Yuka, l'appli qui fait trembler l'industrie alimentaire

L'application Yuka qui permet de contrôler la composition des produits alimentaires s'impose comme un véritable lobby citoyen auprès des fabricants. 

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
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Sur le marché de la "foodtech", les applications qui analysent nos produits alimentaires et cosmétiques sont en plein essor. Kwalito, Open Food Facts, Quelcosmetique... on ne les compte plus. Parmi elle, Yuka, le leader du marché est en train de s’imposer comme un véritable lobby auprès des fabricants. 

C’est simple et sensiblement le même principe pour l'ensemble des applis, il faut l'ouvrir avec son smartphone, scanner le code barre d’un produit agroalimentaire ou cosmétique. Les applis ont des bases de données très importantes.

                          

Vous obtenez ensuite une note comprise ici entre 0 et 100 avec une couleur associée qui indique l’impact potentiel sur la santé.
Vert correspond à excellent et bon, orange à médiocre et rouge à mauvais. On vous précise aussi pourquoi votre produit est jugé mauvais pour la santé.

Par exemple dans ces saucisses il y a 5 additifs nocifs, trop de graisses saturées et trop de sel. La note est de 2/100. 
Les autres applis reprennent aussi ce code couleur mais pas systématiquement les notes comme Kwalito ou préfèrent le Nutriscore ABCDE comme Open Food Facts.

                             

Comment est élaboré le système de notation  ?

Les informations concernant la composition des produits sont apportées par les utilisateurs eux-mêmes et directement par certaines marques. (Pour les autres applis, c’est souvent fondé sur les infos des utilisateurs uniquement). Bien sûr tout cela est vérifié. Ensuite pour obtenir la note, les inventeurs ont mis au point un savant algorithme.

  • 60 % du score est issu de la qualité nutritionnelle du produit comme la quantité de calories, de graisses saturées, de sucres, de sel etc.
  • 10 % du score selon, que votre produit est bio ou pas, ce n’est pas énorme. Autrement dit le fait qu’un produit soit bio ne pèse pas beaucoup dans la balance.
  • 30 % du score vient de la présence d'additifs à risque. Pour cela, l’appli a intégré des études de UFC-que-choisir (qui ont eux aussi crée une application pour les cosmétiques), des données de l’autorité européenne de sécurité des aliments et pour les produits cosmétiques, l’appli reprend des études de l’Anses, du CNRS ou de l’ANSM. 

Des réserves émises sur ces systèmes de notation des aliments 

Certains scientifiques émettent néanmoins petites réserves. Pour Mathilde Touvier épidémiologiste à l’INSERM, l’application comme ses concurrentes établit une partie de sa note en fonction des additifs présents dans le produit. Un malus est appliqué aux additifs controversés par principe de précaution or selon elle la validation scientifique est primordiale afin d’éviter les amalgames.

Enfin pour d’autres scientifiques, l’appli ne prend pas en compte non plus la cuisson du produit.

Une frite surgelée peut par exemple obtenir une note excellente de 100/100. Mais une fois plongée dans un bain d’huile, ce n’est plus vraiment un produit intéressant.

Un gros succès auprès des consommateurs... 

On peut dire que les Français ont été conquis par l’application à la carotte. En deux ans, c’est plus de 11,5 millions de Français qui l’ont téléchargée et l’utilisent. C’est entre 40 à 1 000 scans par seconde en moyenne par jour. Sa force c’est : pas de pub, pas d’influence de marques, aucune exploitation de données de ses utilisateurs. L’impact sur la consommation quotidienne est énorme.

Selon une étude réalisée en septembre dernier par Yuka auprès de 230 000 utilisateurs, 83% d’entre eux achètent ainsi moins et de meilleure qualité. Ils sont aussi 94% à avoir arrêté d’acheter certains produits mal notés. 
Yuka peut donc faire ou défaire la réputation d’un produit. La petite appli est devenue ultra puissante au point de faire trembler l’industrie agroalimentaire. 

...et une mise au pas de l’industrie agroalimentaire

Aujourd’hui quand un industriel met un nouveau produit sur le marché il est obligé de prendre en compte la note qu’il obtiendra sur l’appli. Au minimum les industriels essaient d’obtenir une note supérieure à 50. Certains ont même changé la recette de leur produit phare  :

Idem pour la grande distribution : en septembre dernier Thierry Cotillard, le patron d’Intermarché a annoncé le retrait de 140 additifs dans près de 900 produits de ses marques distributeurs d’ici un an et demi. Objectif : obtenir de meilleures notes sur Yuka. La force de frappe de l'appli est devenue considérable et personne ne l’avait vu venir.

Un lobby à part entière  ?  

On peut la qualifier de lobby citoyen car derrière l’appli, il y a des utilisateurs qui alimentent la base de données. Depuis peu, ce lobby s’attaque à la loi.
Il y a 3 semaines, le député Richard Ramos a déposé un amendement visant à taxer les nitrites dans la charcuterie. Les nitrites sont des additifs utilisés pour améliorer la conservation et donner une couleur rose au jambon.

Ils sont aussi suspectés de favoriser la survenue de cancers et notamment de cancers colorectaux. Cet amendement n’a pas été retenu. Depuis, Yuka assure la riposte, avec la Ligue contre le cancer et l’ONG Foodwatch l’appli a lancé une pétition pour demander à la ministre de la Santé, non pas de taxer mais d’interdire les nitrites.

La stratégie est redoutable . Dès qu’un utilisateur scanne un produit contenant des nitrites on lui proposera de signer la pétition. Yuka c’est 11,5 millions d’utilisateurs, la pression est énorme. Si une rencontre a lieu avec les pouvoirs publics, les représentants de Yuka seront présents.

L’appli arrivera-t-elle à faire bouger les lignes ? Les industriels suivent l’affaire de très près. L’appli est effectivement présente dans 6 pays européens et vient de faire une levée de fonds pour conquérir les Etats-Unis...  Autant dire que ce nouveau lobby n’a pas fini faire parler de lui !