Cancer colorectal et viande rouge : une mutation de l'ADN est-elle en cause ?

Une alimentation riche en viande rouge peut entraîner un cancer colorectal en altérant l’ADN des consommateurs, selon une nouvelle étude. Si le lien était déjà suspecté, le mécanisme biologique n’avait encore jamais été mis en évidence.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Atsushi Hirao / Shutterstock

Pourquoi la consommation de viande rouge est-elle associée à un risque accru de cancer colorectal ? Depuis 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe la viande rouge comme "probablement cancérogène". Mais faute de preuve biologique, il n’existe toujours pas de consensus scientifique sur le sujet.

Une nouvelle étude publiée le 17 juin dans la revue Cancer Discovery pourrait changer la donne. Selon les chercheurs de l’université de Harvard qui signent cette publication, un régime alimentaire très riche en viande rouge est en effet à l’origine de dommages spécifiques sur l’ADN des consommateurs.

900 ADN séquencés

Comment ont-ils pu tirer cette conclusion ? Jusqu’ici, les études avaient établi un lien de corrélation entre viande rouge et cancer en interrogeant a posteriori les personnes atteintes d’un cancer colorectal sur leurs habitudes alimentaires. Une méthode assez peu solide et qui ne permet pas d’expliquer le phénomène.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs sont allés plus loin : ils ont séquencé l’ADN des cellules du côlon de 900 patients atteints ou non d'un cancer colorectal.

Ces patients, recrutés parmi des cohortes d’études scientifiques de 280.000 personnes, avaient renseigné leurs habitudes alimentaires depuis le début de leur suivi. En croisant toutes ces données, les chercheurs ont pu comparer les analyses de l’ADN et le mode de vie des participants.

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Une mutation spécifique

Résultat : les analyses ont mis en évidence un type de mutation spécifique de l’ADN appelée alkylation, qui n’avait encore jamais été identifiée.

Toutes les cellules contenant ces mutations ne deviendront pas forcément cancéreuses, et elles étaient également présentes dans des échantillons sains. Mais cette mutation était associée de façon significative à la consommation de viande rouge - à la fois transformée et non transformée - avant le déclenchement de la maladie.

En revanche, elle n’était pas associée à la consommation de volaille, de poisson, ou d'autres facteurs non alimentaires, comme le tabagisme ou l'activité physique.

Identifier les patients à risque

Et cela s’explique chimiquement : les composés chimiques présents dans la viande rouge ou transformée, comme ceux produits à partir de fer ou de nitrates, peuvent causer ces fameuses alkylations.

Pour les chercheurs, cette découverte pourrait donc aider les médecins à identifier les patients les plus génétiquement à risque de cancer, pour les encourager à limiter leur consommation de viande rouge.

Evaluer l'espérance de vie

Dernier point révélé par l’étude : les patients dont les tumeurs présentaient le plus haut niveau d'alkylation avaient 47% de risque en plus d'en mourir.

Si le niveau d’alkylation est bien un marqueur de gravité de la maladie, il pourrait être utilisé pour livrer un pronostic sur l’espérance de vie des patients.

Enfin, comprendre ce mécanisme ouvre la voie au développement de nouveaux traitements capable d’interrompre voire de renverser cette modification de l’ADN.

Pas plus de 500 grammes par semaine

En attendant, faut-il bannir la viande rouge ? Pas selon ces chercheurs, qui montrent que les hauts niveaux d’alkylation n’ont été observés que dans les tumeurs de patients consommant en moyenne plus de 150 grammes de viande rouge par jour.

Une consommation modérée de viande, associée à un régime alimentaire équilibré, reste donc la recommandation en vigueur.

Pour Santé publique France, il ne faut pas excéder 500 grammes de viande rouge et 150 grammes de charcuterie par semaine et privilégier d’autres sources de protéines comme la volaille, le poisson et les protéines végétales.