Poser une rustine sur un coeur battant

Les deux ventricules du cœur humain - ces cavités où circulent le sang oxygéné d'un côté, et le sang désoxygéné de l'autre - sont cloisonnés. Tout défaut dans cette étanchéité doit être colmaté, jusqu'à présent au prix d'une chirurgie à cœur ouvert. Une équipe internationale a développé un dispositif très ingénieux permettant de réaliser l'opération via une simple sonde, sur cœur battant. L'opération a été réalisée avec succès sur trois porcs.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Simulation de déploiement du dispositif. (Crédits : Roche et al. doi:10.1126/scitranslmed.aaa2406)
Simulation de déploiement du dispositif. (Crédits : Roche et al. doi:10.1126/scitranslmed.aaa2406)

Comment appliquer délicatement et fermement un pansement à l’intérieur d’un cœur qui bat, en réduisant au maximum le nombre d’incisions ? Difficile d’appuyer sur le pansement d’un côté sans le faire glisser par le trou qu’il est censé combler…

L’appareil présenté ce 23 septembre dans Science Translational Medicine se présente comme un simple tuyau, que l’on insère par le trou entre les ventricules (on peut l’y acheminer par une artère ou une veine). A l’intérieur se trouvent enfilés le long d’une canule, trois éléments : premièrement un petit ballon transparent, à l’intérieur duquel se trouve une microscopique lampe à ultraviolets ; ensuite, un anneau biodégradable photosensible ; enfin, un second ballon (voir ci-dessous).


Détail du dispositif élaboré par les chercheurs. (crédits : Roche et al. doi:10.1126/scitranslmed.aaa2406)

Etrange brochette…

Les deux premiers éléments quittent le tuyau à l’intérieur d’un ventricule, le deuxième ballon restant dans l’autre cavité. Les ballons sont gonflés, ce qui a pour effet de plaquer l’anneau contre la paroi. Mais le matériau qui constitue cet anneau est constitué d'un matériau très particulier : sous la lumière ultraviolette, il devient adhésif et gagne en épaisseur !

Ainsi, quand la lampe située dans le premier ballon est allumée, l’anneau se colle à la paroi du muscle cardiaque. Les ballons sont bientôt dégonflés, et la canule extraite au travers de l’anneau. Il n’y a plus, au centre de cette rustine, qu’un minuscule trou.

Au fil des mois, le muscle cardiaque va se développer sur ce pont biodégradable, et s’y substituer. Le cœur est réparé (voir vidéo ci-dessous) !

Des expériences ont été réalisées ex vivo (sur des organes détachés du corps) sur des cœurs, des abdomens et des estomacs de porcs, puis in vivo sur des cœurs de rats et de porcs.


De haut en bas : expériences ex vivo sur un coeur, un abdomen et un estomac de porc.
(crédits : Roche et al. doi:10.1126/scitranslmed.aaa2406)

Selon les données cliniques publiées, les patchs cardiaques adhésifs appliqués selon ce procédé ont entraîné des réactions inflammatoires analogues à celles observées avec des sutures classiques.

Dans les expériences réalisées sur cœur battant chez le porc, l’espace au centre du patch avait un diamètre inférieur à 1,6 mm.

Si d’autres tests s’avéraient concluants, cette technologie micro-invasive pourrait devenir à terme une alternative opératoire pour les patients ne pouvant supporter de chirurgie à cœur ouvert.

Source : A light-reflecting balloon catheter for atraumatic tissue defect repair. Ellen T. Roche et al. Science Translational Medicine  23 sept. 2015. doi: 10.1126/scitranslmed.aaa2406