Le mystère de la fibromyalgie

Douleurs diffuses au niveau des muscles, des articulations, des tendons, fatigue intense... Les symptômes de la fibromyalgie peuvent être extrêmement invalidants. En France, son prise en charge reste très variable d'un patient à l'autre.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le


La fibromyalgie touche moins de 2% des patients (1,6 d'après l'INSERM). Dans 90% des cas, il s'agit de femmes. 

Quels sont les premiers symptômes de la fibromyalgie ?

La fibromyalgie se caractérise par des douleurs diffuses, parfois ressenties comme des brûlures et qui touchent les muscles, les tendons, les articulations…Elles touchent le plus souvent les épaules, la nuque, entre les deux omoplates, le bas du dos, les hanches. Elles sont fluctuantes d'un jour à l'autre, aussi bien dans leur intensité que dans leur localisation. Elles prennent parfois la forme de douleurs articulaires, musculaires, tendineuses, neurologiques. Souvent importantes le matin, elles s'associent à une raideur qui diminue en fin de matinée et début d'après-midi. Le froid et un temps humide ont tendance à les diminuer.

Une fatigue continue, des troubles cognitifs (difficultés d'attention, de concentration, de mémorisation) et un sommeil perturbé peuvent également faire partie des symptômes. L'anxiété et la dépression ne sont pas rares du fait du fort retentissement sur la qualité de vie des patients.

D'autres symptômes dits fonctionnels (sans lésion physique constatée ) peuvent exister : digestifs, neurologiques (maux de tête, vertiges) ou respiratoires, ainsi qu'une vision floue, etc. Certaines affections lui sont parfois associées, comme le syndrome des jambes sans repos, le syndrome de l'intestin irritable, le syndrome sec,...

Comment se fait le diagnostic de la fibromyalgie

Méconnue et ne disposant pas encore de marqueur biologique significatif ou d'examen d'imagerie spécifique, la fibromyalgie est d'un diagnostic complexe qui prend souvent plus de deux ans en moyenne (source : european Ligue against Rheumatism).

Il est possible de poser un diagnostic clinique, avec des douleurs diffuses de plus de 3 mois. Chez les patients fibromyalgiques, 18 points de pression sont particulièrement sensibles à la pression comme par exemple la nuque, les trapèzes, les coudes, l'articulation de la hanche ou encore le genou. Ces points, appelés points de Yunus (définis par l'American College of Reumatology) sont une aide au diagnostic, lorsque 11 sont présents notamment. Certains questionnaires, comme First, peuvent faciliter le diagnostic.

Quelles sont les causes de la fibromyalgie ?

Les origines de la fibromyalgie sont encore floues. Elle a d'ailleurs longtemps été considérée comme une maladie imaginaire ou psychologique, à tort. Depuis 1992, la fibromyalgie est désormais reconnue par l'Organisation mondiale de la santé et classée dans les maladies musculo-squelettiques.

La fibromyalgie est un dysfonctionnement de la modulation de la douleur. Lorsqu'on se cogne par exemple, les nerfs transmettent un message électrique au cerveau qui le convertit en sensation de douleur. En cas de fibromyalgie, le circuit de la douleur est déréglé. Il est hyper-actif. Le cerveau n'arrive plus à décoder les sensations, ce qui entraîne des douleurs continues et diffuses.

Un dérèglement de la sensibilité à la douleur

Avant d'être reconnue en 1992 comme maladie rhumatismale par l'Organisation mondiale de la santé, la fibromyalgie était considérée comme un trouble psychiatrique par les médecins. Les examens biologiques des patients sont normaux et l'entourage a souvent du mal à croire qu'ils souffrent vraiment, d'où la difficulté des médecins à mettre un nom sur cette pathologie.

Virale ? Psychologique ? Depuis plus d'un quart de siècle, plusieurs théories ont été avancées pour l'expliquer. Certains parlent d'une origine virale, comme l'herpès ou le zona, qui pourraient d'ailleurs être des facteurs déclencheurs. D'autres ont pensé à des désordres biochimiques ou encore à des perturbations psychologiques. Mais ce qui est sûr, c'est que les personnes atteintes de fibromyalgie présentent une hypersensibilité à la douleur, suite à un dérèglement. 

Mauvaise transmission des sensations. En temps normal, on perçoit une douleur par le biais d'un nerf qui agit comme un récepteur et qui nous transmet cette sensation sous forme de message électrique. Ensuite, le cerveau décode cette information puis la module, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'on perçoit réellement la sensation douloureuse. Dans la fibromyalgie, ce circuit est très actif, le cerveau n'arrive plus à analyser correctement les messages de douleur, il est déréglé et donc le patient a mal en permanence.

La fibromyalgie altère beaucoup la qualité de vie des malades. Pour mieux les accompagner, le centre de traitement de la douleur de l'hôpital Cochin à Paris propose des ateliers d'éducation thérapeutique. Appelés "Fibroschool", ils permettent à de petits groupes de patients de partager leur vécu et de mettre en place des stratégies de thérapie comportementale et cognitive pour mieux gérer la maladie et lutter contre les douleurs.

Vivre avec la fibromyalgie

La fibromyalgie se caractérise par des douleurs diffuses au niveau des tendons et des articulations, une grande fatigue et des troubles cognitifs tels que des difficultés à se concentrer. Pour les malades, à 90% des femmes, cette pathologie a de fortes conséquences sur la vie quotidienne.

Il n'existe aujourd'hui aucun moyen de guérir de la fibromyalgie. Le traitement vise uniquement à soulager les symptômes. Les traitements recommandés contre la douleur, sont la duloxétine, prégabaline ou le tramadol (source : Vidal). Aux Etats-Unis, l'action du minalcipran est également reconnue par l'autorité sanitaire. En revanche, les anti-douleurs de palier 3, de type morphiniques, sont à éviter. 

Même si la cause psychologique n'est pas systématiquement à l'origine de la fibromyalgie, une psychothérapie est souvent associée aux traitements car la douleur chronique altère en effet sérieusement la qualité de vie. De plus, elle a souvent un retentissement sur l'humeur.

Les malades doivent apprivoiser la fibromyalgie et apprendre à vivre avec. Chacun a ses stratégies pour atténuer ses douleurs : méditation, Qi Gong, kinésithérapie, moyens physiques (massage, application de chaud ou de froid)... Il est en effet recommandé de mettre le corps en mouvement, grâce à l'activité physique adaptée, la rééducation fonctionnelle). Les autres troubles, comme ceux du sommeil, les troubles digestifs ou l'anxiété, la dépression, doivent églament être prises en charge. Le sommeil peut être amélioré par de faibles doses d'amitriptyline le soir, de cyclobenzarprine ou de prégabaline, en plus d'une bonne hygiène du sommeil.

Concernant la fatigue et d el'épuisement, la technique du PACING permet de mieux se connaître, de ne pas trop forcer et peu à peu d'augmenter ses activités.

Fibromyalgie : le rôle thérapeutique du sport

Les malades qui souffrent de fibromyalgie ont souvent arrêté le sport car ils craignaient d'avoir encore plus de douleurs après un effort. Résultat, ils tombent dans un cercle vicieux : perte de tonus musculaire, augmentation des douleurs... Le sport est la seule à bénéficier d'une recommandation forte par l'EULAR, l'european Ligue against Rheumatism.

Pour améliorer la fibromylagie, une prise en charge complète en centre de rééducation s'avère souvent efficace. L'activité sportive permet en effet de lutter contre la fatigue et les douleurs. Avant de commencer le programme sportif, les patients sont soumis à un test d'effort afin d'évaluer d'éventuelles contre-indications mais aussi pour constater le niveau de condition physique du patient. Au programme : balnéothérapie, relaxation et vélos d'appartement... Ces entraînements ont pour objectif d'augmenter le tonus musculaire des patients, de leur redonner confiance dans le mouvement et ainsi d'améliorer leur qualité de vie.

Fibromyalgie : trouver la bonne prise en charge

 L'EULAR, l'european Ligue against Rheumatism, a émis des recommandations sur la prise en charge après une méta-analyse (analyse de plusieurs études cliniques). L'activité physique est la seule à bénéficier d'une recommandation forte du fait de son efficacité ; les médicaments sont recommandés faiblement, il s'agit de la duloxétine, de la prégabaline et du tramadol pour les douleurs et de l'amitryptiline et de la prégabaline pour les troubles du sommeil. 

De la même façon, certaines thérapies non médicamenteuses sont recommandées faiblement : l'acupuncture, les cures thermales, le yoga, le tai chi, le qi gong, et les psychothérapies, en particulier comportementales et cognitives, qui ont montré une efficacité faible mais significative pour diminuer les douleurs et le handicap. Les psychothérapie serviront notamment à diminuer les anticipations anxieuses que la douleur chronique provoque souvent.

En revanche, plusieurs thérapies ne sont pas recommandées faute de preuves scientifiques suffisantes : l'hypnose, le biofeedback, les massages, la capsaïcine, l'homéopathie, la visualisation guidée, le SAM-e (S-adénosyl-L-méthionine). La chiropraxie est, elle, fortement déconseillée car d'après l'EULAR et les études analysées, elle met en danger la sécurité des patients (la moitié d'entre eux ont présenté des effets secondaires légers à modérés après une manipulation vertébrale.)

L'éducation thérapeutique est aussi intéressante pour apprendre à mieux connaître la maladie et à cohabiter avec elle, à mieux gérer la fatigue, les douleurs  et les autres symptômes dans la vie quotidienne.

Les réseaux, un atout dans la prise en charge

Depuis une quinzaine d'années, le Réseau ville-hôpital "Lutter contre la douleur" oriente les personnes souffrant de douleurs chroniques vers des professionnels de santé, en libéral, pour leur proposer une prise en charge la plus adaptée.

Pour cibler les besoins du malade et adapter sa prise en charge, des consultations d'orientation menées par une infirmière et un médecin sont proposées à l'hôpital. Douleur, qualité de vie... ces professionnels font un état des lieux des traitements et du ressenti global du patient.

Réunis en réseau, ces soignants ont pour objectif d'orienter le patient vers une prise en charge en ville qui l'aiderait à mieux vivre avec sa fibromyalgie. "On essaie que les patients redeviennent autonomes, qu'ils n'aient plus besoin de nous, qu'ils arrivent à gérer les choses eux-mêmes et qu'ils n'aient plus besoin de consulter régulièrement", explique le Dr Véronique Blanchet, médecin de la douleur.

Fibromyalgie : la cryothérapie pour soulager les douleurs

À long terme, la prise d'antalgiques peut poser des problèmes. Une alternative pour soulager les douleurs est la cryothérapie, autrement dit l'utilisation du froid. Mais aucune étude à grande échelle ne démontre les bénéfices pour les patients et le coût des séances de cryothérapie reste un frein conséquent.

La cryothérapie est une technique qui permet d'exposer au froid, jusqu'à -160°C, le corps des malades souffrant de douleurs chroniques. "Les patients passent trois minutes au froid à l'intérieur d'une cabine. C'est le temps maximum auquel on peut les laisser à l'intérieur en sachant qu'on obtient les premiers effets thérapeutiques à -110°C. On est en mode survie dans le grand froid et notre cerveau libère des médiateurs qui vont nous permettre de nous protéger, notamment des antalgiques, des anti-inflammatoires et des antioxydants", explique Vincent Jacquet, kinésithérapie. Mais ce froid intense est difficile à supporter.

Il existe des contre-indications à la cryothérapie et cette pratique doit être très encadrée. Les contre-indications sont surtout d'ordre cardiovasculaire (pas de pacemaker, d'insuffisance cardiaque, de problèmes d'artères…). Les problèmes rénaux sont également une contre-indication. Il est donc impératif de consulter un médecin avant toute séance de cryothérapie.

Sous l'effet du froid, le sang afflue dans les organes vitaux ce qui draine les muscles de leurs toxines. Et pour se réchauffer, le corps intensifie la circulation sanguine ce qui assouplit les muscles, élimine la fatigue et réduit les douleurs.

En tout, dix séances consécutives sont nécessaires pour réduire les douleurs que provoque la fibromyalgie. Chez certains patients, les bénéfices de ce traitement peuvent durer jusqu'à six mois.

Fibromyalgie : l'intérêt de l'ostéopathie débattu

Pour atténuer les douleurs très spécifiques de la fibromyalgie, les patients ont souvent recours aux médicaments mais aussi à diverses thérapies manuelles. L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a récemment lancé une étude pour évaluer l'intérêt de l'ostéopathie dans la prise en charge des patients fibromyalgiques.

Une étude clinique a été réalisée sur l'intérêt de l'ostéopathie dans la prise en charge de la fibromyalgie. Chaque participant remplit un questionnaire précis : antécédents médicaux, intensité des douleurs et retentissement sur la qualité de vie… De nombreux paramètres sont évalués. "Malheureusement dans la douleur, il n'y a pas d'élément biologique ou un examen radiologique pour évaluer l'amélioration. Le seul moyen que l'on a, c'est ces questionnaires. À la fin de chaque questionnaire, on obtient un score et une interprétation de ce score. Cela nous permet de faire la comparaison entre deux groupes", explique Terkia Medkour, attachée de recherche clinique.

Par un travail mécanique de pression et d'étirement, le médecin cherche à atténuer les tensions musculaires dues à la fibromyalgie : "Il y a un dérèglement complet du système nerveux de la douleur, qui fait d'une part que le seuil de perception est très abaissé, les personnes ressentent des douleurs dans des situations qui ne sont pas normalement douloureuses. Et d'autre part, ce dérèglement est tel que dans certains cas, on peut fabriquer soi-même des douleurs qui n'ont aucune raison logique d'exister. Avec les traitements manuels, il y a une partie de stimulations qu'on exerce au niveau des articulations, des muscles, des os… qui peuvent agir sur le système nerveux et inhiber d'une certaine façon cette fabrication de douleurs. C'est ce qu'on espère en tout cas", prévient le Dr Jean-Yves Maigne, rhumatologue. Protocole oblige, le patient a 48 heures pour décrire son ressenti sur son carnet de liaison.

En 2021, les conclusions ont été sans appel : l'ostéopathie n'a apporté aucune amélioration significative par rapport au placebo.

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