Homo sapiens : une découverte qui donne un coup de vieux à notre espèce !

C'est une découverte qui bouleverse nos certitudes sur les origines de l'humanité : une équipe internationale, dirigée par un professeur du Collège de France, a mis au jour des restes d'Homo sapiens vieux de 300 000 ans au Maroc. Une recherche publiée aujourd'hui dans la prestigieuse revue Nature.

La rédaction d'Allo Docteurs
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L'Homo sapiens aurait 300.000 ans et non 200.000 ans - Entretien avec Pascal Picq, paléo-anthropologue  au Collège de France
L'Homo sapiens aurait 300.000 ans et non 200.000 ans - Entretien avec Pascal Picq, paléo-anthropologue au Collège de France

Des chercheurs ont découvert les plus anciens fossiles d'Homo sapiens connus à ce jour, sur le site archéologique de Jebel Irhoud au Maroc. Ces fossiles datent de 300 000 ans, soit une centaine de milliers d’années de plus que l'Ethiopien d'Omo kibish (notre plus vieil ancêtre connu jusqu'alors). 

L'Homo sapiens n'est donc pas né il y a 200 000 ans dans la corne de l'Afrique comme on le croyait. Les chercheurs expliquent que le site du Maroc, bien qu'il soit le plus ancien découvert, n'est pas le nouveau berceau de l'espèce Homo sapiens. En realité, les Homo sapiens se seraient déplacés en traversant le Sahara lorsque celui-ci était encore vert.

L'Homo sapiens est l'homme d'aujourd'hui, la seule espèce humaine présente sur Terre. D'après Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Musée de l'Homme, chargé de recherche au CNRS, "deux caractères principaux nous distinguent des autres espèces : notre menton, cette bosse en os sur la mâchoire inférieure qui est inexistante chez les autres, et un crâne en maison. Deux grosses bosses dites pariétales, placées à l'arrière de notre crâne, lui donnent une forme particulière, unique. Notre crâne est beaucoup plus haut que ceux des autres espèces (mais moins large que celui des néandertaliens).

"L'évolution n'a rien de linéaire"

"Pendant longtemps, on a cru que des Australopithèques étaient devenus des Homo habilis, puis des Homo erectus, puis des Homo sapiens, mais maintenant on sait que l'évolution n'a rien de linéaire," explique le spécialiste. L'Homo erectus, l'Homo sapiens, et l'homme de Neandertal sont trois espèces qui ont existé simultanément.

"Au sein des groupes humains qui existent, un petit groupe, qui présente des caractères un peu différents, se retrouve isolé. En vase clos, ses caractères spécifiques vont rapidement s'accentuer et faire apparaître un nouveau groupe humain. Le principal moteur de l'évolution, c'est le hasard, la chance", poursuit-il. Pour lui, la science a longtemps surévalué les capacités intellectuelles de l'Homo sapiens et fait preuve d'antropomorphisme.

"De récentes études ont montré il n'y avait pas de grandes différences en termes de valeur, de comportement ou de complexité entre l'Homo sapiens et le néandertalien avant que ce dernier ne disparaisse. Tous utilisaient des colorants, des coquillages, faisaient des gravures, enterraient leurs morts...", précise-t-il.

Les scientifiques ne sont pas capables de se prononcer sur la cause de notre existence, pourquoi l'espèce Homo sapiens a-t-elle survécu et pas les autres. "On considère trop souvent que puisque l'on a survécu et pas les autres, nous sommes une réussite évolutive, mais c'est quand même aussi un coup de bol si on est toujours là ! Les bactéries, les chimpanzés aussi ont survécu et on ne leur attribue pas pour autant une intelligence particulière."

Etude de référence : "Palaeoanthropology: On the origin of our species", Nature 546, 212–214, 8 June 2017, doi:10.1038/546212a