Sténose anale, rupture du sphincter… Que signifient ces termes médicaux au cœur du procès de l’affaire Théo ?

Les trois policiers impliqués dans l'interpellation violente de Théo Luhaka en 2017, à Aulnay-sous-Bois, sont jugés jusqu’au 19 janvier. L’état de santé du jeune homme, victime d’un coup de matraque à proximité de l’anus, est particulièrement scruté.

Mathis Thomas
Mathis Thomas
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Les trois policiers accusés de violences volontaires contre Théo Luhaka sont jugés jusqu'au 19 janvier aux assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny
Les trois policiers accusés de violences volontaires contre Théo Luhaka sont jugés jusqu'au 19 janvier aux assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny  —  Ministère de la Justice

Des coups de matraque qui auront laissé des séquelles irréversibles. Du 9 au 19 janvier, trois policiers sont jugés par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour avoir gravement blessé Théo Luhaka lors d’un contrôle d’identité en 2017, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). 

"Saignements au niveau des fesses"

Le jeune homme, âgé de 22 ans à l’époque des faits, avait reçu plusieurs coups de matraque, dont au moins un au niveau de la zone rectale. À son arrivée au commissariat, Théo souffrait de "saignements au niveau des fesses", selon le rapport des policiers. Également victime d’un malaise, il avait alors été pris en charge et opéré en urgence pour une perforation rectale. 

Trois jours après son interpellation, quatre policiers étaient mis en examen pour violences volontaires, et l’un d’entre eux pour viol. Seulement trois policiers seront finalement jugés par les assises de Seine-Saint-Denis, près de sept ans plus tard.

Qu'est-ce qu'une perforation rectale ?

Si l’accusation de viol n’est finalement pas retenue, certaines analyses médicales menées sur Théo pourraient bien faire basculer l’issue du procès. À commencer par ce diagnostic de perforation rectale et de lésion du canal anal d’une dizaine de centimètres, prononcé quelques jours après son interpellation.  

La plupart des perforations du tube digestif se produisent suite à l’ingestion de certains objets ou à des maladies. Il est cependant possible d’observer des cas de perforation rectale lorsque certains corps étranger sont introduits dans le rectum, dans le cadre d’une stimulation sexuelle ou d’un viol par exemple. Il est alors nécessaire d’opérer rapidement pour colmater la plaie et éviter que du sang ou du contenu intestinal ne s'écoulent. 

Le sphincter anal est un muscle d’environ 3 cm, situé à l’extrémité du tube digestif, qui permet la défécation. Lors d’une sodomie violente ou d’une pénétration d’objet, la muqueuse risque de se perforer, ce qui provoque une rupture sphinctérienne anale.  

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Qu'est-ce qu'une sténose anale ?

Ces blessures peuvent entraîner différentes complications, comme une sténose anale ou des incontinences anales et fécales. Une sténose se caractérise par un rétrécissement de l'orifice. Dans le cas d’une sténose anale, il s’agit en réalité du rétrécissement du bas du rectum ou du canal anal.

Les incontinences anales et fécales, dont indique souffrir Théo Luhaka, sont bien plus répandues. Elle toucherait environ 5 % de la population française adulte, et 11 % des plus de 45 ans, selon la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE). Les incontinences anales peuvent être causées par des accouchements particulièrement difficiles, des séquelles de chirurgie (fistule fissure, hémorroïde) ou des maladies des intestins.

"L’incontinence anale est l’impossibilité de retarder volontairement le passage du contenu intestinal à travers l’anus", explique la SNFGE. "Celle-ci doit être ressentie pendant une durée minimale de trois mois. Elle peut concerner les gaz et/ou les selles." Il faut également distinguer incontinence anale et incontinence fécale, précise la SNFGE. "On parlera d’incontinence fécale en cas de pertes de selles."

Qu'est-ce qu'une colostomie ?

Pour traiter ces incontinences, il peut être proposé au patient une colostomie. Soit le "raccordement de l'intestin au ventre par une petite ouverture, temporaire ou permanente", précise l’Institut national du cancer. "Créée lors d’une opération chirurgicale, cette ouverture est destinée à évacuer les selles lorsqu’elles ne peuvent plus être rejetées normalement. Celles-ci sont alors recueillies dans une poche spéciale, collée sur le ventre" : la colostomie. 

Une opération qu'a subie Théo Luhaka, quelque temps après son interpellation. S'il a depuis pu retirer sa poche de stomie, il vit encore aujourd'hui avec les séquelles des coups de matraques reçus. Entendu lors du procès, il explique encore souffrir d'incontinence aux gaz, n'importe quand dans la journée.

Marina Carrère d'Encausse et Régis Boxelé expliquent la stomie