Etude sur la chloroquine : des scientifiques toujours sceptiques malgré les corrections du Lancet

Les auteurs de l’étude critiquée du Lancet sur l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 publient des corrections. Mais celles-ci ne suffisent pas à rassurer les scientifiques qui demandent un accès aux données.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / TheaDesign

Des résultats modifiés, mais une conclusion inchangée. Après la polémique qui a éclaté jeudi 28 mai sur l’importante étude du Lancet prouvant que l’hydroxychloroquine est inefficace contre le coronavirus, les auteurs de cette publication ont publié dès le lendemain un erratum sur le site de la revue scientifique.

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"Les conclusions n’ont pas été modifiées"

Les corrections qu’ils apportent à leur étude portent essentiellement sur le nombre de participants dans les catégories géographiques. "Le nombre de participants d’Asie et d’Australie aurait dû être de 8.101 (8,4%) et de 63 (0,1%) respectivement" notent-ils ainsi dans l’erratum, précisant qu’ils ajoutent à leur étude un tableau de données corrigé.

En effet, les données de l’étude concernant les patients en Australie différaient de celles du gouvernement. "Ces corrections ont été apportées à la version en ligne à partir du 29 mai 2020 et seront apportées à la version imprimée" précisent les auteurs insistant sur le fait que "les conclusions du document n’ont pas été modifiées". Les chercheurs persistent donc : l’hydroxychloroquine serait bien selon eux, inefficace pour traiter le Covid-19 voire nocive et son usage ne doit donc pas être recommandé.

Une méthodologie "inhabituelle"

Publiée le 22 mai dernier, cette vaste étude observationnelle qui porte sur les données de 96.000 patients a entraîné l’interdiction de la d’hydroxychloroquine pour soigner le coronavirus dans plusieurs pays, dont la France, et la suspension des essais cliniques. Mais cette publication a fait l’objet de vives critiques principalement sur sa méthodologie et sur l’origine des données utilisées par les chercheurs. Une centaine de scientifiques avait alors signé une lettre ouverte pour exprimer leurs "inquiétudes" quant aux méthodes utilisées dans cette recherche.

Parmi les signataires, le docteur Djillali Annane, médecin réanimateur à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches. Pour lui, "les corrections ne répondent pas aux questions scientifiques posées" et "ne permettent pas de nous rassurer".
Pire, les auteurs continuent de "ne pas vouloir permettre la transparence des données" pointe le docteur Annane. Une méthode inhabituelle pour la recherche médicale "qui insiste depuis quelques années sur le partage de données et la transparence". Mais la société Surgisphere, société privée d'analyse de données de santé dont émanent les données du Lancet, justifie cette opacité par des "accords d’utilisation".

Un impact sur les essais en cours

Le problème, selon le docteur Annane, est qu’il ne s’agit pas uniquement d’une question sémantique mais que cette étude possède des applications concrètes pour les malades. "Les plus grands instituts du monde s’interrogent car ces données ont un impact important sur la pratique des essais randomisés" rappelle le médecin réanimateur, qui insiste sur le fait que ce débat dépasse aujourd’hui celui qui oppose les "pro" et les "anti" Didier Raoult, fervent défenseur de l’hydroxychloroquine en France.

"Cette publication risque d’empêcher la conduite normale d’essais thérapeutiques en cours qui auraient pu apporter une réponse" déplore le docteur Annane. "Car même si la vague épidémique est derrière nous, la capacité à atténuer toute nouvelle résurgence de l’épidémie nous permettra d’éviter un nouveau confinement ".
Le collectif signataire de la lettre ouverte persiste donc à demander à ce que des organismes indépendants comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) aient un accès libre aux données brutes de l’étude pour les valider.