Quand éjaculation provoque un malaise

Se sentir épuisé et déprimé après chaque éjaculation, c'est le calvaire de ceux qui souffrent du SMPE, quatre lettres mystérieuses pour désigner le "syndrome du malaise post-éjaculatoire". Une affection rare mais handicapante.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Quand éjaculation provoque un malaise

Qu'est-ce que le syndrome de malaise post-éjaculatoire ?

Le syndrome de malaise post-éjaculatoire (abrégé SMPE), appelé en anglais post orgasmic illness syndrome (POIS), correspond à l'apparition de symptômes à la fois physiques et psychologiques après une éjaculation.

"Ce sont des hommes qui ont, en moyenne entre 30 et 60 minutes après l'éjaculation, une fatigue intense et constante, avec tout un cortège de signes cliniques tels qu'une humeur dépressive, des troubles de la concentration et de la mémoire, de l'anxiété", explique le Dr Desvaux, sexologue. Un syndrome grippal peut accompagner cette maladie, avec  dans des proportions variables des maux de tête, des éternuements, les yeux qui piquent, des sensations de chaud ou de froid.

"La prévalence est a priori faible, mais ce n'est pas exceptionnel", reconnaît le Dr Desvaux. Aux Etats-Unis, le SMPE a toutefois été reconnu comme maladie orpheline, par le National Institutes of Health. Les patients se heurtent à une méconnaissance du trouble par les professionnels de santé et à un manque d'informations fiables : "il y a davantage de forums consacrés à ce sujet que de véritables informations médicales", estime le médecin.

En 2014, Martinez Salamanca a présenté les résultats d'une enquête en ligne (1) à laquelle 52 hommes avaient répondu en 2012. Elle montre que les premières manifestations commençaient tôt, entre 14 et 25 ans. Les symptômes les plus fréquents étaient la fatigue, l'humeur dépressive, les troubles de la concentration.

Pour 82,7% des hommes interrogés, ils survenaient moins d'une heure après l'éjaculation et pour deux tiers d'entre eux, ils duraient de deux à sept jours. Les symptômes peuvent apparaître au cours d'une éjaculation nocturne durant le sommeil. 

Le Dr Marcel Waldinger, chercheur hollandais, avait précédemment publié une étude (2) sur dix sujets, qui devaient s'arrêter avant l'éjaculation. Aucun ne souffrait alors de ces symptômes, ce qui valida l'hypothèse que l'éjaculation, et non l'excitation sexuelle, était en cause. 

Pour le sexologue, le SMPE provoque une altération grave de la qualité de vie sexuelle : "ces hommes évitent l'éjaculation car le prix à payer est beaucoup trop cher. Dans l'étude, la fréquence des rapports sexuels était en moyenne de un par semaine. Mais 3 hommes sur 33 avaient décidé de s'abstenir de tout rapport, et 10 sur 33 en avaient une fois tous les 2 à 6 mois seulement. "  De plus, le syndrome peut également contraindre les patients  à prévoir leur activité sexuelle à un moment dépourvu d'obligations socio-professionnelles importantes.

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(1) New insights into postorgasmic illness syndrome using a web-based questionnaire, Martinez et al, ISSM, Istanbul 2014. 
(2) POIS in 45 Dutch Caucasion males : Clinical characteristics and evidence for an immunogenic pathogenesis. Waldinger. Journal of Sexual Medicine;8:1164-1170. doi: 10.1111/j.1743-6109.2010.02166.x

Une femme touchée par le POIS

Le Dr Walinder a publié en 2016 le premier cas concernant une femme. Selon le chercheur, la maladie s'expliquerait par la production d'un antigène produit par le tissu prostatique, tissu présent également chez la femme, en plus faible proportion.

Une origine mystérieuse

Le Dr Waldinger avait ensuite étudié 45 hommes pour déterminer le mécanisme du SMPE. Il avait constaté que 56% des patients souffraient d'une éjaculation prématurée "soit une proportion 22 fois plus importante que dans la population générale", commente le Dr Desvaux, ce qui le fait s'interroger : l'éjaculation prématurée est-elle cause ou conséquence ? Les auteurs estiment qu'elle pourrait être une conséquence de la raréfaction de l'activité sexuelle du fait du SMPE.

L'hypothèse la plus soutenue par les chercheurs pour expliquer ce syndrome est le mécanisme auto-immun (les défenses immunitaires se retournent contre l'organisme). Pour expliquer le mécanisme, ils évoquent la possibilité d'un contact entre le sperme et les lymphocytes (une partie des défenses immunitaires), circulant dans le sang, alors que ce contact est en temps normal absent du fait de la barrière hémato-testiculaire. Le Dr Waldinger a alors testé la sensibilité au sperme (3) : il a dilué du sperme dans du liquide physiologique et l'a injecté dans la peau sur la face antérieure de l'avant-bras. Et la réaction était positive dans 88% des cas (en comparaison à l'injection de sérum physiologique) ce qui va dans le sens de l'hypothèse allergique...

"Le problème, c'est qu'il n'y a pas de population témoin, objecte le Dr Desvaux. On ne sait pas si l'injection de sperme provoque ou pas ce type de réaction chez les hommes témoins..." Une faiblesse que reconnaissent les auteurs : leur étude est purement observationnelle, elle constate des éléments mais ne les compare pas à un groupe témoin. 

Cependant, l'étude de médecins chinois s'oppose à cette hypothèse auto-immune en 2015. Ils optent plutôt pour un déséquilibre chimique, au niveau de récepteurs particuliers (opioïdes) dans le système de la récompense (les opioïdes et ce système sont impliqués dans la sexualité) ; les symptômes s'apparentent en effet à un syndrome de sevrage, à la fois physiques et psychiques. Dernière hypothèse du côté français, avec une perturbation du système végétatif, le système qui régit les réactions automatiques du corps, comme la respiration, les battements cardiaques ou encore l'éjaculation...

Si le mystère du syndrome de malaise post-éjaculatoire s'éclaircit un peu, les chercheurs ont encore beaucoup de travail pour mieux le comprendre et surtout le traiter avec efficacité pour réconcilier les patients avec leur éjaculation...


(3) Hyposensitization therapy with autologous semen in two Dutch caucasian males: beneficial effects in Postorgasmic Illness Syndrome (POIS; Part 2). Waldinger MDJ Sex Med. 2011. doi: 10.1111/j.1743-6109.2010.02167.x.

 
En savoir plus :

Quel traitement pour les patients ?

D'après l'expérience du Dr Desvaux, les anti-histaminiques sont une piste à explorer. "J'ai eu les meilleurs résultats avec les anti-histaminiques comme la loratadine, mais cela ne guérit pas tout le monde. Il y a des hommes chez qui cela n'a pas fonctionné." D'autres traitements peuvents être essayés : antidépresseurs (dits IRS), anti-cholinergiques, vitamine PP, alpha-bloquant, hypnose,... La prise en charge du POIS demeure très vague, au grand dam des patients.