Le débat sur l'assouplissement de l'accès à l'IVG de nouveau relancé

Plusieurs mesures sont réclamées de longue date par des professionnels de santé: assouplissement à cause de la crise sanitaire, nouveau projet de loi... Pourquoi ces mesures font-elle débat ? Le point avec Lucile Degoud.

Lucile Degoud
Rédigé le

En France, il existe deux méthodes pour interrompre volontairement une grossesse :  

  • L’IVG instrumentale ou chirurgicale, pratiquée obligatoirement dans un hôpital ou une clinique. Elle peut être réalisée jusqu’à la fin de la 12ème semaine de grossesse.
  • L’IVG médicamenteuse peut elle être pratiquée dans un établissement de santé, hôpital ou clinique, jusqu’à 7 semaines de grossesse. Dans un cabinet de ville, dans un centre de planification ou encore à domicile, jusqu’à la fin de la 5ème semaine de grossesse. 

Cette méthode médicamenteuse est largement majoritaire. Elle représente 70 % des IVG en 2019.  

Un assouplissement des règles

Avec la crise sanitaire et les confinements, il y a eu un assouplissement des IVG médicamenteuses hors établissement de santé. Depuis le 8 novembre et pendant la période d’urgence sanitaire, une IVG médicamenteuse en téléconsultation, avec un médecin ou une sage-femme, est possible jusqu’à la fin de la 7ème semaine de grossesse au lieu de la 5ème semaine de grossesse. 


Ce qui correspond donc au délai d’une IVG médicamenteuse en établissement de santé. Concrètement la consultation d’information, la prescription des médicaments nécessaires et le suivi de contrôle se font en téléconsultation. La femme est donc à son domicile.  

Il y avait déjà eu un assouplissement similaire, au mois d’avril, lors du 1er confinement, grâce à la mobilisation de nombreux professionnels de santé, d’associations et d’élus. 

Faciliter l’accès à l’IVG 

  • L’objectif est de faciliter l’accès à l’IVG dans cette période de confinement et de crise sanitaire. Comme pendant la première vague, les établissements de santé sont très occupés en ce moment pour gérer la deuxième vague de la pandémie de Covid-19, et donc les consultations en milieu hospitalier pour d’autres motifs peuvent être limitées dans certains établissements.
  • L’assouplissement concerne les IVG médicamenteuses. Pour les IVG chirurgicales, rien ne change. Les professionnels de santé doivent continuer à assurer ces actes, pendant cette deuxième vague.  

Une proposition de loi adoptée au Parlement

Cet assouplissement du délai de recours à l’IVG par voie médicamenteuse en raison de la crise sanitaire est temporaire. Cela pose la question plus générale et pérenne de l’allongement du délai d’IVG en France, au-delà de la crise sanitaire. 

Les députés ont voté le 8 octobre, en première lecture, un texte qui prévoit :  

  • L’allongement du délai légal de recours à l’IVG instrumentale ou chirurgicale de 12 à 14 semaines de grossesse.
  • La suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG. Les médecins ont le droit de refuser de réaliser un acte médical, autorisé par la loi, en raison de convictions personnelles. C’est légal et c’est ce qui s'appelle la clause de conscience. Cette clause de conscience est à nouveau formulée spécifiquement dans le texte de loi qui autorise l’IVG. Ce que dénoncent de nombreux professionnels de santé et des politiques.
  • Le 3ème point du texte voté en octobre par les parlementaires est la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales jusqu’à 10 semaines de grossesse. Alors qu’aujourd'hui les sages-femmes ne peuvent réaliser que des IVG médicamenteuses.    

Avorter est un droit en France

Pour les défenseurs du texte, il faut renforcer le droit à l’IVG car avorter est un droit. 

  • Les médecins refusent de pratiquer des IVG, invoquant la clause de conscience.
  • Il y a une pénurie de praticiens dans certaines régions et des déserts médicaux.
  • De nombreux centres d’IVG ferment. 

Les femmes peuvent avoir aujourd’hui en France des difficultés d’accès à l’IVG et cela a évidemment des conséquences : 

  • Il faut parfois faire des dizaines de kilomètres pour avorter.
  • Aller à l’étranger, dans un pays où le délai est plus long, dans le meilleur des cas, si les femmes en ont les moyens.
  • Dans le pire des cas, ces femmes peuvent avoir un recours à une IVG artisanale ou pas d’IVG du tout. 

L’objectif de ce projet de loi est donc d’améliorer l’accès à ce droit. C’est particulièrement nécessaire alors qu’en 2019, 232 200 avortements ont été pratiqués en France. C'est le record depuis 30 ans.  

 

Un texte qui sera voté au Sénat

Ce projet de loi adopté à l’Assemblée nationale est en train d’être examiné par le Sénat, qui est plus conservateur et ce n’est pas gagné ! L’IVG a toujours été un sujet très clivant en France et ça l'est encore aujourd’hui même 45 après sa légalisation

  • Ceux qui défendent ce texte sont majoritairement à gauche. De nombreux élus La République en marche soutiennent aussi cette proposition de loi, qui est vue comme une avancée pour les femmes.
  • Les opposants sont principalement à droite. Certains dénoncent même l’assouplissement de l’accès à l’IVG pendant la crise sanitaire, estimant que cela ouvre la voie pour revenir sur une loi qui ne pose pas de problème. 
  • Du côté du gouvernement, c’est plus mitigé. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, estime ne pas avoir tous les éléments en main et a saisi le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, qui doit rendre très prochainement son avis. 

Vifs débats au sein du corps médical

3 points du projet de loi : 

  • Concernant l’allongement du délai de recours à l’IVG, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, l’Académie de médecine, et l’Ordre des médecins s’y opposent. L’argument est que le geste technique est plus difficile à réaliser à 14 semaines de grossesse, voire dangereux pour les femmes.
  • Concernant la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, l’Ordre des médecins est contre.
  • Concernant la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales, l’Académie de médecine n’y est pas favorable et le Sénat s’est d’ores et déjà opposé à ce point. 

Ces instances reconnaissent quand même qu’il faut faciliter l’accès à l’IVG en France. Il faut donc que cela change mais sans changer la loi !   

Les professionnels de santé favorables à ce projet de loi

  • On trouve évidemment le Planning familial qui demande depuis des années que l’accès à l’IVG soit facilité en France.
  • De nombreux professionnels de santé directement concernés par l’IVG : des gynécologues, obstétriciens, des sages-femmes, des responsables de centre d’IVG... Ces professionnels de santé favorables au projet de loi ont répondu à leurs confrères qui s’y opposent, dans une tribune et un manifeste.  

Notamment sur l’argument de la difficulté du geste et de la dangerosité de l’IVG chirurgicale à 14 semaines de grossesse, ils répondent que ce n’est pas vrai et que ce geste est déjà pratiqué par certains dans le cadre des interruptions médicales de grossesse. Les autres se formeront.  

 

  • Il faut aussi rappeler que certains pays, comme les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne, ont un délai légal d’accès à l’IVG plus long qu’en France. Donc si c’est possible dans ces pays, pourquoi pas en France.  

Pour toute question ou information sur l’IVG,  le numéro vert, anonyme et gratuit : 0800 08 11 11 et le site ivg.gouv.fr