Royaume-Uni : le système de santé sera-t-il sauvé ?

Le premier ministre anglais promet à sa population 50 000 infirmières et 6 000 généralistes supplémentaires. Le système public de santé reste en tête des priorités de Boris Johnson, mais pourra-t-il être sauvé ? Les explications de notre spécialiste.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Il l'a réaffirmé dès sa première déclaration officielle après sa réélection, le 13 décembre. C’était devant le célèbre "10 Downing Street", le "Matignon" du Premier Ministre anglais. Là-bas, le système de santé national, c’est la NHS, pour National Health Service


"Je crois, en fait je sais, parce que je l’ai entendu haut et fort à chaque coin de notre pays, que la principale priorité du peuple britannique aujourd’hui est que nous devons nous concentrer, avant tout, sur la NHS, ce système simple et beau qui représente ce qu’il y a de plus beau dans notre pays. Avec un investissement financier jamais réalisé avant, 50 000 infirmières supplémentaires, 14 nouveaux hôpitaux". 

Pour "prouver" son engagement personnel, il est même allé dans 3 hôpitaux depuis le début de l’année avec à la clé plusieurs clips. 

 

Consacré à la qualité "variable" des repas servis à l’hôpital. Il s’engage à l’améliorer, va à la rencontre des équipes et paie de sa personne en servant lui-même un plateau… quitte à mettre un tablier vert en plastique.

Il va voir des équipes de cancérologues et de chercheurs qui développent des nouveaux traitements et enfile une blouse blanche sans oublier de prendre une pipette dans un laboratoire. 


 

Le tableau ne serait pas complet sans la visite du Pilgrim Hospital à Boston où Boris Johnson est même allé dans le service des urgences.



"Nous aimons tous notre NHS, c’est à bien des égards l’institution qui définit/caractérise notre pays. Elle nous maintient unis/ensemble. Il n’y a pas une seule famille au Royaume-Uni qui n’y a pas recours et qui ne se repose pas sur elle. Et c’est pourquoi je suis si fier aujourd’hui d’annoncer 20 projets de rénovation d’hôpitaux à travers le pays. J’insiste sur le fait que cet argent n’était pas là il y a dix jours quand je me tenais sur les marches du 10 Downing Street. Je suis ici au Pilgrim Hospital de Boston où ils vont utiliser cette enveloppe de 21 millions pour rénover leurs urgences".

Début du sauvetage du système de santé de nos voisins

C’est certainement un plan de communication impressionnant, on aimerait dire que c’est formidable, que les célèbres problèmes d’accès aux soins des britanniques sont résolus… Malheureusement, même certains des conservateurs les plus fraîchement élus ont peur que les promesses ne soient pas suivies d’effets. Un pédiatre hospitalier du mouvement "Sauvons la NHS" qui est encore plus sceptique "décrypte" la promesse des "50 000 infirmières supplémentaires". 

"Ils ont annoncé 50 000 nouvelles infirmières. Mais il a été révélé qu’en fait  parmi elles,18 000 n’étaient pas de nouvelles infirmières, ils disaient qu’ils allaient éviter le départ de ces 18 000 infirmières. Parce qu’en ce moment, il y a plus d’infirmières qui quittent la NHS que d’infirmières qui sont recrutées. Mais vous ne pouvez pas affirmer que des infirmières qui travaillent déjà à la NHS sont nouvelles !" 

"Déjà, je sens que vous êtes déçus... Et cela ne va pas s’arranger lorsque je vais vous transmettre les autres explications du Dr Puntis. Car il ne voit pas trop comment ce gouvernement pourrait éviter les 18 000 départs et réussir 32 000 recrutements. Nos voisins vivent une crise encore plus lourde que nos hôpitaux avec tous les cercles vicieux d’une pénurie chronique de professionnels qui épuise ceux qui restent et les conduisent à partir à leur tour".

Pour créer des vocations, Boris Johnson a annoncé en urgence au tout début de l’année qu’il offrait une bourse annuelle de 5 000 livres à tous les nouveaux inscrits en école d’infirmier(e)s avant demain, date limite des inscriptions. Cela ne couvre pas les 9 000 livres de frais de formation qui étaient avant une décision de David Cameron en 2017, entièrement financés par l’Etat ! Les effectifs des promotions ont chuté depuis. 

Une mesure qui peut porter ses fruits ?

Cela ne résout pas l’état d’urgence actuel et il va falloir attendre des années avant les diplômes des infirmières comme pour tous les autres postes vacants à la NHS. Même Boris Johnson, qui a défendu le Brexit pour retrouver la maîtrise de l’immigration, est obligé d’admettre que la NHS ne s’en sortira pas sans professionnels étrangers…

Comme la sortie de l’Union a déjà fait partir quelques européens, il faut chercher de l’aide plus loin. La création de "Visa NHS" a donc été annoncée dans le très solennel "discours de la reine" écrit par le Premier Ministre… Ce visa coûterait deux fois moins cher et serait obtenu en seulement deux semaines. Les journaux indiens ont déjà relayé la nouvelle.

Nos confrères du Indépendant ont révélé une note envoyée par les directeurs de la NHS au gouvernement. Ils l’alertent sur l’insuffisance de ce visa NHS car il laisse de côté tous les employés (hors NHS) qui assurent les soins à domicile... Si ce maillon de la chaîne disparaît, la NHS, souffrira encore plus avec des lits bloqués par des personnes âgées qui ne pourront pas rentrer chez elles… 

Des promesses qui ne vont pas métamorphoser le système de soins  

C’est le constat majoritaire des spécialistes du secteur. Dans le clip aux urgences, Boris Johnson annonce 20 grands projets de rénovation. En fait les "fact checkers", les contrôleurs d’information, ont montré qu’il n’y en avait que 6 ! C’est une goutte d’eau dans l’océan de la crise des urgences qu'ils viennent de traverser avec un mois qui restera le plus noir de leur histoire.

En décembre ils ont largement battu tous les records d’heures d’attente avec des victimes comme Donna Gilby, 47 ans, qui s’est fracturée le pied et a attendu l’ambulance six heures sur un trottoir dans le froid… elle est décédée le 18 décembre d’un infarctus. En juin, le décès de Jean Waghorn, qui s’était fracturé le cou, a été provoqué par une pneumonie contractée au fil de ses 3 transferts en 24h entre deux établissements faute de place adaptée.