Vous soupçonnez une maladie de Lyme ? C'est faux 9 fois sur 10

Selon une étude, parmi les patients consultant pour une suspicion de maladie de Lyme, une autre pathologie est identifiée dans environ 90% des cas. En cas d'antibiothérapie, cette dernière est injustifiée quatre fois sur cinq.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Une fatigue chronique, des problèmes de concentration et de mémoire, des maux de tête, des douleurs articulaires ou musculaires… Si ce tableau clinique est bien celui de la "maladie de Lyme", il est loin d’être exclusif à cette pathologie. Des chercheurs  français ont compilé les diagnostics posés sur des patients venus consulter "pour un Lyme", au service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière (Paris) entre janvier 2014 et décembre 2017.

Selon les détails de l’étude – dont nous avions rapporté les résultats préliminaires en juin dernier – sur 301 patients, le diagnostic de la maladie de Lyme n’a été formellement confirmé que chez 29 patients, soit moins de 10% de la cohorte. Le diagnostic de borréliose de Lyme a été jugé plausible chez 9 autres patients [1].

L’ensemble des diagnostics a été posé au terme d’un processus très scrupuleux, intégrant la prise en compte de l’historique de la maladie, des signes cliniques, mais également des autres éléments du dossier médical, des traitements antibiotiques reçus, et des résultats des tests sérologiques. "Quand il existait un doute diagnostique et que le patient n’avait pas encore eu de traitement présumé efficace", l’équipe a systématiquement administré un traitement susceptible d’éliminer la borréliose.

La souffrance est réelle, indéniable, mais ce n’est pas un Lyme

De quoi souffraient les 263 autres patients ? Dans neuf cas sur dix, un diagnostic a pu être posé [2]. Ces patients "souffraient principalement de problèmes psychologiques (31.2% des diagnostics validés) [fortement liées au stress], de maladies rhumatologiques ou musculaires (19%), de maladies neurologiques (15.2%) ou d’autres maladies (33.7%) dont un nombre non négligeable de syndrome d’apnée du sommeil". Selon le Pr Eric Caumes, qui a piloté l'étude, le sur-diagnostic de Lyme est dangereux : "certains patients avaient des retards de diagnostic et donc des retards de prise en charge, de leur maladie neurologique par exemple, qui pouvaient aller de six mois à deux ans. Ce qui a des conséquences majeures sur  la santé des malades".

Les chercheurs notent que les patients avec des maladies différentes de la maladie de Lyme "étaient significativement plus jeunes, avaient plus de symptômes [fonctionnels], moins de signes physiques [objectifs]" que dans les cas de Lyme avérés.

Les traitements injustifiés sont très fréquents

De plus, les chercheurs observent que sur les 263 patients "non-Lyme", 151 patients s’étaient préalablement fait prescrire des antibiotiques voire d’autres anti-infectieux (antiparasitaires, antifungiques, antiviraux). Ce, "à raison de 1 à 22  traitements différents par patient, et durant une durée médiane de 34 jours (les extrêmes allant de 28 jours à 730 jours)", déplorent l’AP-HP dans un communiqué accompagnant la publication des résultats.

"À l’heure de l’émergence de l’ultra-résistance aux antibiotiques partout dans le monde y compris pour traiter des infections courantes, une telle pression médicamenteuse est peu admissible car elle n’a aucune justification, l’ensemble des études ayant cherché à évaluer correctement l’intérêt d’une antibiothérapie prolongée dans la maladie de Lyme n’ayant montré aucun bénéfice pour les malades".

Les auteurs de l’étude jugent que les personnes consultant pour des symptômes évocateurs d’un Lyme devraient bénéficier "d’une approche multidisciplinaire", "incluant une expertise psychologique, neurologique, rhumatologique, infectiologique et interniste".

la rédaction d’Allodocteurs.fr

Étude : E. Haddad et al. "Holistic approach in patients with presumed Lyme borreliosis leads to less than 10% of confirmation and more than 80% of antibiotics failure", Clinical Infectious Diseases, 2018. ciy799, doi:10.1093/cid/ciy799


[1] Le diagnostic de Lyme est considéré comme prouvé lorsque le patient aux quatre critères suivants : une exposition à une tique, des signes cliniques caractéristiques de la pathologie, des tests sérologiques positifs, et une guérison après l’administration d’un traitement antibiotique reconnu comme efficace contre la borréliose. Le diagnostic est jugé vraisemblable (ou "possible") lorsque seuls deux des trois premiers critères sont remplis.

[2] À la date de clôture de l’étude, seuls 20 patients n’avaient pas reçu de diagnostic, l’hypothèse d’une borréliose de Lyme étant toutefois formellement écartée.