Vaccins : pourquoi y a-t-il des ruptures de stock ?

Alors que le débat sur la sécurité de la vaccination fait rage, certains patients ne trouvent plus les vaccins dont ils ont besoin. Ces ruptures de stock durent depuis des mois. Les explications avec Maroussia Renard, chroniqueuse spécialisée en économie.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Ces ruptures de stock concernent des vaccins très courants, recommandés par les autorités sanitaires. Par exemple, si vous avez un bébé, il est impossible aujourd'hui de trouver en pharmacie le BCG simple contre la tuberculose, qui est pourtant recommandé dès le deuxième mois. Autre vaccin en rupture totale : le vaccin contre l'hépatite B pour les adultes. Les seuls lots encore disponibles sont réservés aux hôpitaux pour vacciner les personnes prioritaires (dialysés, soignants, militaires…).

Plusieurs vaccins connaissent aussi des "tensions d'approvisionnement" (ex : vaccin contre l'hépatite A). Cela signifie qu'il faut parfois faire une dizaine de pharmacies avant de trouver le vaccin ou alors vous rendre dans une PMI ou un centre de vaccination. Au total, il y a environ vingt vaccins difficiles ou impossibles à se procurer actuellement, sur une cinquantaine disponibles en France.

Comment un vaccin peut-il se retrouver en rupture de stock ?

La première explication à ces ruptures de stock tient à la nature même des vaccins. Fabriquer un vaccin n'est pas facile. Cela n'a rien à voir avec un médicament, qui est un produit chimique. Le vaccin est un produit biologique, conçu à partir de virus ou de bactéries, une matière première vivante qui expose à certains aléas. Par exemple, quand on fait pousser des souches de virus, le rendement n'est pas toujours au rendez-vous.

La logistique est aussi très compliquée. Il faut des précautions draconiennes, des locaux stériles, des infrastructures qui permettent de conserver les vaccins au froid pendant toute la chaîne de production. Et surtout, il existe une cinquantaine d'étapes de fabrication. Résultat : il faut compter entre 18 et 24 mois pour produire un seul lot de vaccins (seule exception : le vaccin contre la grippe fabriqué en six mois). Quand il y a un manque de vaccins, on ne peut donc pas y répondre du jour au lendemain.

De nombreux contrôles

Le temps de production des vaccins est d'autant plus long qu'il existe de nombreux contrôles. Les vaccins sont soumis à une réglementation drastique. 70% du temps de fabrication est consacré à des contrôles réalisés par le fabricant et les autorités sanitaires. On teste chaque dose, à chaque étape, pour s'assurer que le vaccin produit la réaction immunitaire attendue. Pour un vaccin infantile hexavalent (qui protège contre six maladies), 1.277 tests sont réalisés !

Si au cours de ces contrôles, le moindre problème est détecté, tout le lot (500.000 à 1 million de doses) peut partir à la poubelle. Parfois, l'usine peut aussi être mise à l'arrêt pendant plusieurs mois parce qu'une cuve a été contaminée par un microbe par exemple. Or, ce genre d'accident peut avoir des répercussions immédiates sur le monde entier.

L'industrie du vaccin produit à flux tendu

Le marché est très concentré avec peu de fabricants et peu d'usines. En France, il existe 260 laboratoires différents qui commercialisent des médicaments, pour les vaccins il n'y en a que six. Chacun produit un ou deux vaccins au maximum. Si l'un des fabricants a un problème sur un lot, le second ne peut donc pas compenser. Or, la demande mondiale de vaccins a explosé au cours des dernières années parce que certains pays ont décidé d'introduire de nouveaux vaccins à leur calendrier vaccinal.

Le cas le plus emblématique étant celui de la coqueluche. À la suite de plusieurs épidémies, la demande de vaccins a augmenté de 50% sur les trois dernières années. Pour absorber cette demande, certaines firmes ont investi mais entre le moment où la première pierre d'une usine de vaccins est posée et le moment où les premiers lots sortent, il faut compter près de dix ans.

Les firmes pharmaceutiques ont aussi une part de responsabilité dans ces pénuries. Ils font parfois des choix industriels qui mettent le marché en tension. On peut penser qu'ils privilégient parfois les vaccins à forte valeur ajoutée, les vaccins en rupture de stock sont rarement les plus rentables. Ensuite, des tensions d'approvisionnement sur un vaccin existent dans un pays européen et qu'un pays comme l'Inde ou la Chine souhaite acheter des vaccins, le laboratoire peut préférer passer de la tension à la rupture de stock totale en Europe pour réallouer ces lots à un pays qui représente un marché beaucoup plus important.

Comment faire face à ces pénuries de vaccins ?

Depuis janvier 2017, la loi santé impose aux laboratoires d'avoir des plans de gestion de pénuries avec des stocks minimums réservés à la France. Marisol Touraine avait aussi émis l'idée de sanctions financières pour les laboratoires en cas de ruptures de stock mais cette idée a été abandonnée.

Pour l'industrie pharmaceutique, il faudrait commencer par harmoniser les politiques vaccinales européennes. Pour les 28 pays membres de l'UE, il existe 23 calendriers vaccinaux différents pour les enfants. Pour chaque pays, les labos sont donc obligés de fabriquer des vaccins avec des compositions et des conditionnements différents. Résultat : en cas de pénurie dans un pays, il est très difficile de rapatrier un lot destiné à un autre pays européen. La discussion est en cours à Bruxelles. En attendant, ces ruptures de stock continuent d'alimenter la défiance des Français vis-à-vis de la vaccination.