VIH : une souche très agressive identifiée à Cuba

Depuis quelques années, les médecins cubains observent une accélération des infections au VIH dans leur île. Chez de nombreux patients atteints du sida, les symptômes seraient apparus moins de trois ans après l'infection (contre dix à quinze ans habituellement). Une étude, portant sur une centaine de malades, révèle qu'une souche virale recombinée (connue depuis une dizaine d'année) infecte exclusivement les patients chez qui le sida s'est déclaré rapidement.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr Christine Rouzioux, virologue
Entretien avec le Pr Christine Rouzioux, virologue

Comment expliquer la progression rapide des infections par le VIH recensées par les professionnels de santé cubains depuis une dizaine d'années ? Alors que les pénuries de préservatifs sont pointées du doigt de manière récurrente, une cause additionnelle pourrait avoir été identifiée dans une mutation du virus.

Sur l'île, certains patients ont manifesté les symptômes du sida moins de trois ans après leur contamination. Des chercheurs belges et cubains ont réalisé le séquençage partiel du génome du virus présent dans leur sang. Selon les analyses rendues publiques fin janvier 2015, cette souche - déjà connue - se révèle être une recombinaison d'au moins trois sous types de VIH (les sous-types A, D et G(1)).

De telles recombinaisons sont courantes. La mise en présence de deux souches distinctes de virus (pour le VIH, plus d'une soxantaine sont formellement identifiées) peut aboutir à l'échange de leur matériel génétique, et à l'émergence d'un agent infectieux légèrement différent. Parfois, le produit de cet échange ralentit la propagation virale ; l'agent infectieux est alors supplanté par les autres souches en présence. Mais dans d'autres cas, ce "mélange" aboutit à l'acquisition de caractères avantageux.

C'est vraisemblablement le cas à Cuba. Les chercheurs ont cherché la présence de ce VIH mutant chez 52 patients ayant déclaré la maladie rapidement, ainsi que chez 22 patients présentant une forme chronique du sida, et chez 21 patients atteints du VIH n'ayant pas encore développé les symptômes. Le virus recombiné n'a pas été détecté chez les membres des deux derniers groupes.

Du fait du faible nombre de patients inclus dans cette étude, il n'est pas totalement certain que ce virus se développe plus vite dans l'organisme grâce à ses spécificités génétiques. Toutefois, les protéines de la nouvelle souche, héritée du sous-type D, sont connues pour favoriser l'invasion cellulaire et la prolifération virale.

Les chercheurs observent que les patients infectés par le virus mutant sont également infectés de longue date par d'autres virus. Ces infections préalables pourraient constituer un facteur clef pour la prolifération de cette forme de VIH. Sa virulence pourrait être, tout au moins partiellement, favorisée par un contexte immunitaire spécifique ou par la présence de certains pathogènes. 

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(1) Le sous-type D est l'une des souches du VIH qui se propage le plus rapidement, tandis que le sous-type A est connu pour se propager relativement lentement.

Source : CRF19_cpx is an Evolutionary fit HIV-1 Variant Strongly Associated With Rapid Progression to AIDS in Cuba. A-M Vandamme et coll. EBioMedicine, 18 janvier 2015. doi:10.1016/j.ebiom.2015.01.015

Depuis la fin des années 2000, l'ensemble du territoire cubain (169 municipalités) est touché par le virus (en 2006, seuls 41 municipalités étaient officiellement concernées). En novembre 2009, un représentant du Centre cubain de prévention du sida estimait que l'expansion pouvait découler d'un "changement de comportement des jeunes, partis travailler ou étudier temporairement dans d'autres villes".

Sur l'île, le premier cas enregistré d'infection au VIH date de 1986. Aujourd'hui, plus de 10.000 personnes (80% d'hommes) vivent avec le virus sur l'île. Le traitement antirétroviral est gratuit pour les Cubains. Le prix du préservatif est très bas, mais le pays connaît des pénuries régulières de ce moyen de protection.

(sources : AFP et OMS)