Les centenaires en pénurie de cellules souches ?

Décédée "en parfaire santé" en 2005, Hendrikje van Andel-Schipper - l'une des femmes les plus âgées de l'histoire - a légué son corps à la science. L'analyse de ses cellules sanguines a révélé un fait surprenant : à sa mort, l'immense majorité de ses globules blancs ne dérivait que de deux cellules souches !

Florian Gouthière
Rédigé le
Hendrikje van Andel-Schipper (image : DR)
Hendrikje van Andel-Schipper (image : DR)
María Capovilla (cc-by-sa Endlessdan)
María Capovilla (cc-by-sa Endlessdan)

L'être humain vient au monde avec 10.000 à 20.000 cellules souches sanguines (également appelé cellules souches hématopoïétiques, ou CSH), qui ont pour vocation de renouveler notre stock de globules blancs, de globules rouges et de plaquettes. Le stock de CSH se renouvelle de lui-même tous les six à douze mois, chaque CSH produisant deux nouvelles cellules souches (quasiment identiques à leur CSH "mère", aux inévitables mutations près).

Les biologistes estiment qu'à chaque instant, dans notre organisme, 1.000 CSH travaillent à régénérer notre sang.

L'équipe internationale de chercheurs qui étudie le corps de la "supercentenaire" Hendrikje van Andel-Schipper - décédée "en parfaite santé" en 2005, à l'âge de 115 ans - a cherché à identifier le nombre de CSH encore actives à la fin de son existence dans son organisme.

A partir d'un certain âge, chacune de nos CSH diffère très subtilement des autres (du fait des mutations(1) survenant au cours des centaines de renouvellements du stock de CSH au cours d'une vie). Les cellules sanguines qui dérivent d'une même CSH sont donc identiques, et très légèrement différentes de celles produites par une autre CSH.

Or, en comparant le profil génétique des globules blancs présents le sang d'Hendrikje van Andel-Schipper, les chercheurs ont découvert les deux-tiers d'entre eux ne dérivaient que de... deux uniques CSH(2). Ces deux CSH étaient très fortement apparentés.

L'odyssée des télomères

Au fil des divisions cellulaires, les extrémités des chromosomes (les télomères, qui sont des régions non codantes de l'ADN) raccourcissent. Selon les analyses des chercheurs, les télomères des cellules de l'organisme d'Hendrikje van Andel-Schipper avaient atteint "une taille critique". Comparés à ceux des cellules neuronales de la centenaire (les neurones ne se renouvellent pour ainsi dire pas au cours de l'existence), les télomères de ses cellules sanguines étaient 173 fois plus courts !

Selon les scientifiques, il est vraisemblable que des centaines de CSH ont peu a peu cessé de fonctionner, chez Hendrikje van Andel-Schipper, parce que les télomères de leurs chromosomes étaient devenus trop courts, et non du fait de mutations qui auraient été fatales à la viabilité de leurs descendants.

La "durée de vie limitée" de nos CSH semble responsable de la réduction drastique de la variété des cellules sanguines produites au cours de notre existence (avec un risque accru que celles-ci ne soient pas viables).

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(1) Ces mutations aléatoires de l'ADN des cellules souches sanguines peuvent être à l'origine de leucémies si une partie du code génétique associé à la régulation la division cellulaire est altéré.

La quasi-doyenne de l'humanité

Du 29 mai 2004 (date du décès de Ramona Iglesias-Jordan, âgée de 114 ans) à sa mort, le 30 août 2005, Hendrikje van Andel-Schipper a été considérée comme la femme la plus âgée vivant sur Terre. Mais en décembre 2005, une enquête des agents du Guiness Book des records a révélé que l'équatorienne María Capovilla – qui ne décéderait qu'en août 2006 – était née dix mois avant elle ! Hendrikje van Andel-Schipper a rétrospectivement perdu son statut de "doyenne de l'humanité". Elle reste l'une des 25 femmes les plus âgées de l'histoire (âge démontré).