Un collyre vieux de 2100 ans découvert dans une épave

Il y a parfois plus surprenant à découvrir dans les cales d'une épave sous-marine que des coffres débordants de bijoux ou d'amphores brisées. Une équipe d'archéologues italiens publie ce mois-ci l'analyse du contenu d'une petite boîte découverte au coeur du navire Pozzino. De petits emplâtres ophtalmiques y auraient été protégés de l'oeuvre du temps.

Florian Gouthière
Rédigé le
Un collyre vieux de 2100 ans découvert dans une épave

Le Pozzino, un navire qui a sombré au large des côtes toscanes il y a 21 siècles, renfermait dans ses cales un trésor scientifique étonnant. Des archéologues italiens viennent en effet d'identifier parmi les vestiges de nombreux objets à vocation médicale : mortier de pierre pour les préparations pharmacologiques, une ventouse de bronze, 136 fioles en bois... ainsi que de mystérieuses boîtes en étain scellées - artefacts connus sous le nom de pyxides.

Les éléments se trouvaient réunis près d'un petit verrou rouillé, suggérant que ces éléments se trouvaient dans un coffret médical, détruit par le temps.

Une analyse aux rayons X, qui fait l'objet d'une publication dans Proceedings of the National Academy of Sciences, a révélé le secret des pyxides. L'une des boîtes contenait en effet six petits disques de 4 centimètres de diamètre et 1 centimètre d'épaisseur, composés à 80% de sels de zinc, mais également d'amidon, de la résine de pin et des résidus d'huiles animales et végétales.

"La composition et la forme de ces tablettes semblent indiquer leur fonction ophtalmique", expliquent les auteurs de l'étude, qui notent que le mot collyre [dérive] du grec kollurio, "traduisible par petits pains ronds". L'utilisation des sels de zinc à des fins ophtalmiques sont décrites par Pline l'ancien (Ier siècle) dans ses Histoires Naturelles, et les emplâtres oculaires sont mentionnés dans des papyrus du XVIe siècle avant notre ère. Cette découverte étonnante corrobore ainsi des savoirs dont on n'avait trace que par les textes.

Les conditions de conservation sont exceptionnelles. "En archéologie, la découverte de médicaments anciens est extrêmement rare", s'enthousiasme l'équipe de recherche, "et la connaissance précise de leur composition l'est encore plus".

"Nos données pourraient conduire à des recherches sur l'application thérapeutique du mélange" se plaisent à imaginer les archéologues. A noter que, pour leur part, les composés à base de zinc (tel le sulfate de zinc) n'ont jamais cessé d'être utilisés dans les préparations ophtalmiques, leurs propriétés médicales (antisepsie, réduction de la perméabilité des tissus) étant avérées.

Source : "Ingredients of a 2,000-y-old medicine revealed by chemical, mineralogical, and botanical investigations", PNAS, January 7, 2013, doi: 10.1073/pnas.1216776110
Photo : © G. Giacchi et al., Pnas Early Edition