Pollution : combien de décès évitables ?

Selon une estimation réalisée en 2005 par la Commission européenne, un peu plus de 42.000 décès prématurés seraient, chaque année, en France, directement causés par la pollution atmosphérique aux particules fines. Quelles pathologies se cachent derrière ce chiffre ? Dix ans plus tard, les politiques publiques ont-elles permis de réduire cette mortalité spécifique ?

Florian Gouthière
Rédigé le
Pollution : combien de décès évitables ?

Le chiffre de "42.000 décès prématurés imputables aux particules fines" est issu d'une analyse réalisée en 2005 pour la Commission européenne par les membres du programme Air pur pour l'Europe ("Clean Air for Europe", ou "CAFE"). 

Cette estimation se base elle-même sur une recherche réalisée en 2002 aux Etats-Unis, compilant les données médicales relatives à 1,2 millions de Nord-Américains, suivis sur seize ans (de 1982 à 1998), résidant dans des zones plus ou moins polluées. Ces travaux ont révélé une corrélation très nette entre pollution et augmentation du risque de décès par une maladie de chronique (c'est-à-dire de longue durée et évolutive, telles que des affections respiratoires, des maladies cardiovasculaires, des cancers...). Plus précisément, l'étude démontrait que, tout autres facteurs de mortalité pris en compte, ce risque de décès est augmenté de 6% chaque fois que la concentration de l'air en particules fines (PM2,5 - voir encadré) augmente de 10 microgrammes par mètre cube.

Les chercheurs mandatés par la Commission européenne en 2005 sont ainsi parti des concentrations moyennes en particules fines dans les zones habitées des Etats membres de l'Union, pour déterminer le nombre de décès imputables aux émissions de polluants d'origine humaine.

Selon les données disponibles, en l'an 2000, 42.090 décès en France auraient été imputables à la pollution d'origine humaine. Sur la base de différentes études épidémiologiques, démontrant la corrélation entre certaines pathologies spécifiques et la zone de résidence, les chercheurs européens ont put établir que deux tiers de ces décès correspondent à des complications des bronchites chroniques de l'adulte. Environ 20% des cas correspondent à d'autres formes d'affections respiratoires, et 10% à des pathologies cardiaques.

Selon ces mêmes projections, une centaine de décès prématurés chez les nourrissons (moins d'un an) sont liés à des affections en lien avec cette forme de pollution.

Qu'en est-il des cancers ?

En juin 2012, les particules fines ont été classées "cancérigènes certains" par l'Organisation Mondiale de la Santé(1). Les travaux de 2005 ne prennent pas en compte la mortalité accrue liée au développement des cancers.

Sur la base de travaux récents(2), il est toutefois possible de réévaluer de 7 à 8% le nombre de décès imputables aux particules fines en prenant en compte cette cause de mortalité. Plus de 45.000 Français seraient donc décédés en 2000 d'une pathologie initiée ou aggravée par cette forme de pollution.

La situation a-t-elle évoluée depuis l'an 2000 ?

Les chercheurs du programme Air pur pour l'Europe ont cherché à déterminer le nombre de décès qui seraient encore imputables à la pollution par les particules fines en l'an 2020, dans l'hypothèse où les politiques européennes environnementales déjà votées seraient efficacement mises en œuvre. Aux seuils de pollution atteints, le nombre de décès prématurés annuels chuterait autour de 34.000 - soit plus de 7.000 vies sauvées chaque année.

Malheureusement, en 2014, force est de constater que les concentrations moyennes de particules fines effectivement relevées dans l'air des grandes agglomérations n'ont absolument pas diminuées par rapport à 2000.(3) Une mise à jour de l’étude de 2005 devrait être publiée au premier semestre 2014.


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(1) En octobre 2013, l'OMS est même allé plus loin en classant "la pollution de l'air extérieur" comme cancérigène certain.

(2) En 2011, une équipe internationale a développé un modèle complexe, destiné à isoler les différents paramètres influant la mortalité mondiale pour les années 1850 (soit à l’aube de la révolution industrielle) et 2000. En isolant toutes les autres causes pouvant influencer cette mortalité (développement de l'hygiène, de la vaccination, maladies liées à la sédentarité...), les chercheurs ont pu estimer qu’au début du XXIème siècle, entre 1,3 et 3 millions d'individus meurent chaque année, dans le monde, d’une maladie directement liée aux dégagements de PM2,5 issus de l’activité humaine. Selon leurs travaux, 93% de ces décès sont des maladies cardio-pulmonaires et 7% des cancers du poumon. Les chercheurs ajoutent par ailleurs que "[140 000 à 900 000] des décès prématurés liés à une cause respiratoire sont, annuellement et à l’échelle mondiale, causés par les dégagements d’ozones d’origine humaine".

(3) Les données AirParif, homogénéisées sur quinze ans (plusieurs modes de mesure de la qualité de l’air ont été utilisés au fil des ans), révèlent des taux globalement constants.

 

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Les PM2,5 sont les plus fines des microparticules, avec un diamètre inférieur à 2,5 microns (soit la taille d'une bactérie). Ce sont celles qui génèrent le plus d'inquiétudes pour la santé car leur taille leur permet de pénétrer plus facilement et profondément dans les poumons.

La directive européenne sur l'air de 2008 a imposé aux Etats membres un plafond moyen annuel de 25 microgrammes/m3, tandis que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise elle comme valeur limite 10 microgrammes/m3.