Pénuries de médicaments : « C’est un scandale sanitaire »

L’Alliance des hôpitaux universitaires européens a appellé le 31 mars à une « meilleure collaboration européenne pour empêcher les pénuries de médicaments. »

Lucile Boutillier
Rédigé le
La majorité des patients qui sont privés d'antidouleurs vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.
La majorité des patients qui sont privés d'antidouleurs vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.

Alors que l’épidémie de Covid-19 engorge les hôpitaux français, italiens et espagnols, l’Alliance des hôpitaux universitaires européens pousse le 31 mars dernier un cri d’alarme. « Les stocks de certains médicaments s’amenuisent dramatiquement, […] y compris pour prendre en charge les patients atteints du COVID-19 », selon le communiqué.

Ce regroupement de neuf des principaux CHU européens adresse une lettre aux gouvernements allemand, autrichien, belge, britannique, espagnol, italien, suédois, néérlandais et français.

Cette lettre qui ne sera pas rendue publique est signée par Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (APHP) et Rémi Salomon, représentant des médecins de l’APHP. Elle fait suite à un communiqué du 30 mars qui demandait des réquisitions face à la pénurie de matériel et de médicaments.

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« D’une certaine manière, les pénuries sont déjà présentes »

Pauline Londeix, co-fondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, s’inquiète de la situation des stocks de médicaments utilisés en réanimation et en fin de vie. « Les stocks s’amenuisent, selon tout ce que disent les personnels hospitaliers. »

Selon cette chercheuse, les hôpitaux gèrent déjà leurs stocks comme pendant une pénurie : «  quand on demande aux personnels hospitaliers d’utiliser moins de morphine ou de la remplacer par du valium, d’une certaine manière les pénuries sont déjà présentes. »

« C’est ce que les hôpitaux sont obligés de faire puisqu’ils n’ont pas de visibilité sur leurs stocks », poursuit-elle. « On serait vraiment rassurés si le gouvernement pouvait dire quand les médicaments arrivent. »

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« C'est tragique »

« La plupart des pays ferment leurs frontières aux exportations, tout le monde veut les mêmes médicaments. Si on ne les produit pas, on va tomber à court », explique Pauline Londeix. Sans ces médicaments, « il y aura des gens qui ne pourront plus mourir dans la dignité, qui mourront dans la souffrance » s'indigne-t-elle. « C’est tragique, vraiment. »

La co-fondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament demande au gouvernement d’intervenir : « Qu’il rassure les personnels hospitaliers sur les stocks dont il dispose, s’il n’y a pas de pénurie. »

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Une entraide européenne ?

Si ces CHU d’Europe ont besoin d’interpeller leurs gouvernements dans une lettre, « le message est très fort » selon Pauline Londeix. « Ça signifie qu’il y a une vraie défaillance des gouvernements. »

« Dans nos demandes, on voudrait qu’un conseil de l’Union Européenne regroupant les ministres de la Santé se tienne au plus vite », explique-t-elle. « Il s’agit de réfléchir aux stocks, on pourrait demander aux différents pays de les partager et de réfléchir à une stratégie conjointe face aux pénuries et au Covid. »