour les proches des malades du cancer.
Les soins du visage proposés par la Ligue représentent plus qu'un simple geste de beauté pour les proches des malades du cancer.

Le cancer bouleverse non seulement la vie des patients qui en sont atteints, mais aussi celle de leur entourage. Le conjoint, en particulier, se retrouve en première ligne. Mais aussi la famille en général et les amis proches. Certaines associations font le choix de soutenir les proches des malades du cancer. C'est le cas de la Ligue contre le cancer à Nancy.

À la Ligue contre le cancer de Meurthe-et-Moselle, on sait combien la vie des proches est bousculée par la maladie. Pour les soulager, on leur propose de participer gratuitement aux mêmes activités que les malades. Parmi elles, les soins de socio-esthétiques : "Il y a beaucoup de fatigue chez les proches de malades, ils sont aussi très inquiets du devenir de leur mari ou de leur femme. Il est donc important qu'ils aient des moments pour eux, où ils puissent souffler, et pouvoir aussi parler de tout ça parce que les proches ne peuvent pas forcément en parler au reste de la famille, à l'entourage… Ici, ils peuvent se libérer", confie Laura Kaleche, socio-esthéticienne.

Des séances de sophrologie sont aussi proposées aux malades comme à leurs proches. Ils participent également à des ateliers plus ludiques comme des cours de cuisine. En 2015, 20% des participants à ces ateliers étaient des proches des malades.