L'insuline fête ses 100 ans

En 1921, sa découverte a révolutionné l’histoire de la médecine, grâce au travail acharné d’un médecin canadien visionnaire nommé Frederick Banting.

Rym Ben Ameur
Rédigé le , mis à jour le

Désormais, presque tous les diabétiques ont accès à l’insuline pour réguler leur glycémie. Mais il y a encore 100 ans, le diabète était une maladie mortelle dans presque 100% des cas.

Le 11 janvier 1922, il y a déjà un mois que le jeune Léonard est entré au General Hospital de Toronto, au Canada. Son état n’a cessé d’empirer, à son chevet, son père est désespéré, sait que son fils ne sera bientôt plus là.  

Léonard Thompson a 14 ans, il pèse 30 kg, tout le monde sait qu'il va mourir. C’est à cause du diabète, un excès de sucre dans le sang lié à une défaillance du pancréas, que Léonard risque sa vie. Personne ne sait encore comment y remédier. 

"Si vous étiez un enfant diabétique en 1920, votre espérance de vie était de 6 mois à un an", explique le Pr Michael Bliss, historien de la médecine, université de Toronto.

Frédérick Banting, un jeune médecin est bien décidé à combattre cette fatalité. Il propose au père de l’enfant de tester un traitement révolutionnaire jamais expérimenté sur l’homme. 

Ilots de Langerhans : un rôle essentiel

L'histoire commence huit mois plus tôt, à Toronto en avril 1921. Frederick Banting est venu à l’université pour y mener des expériences sur le diabète et le pancréas.   
Dans le pancréas, Banting s’intéresse à des cellules particulières qui forment de petits amas, appelées les îlots de Langherans.  

Depuis 50 ans, elles sont suspectées de produire une substance anti-diabète. Pour le prouver, il faudrait pouvoir les isoler et les analyser, ces questions lui font perdre le sommeil.  

"Banting ne trouvait pas le sommeil, il se retournait sans cesse dans son lit... Il n’arrêtait pas de penser à son cours du lendemain sur le pancréas. Pour le préparer, il avait lu l’article d’un pathologiste américain Moses Baron ", commente Michael Bliss.

Dans cet article, l’auteur rapportait qu’une atrophie du pancréas avait entrainé la destruction de la plupart des cellules, à l’exception des fameux îlots de Langherans qui peuvaient alors être étudiés. Banting a une idée, il doit faire la même chose en ligaturant le canal du pancréas. Il va alors tenter une expérience inédite.

La découverte de l'insuline

"Avec un jeune étudiant qui s’appelle Charles Best, il va acheter des chiens dans les rues de Toronto. Ils vont tenter de leur ligaturer le pancréas", explique le Pr Patrick Berche, historien de la médecin, institut Pasteur de Lille.

Banting et son disciple Best vont ainsi opérer 19 chiens et attendre 7 semaines, le temps que leur pancréas s’atrophie.  

"Ce qu’a finalement fait Banting, c’est prendre les pancréas atrophiés… les broyer dans un mortier de cuisine…il a refroidit l’ensemble. Puis il a passé le tout dans un filtre et une centrifugeuse afin d'obtenir une solution liquide", explique Michael Bliss.

Cette solution contient la substance anti-diabète que Banting et Best traquent depuis des mois et c'est Marjorie, une chienne diabétique en phase terminale, qui va leur fournir la réponse. 

"Ils ont vu qu’après l’injection il y a eu une chute de la glycémie conséquente", commente le Pr Patrick Berche. "Le chien a semblé revenir à la vie. Il a sauté de la table et couru à travers la pièce. C’était incroyable !", s'exclame Michael Bliss.

Frederick Banting découvre l'insuline

Grâce à cette découverte, Banting est prêt à tester le traitement sur le jeune Léonard. Le 23 janvier, à 11h, l’enfant reçoit une première dose puis une deuxième à 17h. Les effets sont spectaculaires.

"Cet enfant reprend des forces. L’enfant va mieux. Sa glycémie retombe à 2 grammes", confirme le Pr François Chast, pharmacologue, hôpital Necker.

Frederick Banting a réussi son pari, il vient de trouver le médicament qui va enfin traiter le diabète. Il appelle ce médicament, l’insuline.

 "Sa découverte a suscité un engouement sans précédent, et à des patients du monde entier de vivre.", conclut le Pr Patrick Berche. 

A peine un an plus tard, Banting recevra le prix Nobel de médecine, à tout juste 32 ans. En quelques années, l’insuline va devenir le traitement quotidien du diabète. Un siècle après sa découverte, plus de 440 millions de diabétiques dans le monde lui doivent la vie.