Covid-19 : la chloroquine inefficace voire dangereuse, selon une importante étude

Une vaste étude montre que la chloroquine comme l’hydroxychloroquine, associées ou non à un antibiotique, n’améliorent pas l’état des patients Covid-19. Pire, elles sont liées à une mortalité accrue et à davantage de troubles cardiaques.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / Myriam B

Pas efficaces et peut-être même nocives. La chloroquine et son dérivé, l’hydroxychloroquine, associées ou non à un antibiotique, n’ont pas réussi à faire leur preuve contre le Covid-19. C’est ce que montre une vaste étude publiée le 22 mai dans The Lancet. Selon les chercheurs américains et suisses à l'origine de la publication, ces médicaments n’ont pas amélioré le pronostic des malades hospitalisés. Pire, ces molécules auraient même augmenté le risque de décès et d’arythmie cardiaque.

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Plus de 96.000 patients dans 671 hôpitaux

Comment les chercheurs sont-ils arrivés à cette conclusion ? Cette étude est une étude observationnelle. Cela signifie que ses auteurs n’ont pas décidé eux-mêmes du protocole mais ont réuni a posteriori les données de groupes de patients ayant reçu ou non un traitement médicamenteux.
Ainsi, les chercheurs ont collecté les données de 96.032 patients à travers 671 hôpitaux répartis sur six continents. Ces patients testés positifs au Covid-19 ont tous été hospitalisés entre le 20 décembre 2019 et le 14 avril 2020.

Quatre protocoles et un groupe contrôle

Parmi eux, 14.888 patients ont reçu un traitement dans les 48 heures qui ont suivi le diagnostic. Ils se sont répartis dans quatre protocoles de soin : 1.868 patients ont reçu de la chloroquine, 3.783 de la chloroquine et un antibiotique de la famille des macrolides (azithromycine), 3.016 de l’hydroxychloroquine et 6.221 de l’hydroxychloroquine et un antibiotique de la famille des macrolides.
L’association de la chloroquine ou de son dérivé à un antibiotique correspond au protocole proposé par l’IHU Méditerranée-Infection et défendu par son directeur, le professeur Raoult.

Les 81.144 patients restants constituent le groupe contrôle, c’est-à-dire les patients Covid-19 hospitalisés mais qui n’ont reçu aucun de ces médicaments.

Jusqu’à 23,8% de mortalité

Résultats : la mortalité est plus élevée dans les quatre groupes traités que dans le groupe contrôle. Ce dernier compte en effet 9,3% de décès contre 18% pour le groupe hydroxychloroquine, 23,8% pour le groupe hydroxychloroquine et antibiotique, 16,4% pour le groupe chloroquine et 22,2% pour le groupe chloroquine et antibiotique.

De même, les patients traités par ces médicaments présentent davantage d’arythmie ventriculaire, un trouble du rythme cardiaque : 6,1% dans le groupe hydroxychloroquine, 8,1% dans le groupe hydroxychloroquine et antibiotique, 4,3% dans le groupe chloroquine et 6,5% dans le groupe chloroquine et antibiotique contre seulement 0,3% dans le groupe contrôle.

"Chacun des protocoles, quand il a été utilisé pour le traitement de Covid-19, a été associé à une diminution de la survie à l’hôpital et une augmentation de la survenue des arythmies ventriculaire" concluent donc les auteurs de l’étude, avançant qu’ils avaient été "incapables de confirmer un bénéfice de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine sur le pronostic des malades".

Faut-il continuer les essais cliniques ?

Si leur conclusion reste prudente, les chercheurs alertent tout de même sur les risques liés à l’utilisation de ces traitements : "Notre analyse (…) pointe vers des effets délétères potentiels pour des patients hospitalisés avec Covid-19" écrivent-ils.

En effet, cette étude à large échelle est suffisamment sérieuse pour alerter les scientifiques sur l’usage de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine contre le coronavirus. Elle pose notamment la question de continuer ou non à utiliser sciemment ces molécules dans les essais cliniques en cours, comme l’essai européen Discovery.
En France, le ministre de la Santé Olivier Véran a immédiatement réagi à la publication de cette étude en annonçant saisir le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) pour obtenir une "révision des règles dérogatoires de prescription de ces molécules".

Mais pour trancher définitivement sur la question de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine, il faudra attendre les résultats d’études expérimentales dites "randomisées", de qualité scientifique encore supérieure. Ce type de recherche, qui constitue le plus haut niveau de preuve scientifique, pourra aussi permettre de répondre à une autre question, non abordée ici : celle de l’utilité de ces molécules en traitement ultraprécoce – dès l’apparition des premiers symptômes – ou en traitement préventif du coronavirus.