Phtalates et testicules font mauvais ménage

De lourds soupçons pesaient déjà sur les phtalates, polluants omniprésents dans notre environnement. Les scientifiques les suspectaient d'altérer la production de testostérone chez l'homme, mais les preuves tangibles manquaient. Une étude de l'Inserm vient d'établir un lien entre exposition aux polluants, et baisse de fertilité chez les hommes.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Phtalates et testicules font mauvais ménage

Plusieurs études l'ont démontré : la production spermatique est en forte diminution. Dans certaines régions du monde, les hommes produiraient déjà deux fois moins de spermatozoïdes que leurs grands-pères au même âge. Plusieurs arguments scientifiques plaident en faveur de la responsabilité de certains polluants environnementaux. Parmi eux, les phtalates sont largement montrés du doigt et figurent en bonne place dans la liste des perturbateurs endocriniens susceptibles de nuire à la fertilité humaine.

Les phtalates sont partout. Nous y sommes exposés en permanence. Produits en grandes quantités par les industries des plastiques, ils rentrent dans la fabrication de produits courants comme les adhésifs, les revêtements de sol en vinyle, les détergents, les produits pharmaceutiques, les câbles électriques ou encore les huiles lubrifiantes.

Les testicules adultes sensibles aux phtalates

Une nouvelle étude, publiée dans Human Reproduction et menée par l'équipe de l’Inserm (U1085-Irset, Rennes) amène des éléments cruciaux qui pourraient bien changer la donne. Elle montre que les phtalates altèrent la production de testostérone chez l’adulte. Pour le prouver, les auteurs ont cultivé des testicules d’adultes et les ont exposés à du DEHP, un phtalate très largement répandu. Leurs résultats montrent que ces composants réduisent de 30 % la production de testostérone. "En plus, nous avons découvert que le testicule fonctionnait un peu comme le foie : exposé à des phtalates inactifs, il est capable de les biotransformer pour les rendre actifs", précise le Dr Bernard Jégou, biologiste responsable de l’étude et directeur de l'Irset (Institut de recherche sur la santé, l'environnement et le travail) à Rennes.

Le plus inquiétant ? Certainement que "les concentrations de phtalates identifiées comme capables d'inhiber la production de testostérone correspondent à celles retrouvées dans les urines des hommes'" comme l'a souligné le chercheur.

Car si l'étude visait à répondre à une question générale - est-ce que comme chez l'animal, les phtalates peuvent affecter la production de testostérone chez l'homme ? - elle avait aussi un objectif plus précis : savoir si les hommes adultes dans leur vie de tous les jours, au travail, peuvent être affectés par leur exposition constante aux polluants". Il semblerait que la réponse soit positive !

"Et n'oublions pas que chez l'homme, la testostérone est aussi impliquée dans le maintien de la masse musculo-squelettique et de la densité osseuse. Un manque de cette hormone expose donc à un risque accru d'ostéoporose"

Des effets avérés chez l'animal, moins chez l'homme

"Il existe des centaines de publications qui montrent que, chez le rat, l'exposition aux phtalates inhibe la synthèse de testostérone, qui est indispensable à la fabrication du sperme, au niveau testiculaire", indique Bernard Jégou. Les résultats chez l'animal montrent que ces composants entraînent des anomalies de l’appareil uro-génital et une baisse de la testostérone chez le fœtus. Ils altèrent aussi la production de sperme ou encore de testostérone chez les adultes.

Les soupçons concernant l'homme se basaient sur des données épidémiologiques. Une concentration élevée de phtalates dans les urines avait en effet souvent été associée à de faibles taux de testostérone. Mais chez l'homme, peu de conclusions avaient été jusque-là tirées et le lien entre phtalates et baisse de la testostérone restait controversé.

Pour en savoir plus, plusieurs études ont été menées il y a quelques années sur des testicules fœtaux. Ils avaient été exposés au DEHP. Mais cette exposition n'avait pas abouti à une baisse de production de testostérone.

"Ces études n'ayant pas donné de résultats probants, le discours dominant s'est inversé. On est passé d'un très fort soupçon au doute, quant aux effets perturbateurs endocriniens chez l'homme. Peut-être que ces effets ne s'exerçaient finalement que chez l'animal ?", explique le biologiste.

Des mesures de prévention insuffisantes

À ce jour et compte tenu des données disponibles chez l’animal, la Commission européenne a déjà promulgué des interdictions et des restrictions d’usage du DEHP dans certains produits, mais "il a été et, est encore tellement utilisé qu’il est présent partout dans l’environnement, l’air, l’eau, la nourriture", rappelle Bernard Jégou. Les degrés d'exposition restent donc très importants.

Source : Inserm

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