Un Français récompensé pour ses recherches sur la narcolepsie : que sait-on de cette maladie du sommeil ?

Emmanuel Mignot, professeur à l’université de Stanford, a découvert le mécanisme en cause dans la maladie grâce à des chiens narcoleptiques. Une avancée qui a permis le développement de traitements efficaces.

Mathieu Pourvendier avec AFP
Rédigé le
La narcolepsie touche environ une personne sur 2.000
La narcolepsie touche environ une personne sur 2.000  —  shutterstock

Une maladie "bizarre", "incroyable", mais aussi "dévastatrice", dont les patients atteints "souffrent terriblement". Ce sont les termes qu'utilise le Français Emmanuel Mignot pour parler de la narcolepsie, maladie à laquelle il a consacré sa carrière jusqu'à en trouver la cause en 1999.

Sa découverte lui vaut d'être aujourd'hui récompensé par un grand prix américain, le Breakthrough Prize (prix récompensant une avancée majeur dans le domaine de la science), aux côtés du Japonais Masashi Yanagisawa, arrivé à des conclusions similaires au même moment. Ces recherches ont permis de révolutionner les traitement de la narcolepsie, qui sont aujourd'hui toujours en cours de développement. Et ces travaux permettent d'éclairer un peu l'un des grands mystères de la biologie : le sommeil.  

Quels sont les symptômes de la narcolepsie ?

La narcolepsie est une maladie rare, qui touche environ une personne sur 2.000. Cette maladie se caractérise par deux symptômes principaux :

· une somnolence diurne : cela se caractérise par des accès brusques de sommeil de quelques minutes, qui surviennent n'importe où et n'importe quand.
 · la cataplexie : un brusque relâchement du tonus musculaire engendré par une émotion forte comme un éclat de rire, de colère ou de surprise. Cela peut provoquer une faiblesse au niveau des genoux, une impossibilité à articuler ou parfois même une chute pendant quelques secondes.

Il existe plusieurs explications à l’apparition de la maladie : une prédisposition génétique, un traumatisme crânien ou une infection par un virus. La maladie se manifeste entre 10 ans et 30 ans et dure toute la vie. 

De plus, la narcolepsie est difficile à détecter. En effet, en moyenne, il se passe entre quatre et sept ans entre les premiers symptômes et le diagnostic qui requiert un enregistrement du sommeil pendant la nuit puis des tests d’endormissement la journée. L’objectif est d’ analyser le type de sommeil et de mesurer la rapidité d'endormissement.

Il y a 30 ans, une maladie inconnue

Emmanuel Mignot, professeur à l’université de Stanford, en Californie, se confie à l’AFP : "Je suis assez fier, parce que ce que j'ai découvert est en train de faire une énorme différence pour mes patients. C'est la meilleure récompense qu'on puisse recevoir". Des narcoleptiques du monde entier viennent le consulter.

Il y a 30 ans, cette maladie était "pratiquement inconnue" et "personne ne l'étudiait", se rappelle-t-il. Mais lui est "devenu complètement fasciné".

À lire aussi : Narcolepsie : "c'est un handicap invisible"

Une avancée grâce aux chiens narcoleptiques

Le chercheur possède alors des chiens narcoleptiques, et il se met en tête de trouver le gène produisant chez eux la maladie. Une entreprise titanesque, car à l'époque, les techniques de séquençage du génome sont primitives.

Finalement, en 1999, la trouvaille : un récepteur situé sur des cellules du cerveau des chiens narcoleptiques est anormal. Ce récepteur est comme une serrure, qui ne réagit qu'en présence de la bonne clé : une molécule, l'orexine (aussi parfois appelée hypocrétine). Immédiatement, Emmanuel Mignot vérifie cette piste chez les humains et les résultats sont époustouflants : les niveaux d'orexine dans le cerveau des patients narcoleptiques sont à zéro. Or en temps normal, cette molécule est produite en grande quantité au fil de la journée, surtout en soirée, permettant de lutter contre la fatigue accumulée.

Des traitements "miraculeux" à l'essai

Pour le moment, la plupart des personnes narcoleptiques sont soignées avec une combinaison d'anesthésiques pour les faire dormir profondément la nuit, et d'amphétamines pour les réveiller la journée. Mais un médicament mimant l'orexine administré dans le cadre d'essais clinique produit des résultats "vraiment miraculeux", raconte Emmanuel Mignot qui observe une vraie "transformation" des patients.

Aujourd’hui, le défi reste de développer la formulation délivrant la bonne dose, au bon moment et des médicaments pourraient être autorisés dans les prochaines années. Toutes les questions ne sont pas pour autant résolues. Emmanuel Mignot essaie par exemple aujourd'hui de prouver que la narcolepsie est parfois déclenchée par le virus de la grippe. 

GHB : un médicament contre la narcolepsie  —  Le Magazine de la Santé