Faire craquer ses doigts donne-t-il de l'arthrose ?

De nombreuses interrogations populaires existent sur les rhumatismes. Si certains s'interrogent sur l'impact de la météo sur les crises rhumatismales, d'autres se demandent si faire craquer ses doigts augmente le risque de faire de l'arthrose plus tard. Alors faire craquer ses doigts donne-t-il de l'arthrose ? Les explications avec Benoît Thevenet.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Faire craquer ses doigts donne-t-il de l'arthrose ? La question tarabuste quelques passionnés depuis longtemps. Ainsi en 1975, le Dr Robert Swezey et son fils Stuart, alors âgé de 11 ans, s'attaquent au sujet. Le premier questionna vingt-huit résidents d'une maison de retraite sur leurs habitudes de craquements de doigts et effectua des radios de leurs mains. Le second enquêta durant son camp d'été sur la proportion de ses camarades qui faisaient craquer leurs articulations. L'article publié dans The Western Journal of medecine conclua qu'il n'y avait pas de risque augmenté d'arthrose pour les craqueurs.

Ce que le Dr Swezey ne savait pas, c'est que parallèlement un homme - seul - oeuvrait pour la science depuis longtemps. Depuis la fin des années 1930, Donald Unger faisait craquer deux fois par jour les doigts de sa main gauche. Et uniquement celle-ci. Soit au total 36.500 fois. Et en 1998, Donald  Unger publia les résultats de son expérience. Résultat, aucune différence entre ses deux mains, aucune trace d'arthrose à la main gauche.

Avec beaucoup d'humour, Donald Unger expliqua que son étude fut menée de façon indépendante, sans financement de l'industrie pharmaceutique, mais il admit que cinq doigts étaient un échantillon un peu faible. Cela ne l'empêcha pas d'obtenir quelque temps après le prix Ig Nobel de médecine… Prix parodique, mais prisé, qui récompense les études scientifiques qui font d'abord rire les gens, puis les font réfléchir.

Ni Swezey ni Unger ne s'étaient d'ailleurs trompés. Car en 2011, une étude plus large, menée dans les règles de l'art sur 200 personnes confirma qu'il n'y avait pas plus d'arthrose chez les craqueurs que les non craqueurs.

Restait une controverse scientifique à trancher : à quoi est dû le bruit des craquements ? Jusqu'en 2015, la théorie communément admise était celle de bulles de gaz qui explosent au moment où l'on tire sur les articulations. D'autres médecins émettaient l'hypothèse que le bruit était causé par le déplacement des tendons… Jusqu’à ce que des chercheurs mettent tout cela en image grâce à l’IRM. À l'intérieur de la machine, un système tire sur les doigts au moment de l'acquisition des images. Et le bruit correspond à l'apparition soudaine d'une bulle de gaz au milieu du liquide synovial [ ndlr : liquide qui se trouve au niveau des espaces articulaires]. En tirant sur les articulations, il n'y a plus assez de liquide pour remplir l'espace, une cavité se forme donc. Et le craquement correspond bien à sa création, pas à son éclatement.

Reste une dernière question : pourquoi le plaisir des uns à faire craquer leurs articulations reste un supplice pour les autres ?