Essai clinique Biotrial : des "manquements majeurs" dans la gestion de la crise

Un premier rapport de la police sanitaire, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), sur l'accident à ce jour inexpliqué qui a fait un mort lors d'essais cliniques à Rennes, a été présenté ce 4 février par la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Selon elle, ce rapport ne permet pas "d'identifier les causes exactes" de l'accident qui a fait un mort en janvier parmi les volontaires de l'essai.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Essai clinique Biotrial : des "manquements majeurs" dans la gestion de la crise

Selon le ministère, ce "rapport d'étape" de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) porte sur "l'organisation, les moyens et les conditions de réalisation" de l'accident survenu lors d'un essai clinique à Rennes à la mi-janvier 2016.

"S'agissant de la conduite de l'étude et de la gestion de la crise, les inspecteurs ont relevé trois manquements majeurs", a déclaré Marisol Touraine, lors d'une conférence de presse, précisant néanmoins que ce rapport ne permettait "pas d'identifier les causes exactes" de l'accident qui a fait un mort en janvier parmi les volontaires de l'essai.

"Ces manquements étant constatés, l'inspection ne considère cependant pas qu'ils justifient la suspension à titre conservatoire de l'autorisation de conduire les essais accordée au laboratoire Biotrial", a-t-elle ajouté.

Le rapport de la police sanitaire a notamment constaté "que le laboratoire ne s'est pas tenu suffisamment informé de l'état de santé du premier volontaire hospitalisé". 

Autre faille : le laboratoire a procédé le 11 janvier à l'administration de la molécule à d'autres volontaires, alors qu'un volontaire avait été déjà hospitalisé la veille.

Enfin, l'Igas estime que Biotrial "a tardé à signaler l'accident aux autorités".

Toutefois, le rapport note que la "procédure a été intégralement respectée" lors de cet essai, et que le protocole suivi par le laboratoire "respecte la réglementation actuelle".

Le rapport définitif de l'Igas sera remis à la ministre "avant la fin du mois de mars".

Le laboratoire Biotrial a rapidement répondu à cette annonce par voie de communiqué. Il s'annonce "soulagé d’avoir la confirmation dans  le pré-rapport de l’Igas que la cause du décès du volontaire ne lui est pas imputable", et qu’il n’est relevé "aucune faute dans l’accident intervenu au cours de l’essai clinique de la molécule du laboratoire pharmaceutique portugais Bial". Il réitère des allégations antérieures, soulignant "avoir strictement appliqué le principe de précaution et avoir rigoureusement respecté les protocoles conformément aux standards internationaux régissant les essais cliniques notamment sur la chronologie de la poursuite de l’essai, sa suspension puis son arrêt définitif après l’hospitalisation du volontaire aujourd’hui décédé". 

En revanche, les trois "manquements majeurs" sont fortement minimisés, voir contestés par le laboratoire. "Les supposés manquements [...] ne sont en rien la cause de l’apparition des effets indésirables graves constatés faisant suite à l’administration du produit pharmaceutique", insistent-ils. Concernant l'administration du traitement le 11 janvier aux volontaires, Biotrial affirme que rien ne présageait avant 9 heures du matin que l'hospitalisation d'un participant soit liée au l'essai. L'administration aurait eu lieu "à 8 heures du matin", une heure avant que l'hôpital n'informe le laboratoire que le sixième participant avait fait un accident vasculaire cérébral.

Rappel des faits

L'essai clinique était réalisé au laboratoire rennais Biotrial sur des volontaires sains.

L'accident a coûté la vie à un homme de 49 ans. Cinq autres personnes avaient été hospitalisées, dont quatre avec des troubles neurologiques de gravités différentes et une par précaution.

"Nous n'avons jamais connu en France d'accident de ce type", avait souligné la ministre en annonçant la semaine dernière le remise de ce "prérapport". "A partir de là, nous regarderons si nous disposons d'éléments nous permettant de comprendre ce qui s'est passé", avait-elle ajouté.

La ministre a également rappelé que les essais cliniques dits de phase 1, comme celui de Rennes, "sont ceux qui sont au tout début du parcours du test du médicament" et que "des précautions et des règles internationales encadrent ces essais".

"Pour l'instant, nous n'avons pas identifié de faute (...). Nous n'avons observé aucun comportement qui ait pu être la cause de ce qui s'est produit", avait assuré pour sa part vendredi dernier le directeur général de Biotrial, François Peaucelle. Tous les volontaires hospitalisés sont rentrés chez eux, avait-il précisé, jugeant qu'il était "trop tôt pour parler de séquelles".

La ministre de la Santé avait été informée le jeudi 14 janvier de l'aggravation de l'état de l'homme depuis décédé.

Une enquête judiciaire, ainsi que les enquêtes sanitaires, sont toujours en cours.

Peu après cet accident, la firme pharmaceutique Janssen (filiale de Johnson & Johnson) avait suspendu un essai en cours avec un médicament expérimental de la même famille.