La dépression du post-partum, un sujet encore tabou ?

Une nouvelle naissance ! L'événement est généralement perçu comme un grand moment de joie. Et pourtant, le post-partum est une période difficile à supporter pour de nombreuses femmes. Il reste beaucoup à faire pour les accompagner.

Lucile Degoud
Rédigé le , mis à jour le

Le post-partum est la période qui suit l’accouchement jusqu’au retour de couches, c’est-à-dire les premières règles après l’accouchement. Il s'agit des  6-8 semaines suivant l'accouchement. Une période dont on parle peu, y compris aux femmes enceintes. Pourtant cette période de bouleversement peut être très difficile à vivre. 

Quels bouleversements ?

Les transformations sont d'abord physiques :  

  • Des douleurs.
  • Des saignements, ce qu’on appelle les suites de couche. L’utérus se reconstruit et élimine par le vagin les débris de muqueuse, les sécrétions, jusqu’à la cicatrisation de la paroi utérine. Ces pertes de sang peuvent être très abondantes les premiers jours.
  • Une incontinence, parce que la grossesse et l’accouchement détendent les muscles du périnée et engourdissent les nerfs.
  • Des pieds et des mains gonflés.
  • Des seins enflés et sensibles.
  • Des hémorroïdes.
  • Une perte de cheveux.
  • Un ventre rebondi.
  • De la fatigue  fatigue.

De quoi ternir l’image d’Epinal de la jeune maman souriante, épanouie, comblée avec son nourrisson dans les bras.  

Sur les réseaux sociaux aussi !

Une star américaine a décidé de briser le tabou du post-partum. Très connue aux Etats-Unis, Ashley Graham, mannequin grande taille, de 29 ans, a posté une photo d'elle sur les réseaux sociaux après son accouchement en février.

Elle apparait avec une culotte pour les fuites urinaires et les saignements post-partum. La photo est accompagnée d'un message : "Levez la main si vous ne saviez pas que vous auriez aussi à changer vos propres couches (…) personne ne parle de la convalescence que les nouvelles mamans doivent affronter." 

Cette photo était une réponse à la chaîne de télé américaine ABC. Elle avait refusé de diffuser une publicité pour des serviettes contre les fuites urinaires mettant en scène une jeune maman.  

#monpostpartum

Grâce aux photos d’Ashley Graham, un mouvement a émergé. Avec le hashtag #monpostpartum, de nombreuses femmes ont publié des photos, des textes, sur les réseaux sociaux pour décrire les difficultés qu'elles rencontraient. Le manque de connaissances sur le sujet aussi. Certaines racontent qu'elles n'avaient aucune conscience de ce qui les attendait, qu'elles n’étaient pas préparées au post-partum.
 

Un impact sur la santé mentale des femmes

Cette période peut aussi s’accompagner de bouleversements psychiques :  

  • Une profonde tristesse.
  • Une fatigue extrême.
  • Des angoisses.
  • Du stress.

Souvent, il s'agit simplement de ce qu'on appelle le "baby blues". Liée à la chute hormonale qui suit l’accouchement, cette période est transitoire.  Généralement, elle ne dure pas.  

Mais ces symptômes révèlent aussi parfois une dépression post-partum. Elle peut apparaître plusieurs semaines ou plusieurs mois après l’accouchement, et s'inscrire dans la durée. Cette dépression est très difficile à diagnostiquer parce que les femmes taisent leur mal-être après l’accouchement.
 

D'autres signes qui doivent alerter 

  • La peur de ne pas être une bonne mère.
  • Les troubles du sommeil.
  • La perte d’appétit.
  • Le sentiment de solitude. 

La dépression post-partum est une maladie qui touche entre 10 et 20% des mères. Elle nécessite un suivi médical car elle peut avoir des conséquences sur le lien affectif avec le bébé et dans la relation avec le conjoint ou la conjointe. Sans prise en charge, elle conduit parfois au suicide ou à l’infanticide. 

Des femmes pas assez informées, pas assez accompagnées

Les femmes ne sont pas assez informées en France sur les risques de dépression post-partum et pas assez accompagnées après l’accouchement.
Le rapport sur les 1000 premiers jours de l’enfant, qui a été remis en septembre au secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance et des familles, Adrien Taquet, consacre une part importante au post-partum.  

D'après ce rapport, les dépressions post-partum sont : 

  • Trop peu connues.
  • Pas assez dépistées, moins de la moitié est diagnostiquée.
  • Mal soignées.

Ce rapport recommande de mieux informer, de mieux dépister et de mieux prendre en charge les patientes. Plus rapidement aussi. Comment ?

  • Mettre en place un "référent parcours", un professionnel de santé identifié et choisi par la patiente, qui l’accompagnera pendant la grossesse et le post-partum, pour établir une relation de confiance et personnaliser l’accompagnement. 
  • Mettre en place un entretien pendant la grossesse et un entretien post-natal systématiques.
  • Mettre en place aussi des visites à domicile systématiques après l’accouchement. 
  • Mieux former les professionnels de santé.  

Des conséquences du Covid-19 sur la dépression post-partum ?

Pour beaucoup de femmes enceintes, la pandémie et le 1er confinement ont été très stressants. La peur d’être infectée par le virus, le climat anxiogène, le suivi de grossesse modifié, des cours de préparation à la naissance à distance, l’absence du partenaire pour l’accouchement, la solitude...  

Plusieurs études sont en cours pour évaluer l’impact du confinement sur le post-partum. En France, par exemple, l’étude Cov-Mum. Pendant le 1er confinement, deux entretiens ont été menés auprès de 200 femmes, dans 3 maternités à Paris, après l’accouchement. Ces entretiens mettent en évidence que les troubles anxieux et dépressifs du post-partum ont presque doublé. Les résultats définitifs de cette étude seront disponibles en décembre.  

Effet positif du 1er confinement

Effet inatendu de ce confinement : la baisse du nombre de naissances prématurées. Une étude irlandaise et une étude danoise ont montré une chute spectaculaire du nombre de naissances prématurées, surtout pour les grands prématurés. 

Comment l'expliquer ? Peut-être parce que de nombreuses femmes enceintes n’ont pas travaillé pendant le confinement. Moins de stress, moins de transports, moins de fatigue et plus de repos.  

Une donnée intéressante car accouchement prématuré augmente le risque de dépression post-partum. Le confinement pourrait donc aussi avoir un effet positif sur la dépression post partum !