Coronavirus : des auteurs de l'étude controversée sur la chloroquine se rétractent

Trois des quatre auteurs de l’étude critiquée du Lancet sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 ont demandé son retrait, faute de transparence sur l’origine des données utilisées.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / shuttersv

C’est un coup de semonce pour l’étude critiquée du Lancet. Trois des quatre auteurs de l'étude sur l'utilisation de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 ont demandé la rétractation de l'article, a annoncé la revue jeudi 4 juin. "Nous ne pouvons plus nous porter garant de la véracité des sources des données primaires", écrivent les trois auteurs au Lancet. Ils mettent ainsi en cause le refus de la société qui a collecté les données, dirigée par le quatrième auteur, de donner accès à leur intégralité.

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Défenseurs ou sceptiques, des critiques dans les deux camps

Publiée le 22 mai dans The Lancet, l'étude concluait que l'hydroxychloroquine n'était pas bénéfique aux malades du Covid-19 hospitalisés et pouvait même être néfaste. Sa parution avait eu un retentissement mondial et des répercussions spectaculaires, poussant notamment l'OMS à suspendre les essais cliniques sur l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 et la France à interdire ce traitement contre le Covid.

Mais les critiques n'ont pas tardé, en masse, venues à la fois des défenseurs de la controversée molécule mais aussi de scientifiques sceptiques sur l'intérêt de ce médicament pour les malades contaminés par le nouveau coronavirus. Ces critiques mettaient particulièrement en cause les données sur lesquelles se fondait l'étude récoltées par la société américaine Surgisphere, dirigée par le quatrième auteur Sapan Desai.

Pas d’analyse indépendante possible

 "Nous avons lancé une analyse indépendante de Surgisphere avec l'accord de Sapan Desai pour évaluer l'origine des éléments de la base de données, confirmer qu'elle était complète et répliquer les analyses présentées dans l'article", écrivent les trois autres auteurs dans le texte publié par le Lancet.

Mais Surgisphere ayant refusé de transférer la base de données en raison des accords de confidentialité avec ses clients, à savoir les hôpitaux à l'origine des données, les experts missionnés "n'ont pas pu conduire une revue indépendante et nous ont informés de leur retrait du processus d'évaluation par les pairs", ajoutent-ils, présentant également "leurs plus profondes excuses".

Une deuxième étude rétractée

Dans son communiqué, le Lancet, assurant prendre "très au sérieux les questions d'intégrité scientifique", estime "urgent" d'évaluer d'autres collaborations avec Surgisphere.

Le New England Journal of Medicine (NEJM), qui avait publié une étude de la même équipe réalisée avec les données de Surgisphere, sur le lien entre la mortalité due au Covid-19 et les maladies cardiaques, a lui aussi annoncé le 4 juin la rétractation de ces travaux.

Attendre d’autres résultats pour conclure

Après analyse des "données disponibles sur la mortalité", l’OMS a estimé "qu'il n'y a aucune raison de modifier le protocole" des essais cliniques, et a annoncé la reprise de ces essais le 3 juin. L’étude européenne Discovery envisage de faire de même.

Avec la reprise de ces essais sur l’hydroxychloroquine, d’autres résultats devraient arriver. "Les résultats d'essais randomisés sont nécessaires pour tirer des conclusions fiables. Espérons que les résultats seront disponibles bientôt", a commenté le 4 juin Stephen Evans de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Dans le cas contraire, avec le ralentissement de l'épidémie qui rend plus difficile d’enrôler de nouveaux patients, le débat acharné entre défenseurs et détracteurs de la fameuse molécule risque de se poursuivre.

Quoi qu'il en soit, cette affaire autour de l'étude du Lancet "est un immense scandale très préjudiciable à la communauté scientifique", a souligné sur Twitter le professeur Gilbert Deray, de la Pitié-Salpêtrière à Paris.