Chlorpromazine : un antipsychotique à l’essai contre le coronavirus
Un nouvel essai clinique est lancé à Paris pour tester l’efficacité de l’antipsychotique chlorpromazine contre le Covid-19. Ce médicament pourrait expliquer le faible nombre de cas parmi les patients pris en charge en psychiatrie.
Après la chloroquine, le remdesivir ou le kaletra, c’est au tour de la chlorpromazine de s’essayer à lutter contre le coronavirus. Cet antipsychotique, découvert il y a 70 ans et commercialisé sous le nom de Largactil en France, est notamment prescrit contre la schizophrénie et les troubles graves du comportement. Ce médicament va faire l’objet d’un premier essai clinique exploratoire en France chez des patients sous oxygène atteints de la maladie Covid-19.
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Essai "pilote" sur 40 patients
Cet essai "pilote", baptisé reCoVery, doit débuter à l’hôpital Sainte-Anne et à la clinique de l’Alma à Paris cette semaine, sur 40 patients Covid-19 hospitalisés, non psychiatriques. La moitié recevra la chlorpromazine en plus du traitement standard (oxygène, hydratation, anticoagulants si nécessaire...) et l'autre moitié, le groupe contrôle, uniquement le traitement standard.
L'objectif : voir si ce médicament, également utilisé en anesthésie, accélère la guérison et diminue les aggravations. Les patients feront l'objet d'une surveillance sur le plan cardiaque, afin de prévenir tout risque de troubles à ce niveau.
La docteure Marion Plaze, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne à Paris et responsable de l’essai clinique, espère avoir des premiers résultats dans un mois et plus rapidement si d'autres établissements rejoignent l'étude. Si ces résultats sont encourageants, un essai sur un plus grand nombre de patients pourra être lancé.
Seulement 3% des patients testés positifs en psychiatrie
Mais pourquoi tester un antipsychotique contre une maladie virale ? Tout est partie d’un constat surprenant : "On a été frappés que nos patients en psychiatrie étaient très peu touchés par l'épidémie", confie à l’AFP la docteure Plaze. Depuis le début de l’épidémie du Covid-19, les services de psychiatrie observent en effet une faible prévalence de formes symptomatiques et sévères du Covid-19 chez les patients atteints de troubles psychiques.
Ainsi, au sein du pôle hospitalo-universitaire parisien du 15e arrondissement, en moyenne 19% du personnel médico-soignant a contracté le Covid-19, alors que seuls 3% des patients hospitalisés ont été dépistés positifs. Pourtant, certains facteurs (surpoids, troubles cardio-vasculaires) placent a priori ces derniers parmi les sujets à risque.
Et ces observations ne se limitent pas à Paris : une faible occupation des unités dédiées aux patients testés positif au Covid-19 en psychiatrie a été rapportée de Chine, d'Italie, d'Espagne et d'autres hôpitaux de France métropolitaine, selon le GHU Paris psychiatrie & neurosciences qui regroupe trois hôpitaux dont l'hôpital Saint-Anne.
Comprendre l’action de la chlorpromazine
Une étude épidémiologique, baptisée CLEVER, va en outre être conduite par la docteure Anne-Cécile Petit dans les trois hôpitaux de ce GHU, avec un test sérologique de l'Institut Pasteur sur 250 patients psychiatriques et 250 soignants afin d’étayer ces observations cliniques. "On connaissait les propriétés antivirales in vitro de la chlorpromazine sur les précédents coronavirus, le SARS-Cov-1 et le MERS-CoV. On a sollicité l'Institut Pasteur (...) qui a confirmé en laboratoire sur des cellules humaines l'activité antivirale sur le coronavirus actuel" explique la docteure Petit.
Concrètement, ce neuroleptique pourrait agir en empêchant le virus de pénétrer dans la cellule. D'autres psychotropes devront être explorés, selon la docteure Plaze. Parmi eux, l’antipsychotique halopéridol. Celui-ci a déjà montré une activité antivirale dans une étude publiée fin avril dans la revue Nature qui portait sur un total de 75 composés pharmaceutiques.