Vaccins obligatoires : six questions que se posent les parents inquiets

Depuis lundi, le nombre de vaccins obligatoires pour les enfants de moins de deux ans est passé de trois à onze.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Vaccins obligatoires : six questions que se posent les parents inquiets

C'était l'un des articles du projet de financement de la Sécurité sociale (PFSS). Depuis le 1er janvier 2018, tous les enfants de moins de deux ans doivent obligatoirement être vaccinés contre onze maladies. Auparavant, la loi exigeait seulement qu'ils soient vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Désormais, il faudra vacciner les nouveaux nés contre huit autres pathologies : la coqueluche, le virus de l'hépatite B, la bactérie Haemophilus influenzae (à l'origine des méningites), le pneumocoque, le méningocoque C, la rougeole, les oreillons et la rubéole.

Selon le ministère de la Santé, cette décision d'étendre l'obligation vaccinale de trois à onze vaccins s'explique par plusieurs constats : la baisse du taux de couverture vaccinale, les décès et les handicaps provoqués par la rougeole et la méningite et la défiance grandissante envers les vaccins.

Retour sur les principales questions qui ont rythmé les débats et que se posent de nombreux parents d'enfants en bas âge.

Pourquoi une telle méfiance envers les vaccins ?

Selon un sondage mené en 2016 à travers 67 pays et publié dans la revue EBioMedecinela France arrive en tête des pays se méfiant de la vaccination. 41 % des Français interrogés jugeaient que les vaccins ne sont "pas sûrs". Un taux plus de trois fois supérieur à la moyenne mondiale, de 13 %.

Aux origines de cette particularité française ? Plusieurs scandales, controverses et échecs sanitaires ayant marqué les années 1990 et 2000. Les scandales du Mediator, des pilules contraceptives de troisième et quatrième génération ou encore de la Dépakine constituent autant d'épisodes ayant ébranlé l'actualité et la confiance en l'industrie pharmaceutique. D'autres affaires ont plus particulièrement mis en cause l'efficacité et l'innocuité des vaccins. On retiendra notamment celle du vaccin contre l'hépatite B. Cette dernière commence dans les années 1990, avec le signalement de troubles neurologiques tels que la sclérose en plaques. Certains ont alors pointé du doigt la vaccination contre l'hépatite B, une infection virale s'attaquant au foie. A la suite de ces signalements, plusieurs études épidémiologiques seront conduites sur le sujet, dont deux en France. Aucune de ces études n'a mis en évidence l'existence d'un lien de causalité direct entre la vaccination et l'apparition de ces troubles, mais la polémique mettra du temps à s'éteindre et l'opinion publique en demeurera profondément marquée.

De même, la campagne de vaccination mise en place en 2009 contre la grippe A/H1N1 est restée synonyme d'échec de santé publique. Le rapport de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale sur la gestion de la grippe, rendu en juillet 2010, rappelle en effet que l'organisation a été "trop rigide", les résultats "décevants" et que plus de trois millions de doses ont été perdues.

Les vaccins contenant de l'aluminium sont-ils vraiment sans risque ?

Les anti-vaccins sont nombreux à dénoncer les "méfaits" voire la "dangerosité" de la présence de l'aluminium dans les vaccins. Si les laboratoires ont recourt depuis toujours à ce composé, c'est parce qu'il constitue un adjuvant d'une efficacité redoutable. En d'autres termes, il participe activement au déclenchement d'une réaction immunitaire.

Or, depuis la fin des années 1990, certains collectifs tels que l'association E3M, regroupant des malades de myofasciite à macrophages, suspectent ces composés d'être neurotoxiques.

Jusqu'à présent, aucune étude scientifique faisant l'unanimité n’est encore venue appuyer cette hypothèse. En 2013, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) rappelait que "les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l'aluminium, au regard de leur balance bénéfices-risques". De la même manière, en juin dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est allée jusqu’à publier sur son site un communiqué intitulé "Les vaccins contenant de l’aluminium sont sûrs" afin de contrer le discours des anti-vaccins.

Qu'en est-il des liens entre le vaccin ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole) et l'autisme ?

En 1998, le Dr Wakefield annonçait lors d'une conférence avoir constaté que le vaccin ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole) favoriserait la survenue de troubles autistiques ainsi qu'une pathologie digestive chez l'individu vacciné. Très relayée par les médias, cette hypothèse mettait ainsi en doute un vaccin ayant permis de réduire drastiquement la mortalité infantile, notamment en Afrique.

Pourtant, l'étude du Dr Wakefield s'est révélée totalement fausse. En plus de n'être basée que sur douze patients, elle ne présentait aucune comparaison entre des sujets malades et des sujets sains. Ainsi, seuls les individus atteints de la "pathologie" étaient examinés. Autant de faiblesses méthodologiques qui montrent bien le caractère douteux de cette théorie, qui est cependant aujourd'hui encore tenue pour valide par certains militants anti-vaccins.

Comment être sûr que les vaccins n'endommagent pas le système immunitaire ?

Les parents sont nombreux à craindre l'administration de onze vaccins dans l'organisme d'un enfant de moins de deux ans, pas assez "mature" selon eux, pour recevoir autant de doses. Mais les études sont rassurantes sur ce point. En 2000, une étude allemande publiée dans le Journal of Infection soulignait que les sujets ayant été vaccinés contre la coqueluche, la diphtérie, la poliomyélite, le tétanos et le Hib au cours des trois premiers mois de leur vie avaient par la suite été moins touchés par des infections que les sujets non vaccinés.

De même, une étude parue en 2002 dans la revue américaine Pediatrics affirmait que "les enfants vaccinés ne courent pas plus le risque d'infections ultérieures avec d'autres agents pathogènes que les enfants non-vaccinés".

Quel coût pour les particuliers et l'Etat ?

Jusque là, les trois vaccins obligatoires étaient remboursés à 100 % : l'assurance-maladie couvrait 65 % des frais, tandis que l'assurance complémentaire était tenue de se charger des 35 % restant. Un système qui ne va pas changer, et qui va simplement s'étendre aux huit vaccins fraîchement devenus obligatoires.

Selon le ministère de la Santé, l'extension vaccinale représentera toutefois un surcoût de 10 à 20 millions d'euros pour l'Etat.

Les vaccins rapportent-ils vraiment beaucoup d'argent aux laboratoires pharmaceutiques ?

L'annonce de l'extension vaccinale a fait couler beaucoup d'encre, notamment des côtés des politiques. Pas plus tard qu'en octobre dernier, Nicolas Dupont-Aignan déclarait s'opposer à la "vaccination forcée au profit des lobbies pharmaceutiques". Une opinion partagée par d'autres politiques, à l'instar de Marine Le Pen par exemple.

Pourtant, dans un billet posté en 2014 sur son site, le syndicat LEEM (Les Entreprises du médicament) rappelait que l'industrie du vaccin représentait moins de 3 % du marché mondial du médicament en 2009. De plus, toujours selon LEEM, les vaccins n'auraient représenté que 1,9 % du chiffre d'affaires des laboratoires français en 2016. Des données laissant ainsi penser que les vaccins pourraient bien rapporter moins d'argent aux laboratoires que ce qui est généralement supposé.

Que risque un parent refusant de faire vacciner son enfant ou un professionnel de santé délivrant un faux certificat de vaccination ?

Un parent refusant de faire vacciner son enfant n'est pas réellement punissable sur le plan pénal à ce jour. En effet, les sanctions auparavant prévues par le code de la santé publique en cas de défaut de vaccination, qui allaient jusqu'à six mois de prison et 3 750 euros d'amende, ont été abrogées. Cependant, un parent n'ayant pas fait vacciné son enfant se verra dans l'incapacité d'inscrire ce dernier à la crèche, à l'école ou au centre aéré.

En revanche, l’obligation de protection des enfants est maintenue. Ainsi, selon le ministère de la Santé, un enfant qui n’aurait pas été vacciné et qui serait atteint d’un handicap pour cette raison aurait toujours la possibilité de "mettre en cause pénalement ses parents".

Pour ce qui est des professionnels de la santé, enfin, pas de changement. Le praticien qui accepterait de délivrer un faux certificat de vaccination risquerait toujours une radiation à vie de l'Ordre des médecins.