Diabète de type 2 : pourquoi les bénéfices de la chirurgie bariatrique sont-ils si rapides ?

Les patients obèses diabétiques qui ont recours à la chirurgie bariatrique voient leur indice glycémique réduire rapidement après l'intervention. Étonnamment, les bénéfices sont même fréquemment visibles alors même qu'ils n'ont pas encore perdu de poids. Des chercheurs français pensent avoir identifié deux mécanismes physiologiques qui pourraient expliquer ce phénomène.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Diabète de type 2 : pourquoi les bénéfices de la chirurgie bariatrique sont-ils si rapides ?

Le diabète de type 2 est une conséquence fréquente de l'obésité morbide. En effet, les cellules graisseuses produisent des cytokines, molécules inflammatoires qui favorisent la résistance à l'insuline. Des patients non diabétiques bénéficiant d’une chirurgie bariatrique (réversible ou non-réversible, voir encadré) réduisent, incidemment, leur risque de développer un tel diabète.

Quant aux patients obèses diabétiques, les études sur les effets de la chirurgie apparaissent également positives. Mais les mécanismes en jeu dépassent la simple limitation de l’impact des cytokines. En effet, des travaux menés depuis le début de la décennie[1] montrent que, au moins dans le cas de chirurgie non-réversible, la correction du diabète s’initie quelques jours après la sortie de l'hôpital… c'est-à-dire avant même la perte de poids.

Afin de mieux comprendre ce phénomène, des chercheurs de l’Inserm et des médecins de l’hôpital Bichat (Paris) ont réalisé plusieurs série d’expériences chez le rat, qui font aujourd’hui l’objet d’une communication de l’institut - peu après une publication dans la revue Gastroenterology.

By-pass : l'intestin consomme le glucose

Des chirurgiens ont réalisé sur l’animal les opérations qu’ils réalisent habituellement chez l’homme. A la suite d’interventions de type by-pass, les chercheurs ont constaté que les cellules qui constituent la section d’intestin reliée à la partie supérieure de l’estomac "proliféraient anormalement". De fait, le volume de cette portion d'intestin peut voir son volume tripler ! A la surface des nouvelles cellules, les chercheurs ont observé le développement "[d'un] type de transporteur du glucose inhabituel pour l’intestin".

"Nous avons marqué le glucose pour suivre son trajet [dans l’organisme des animaux]", explique Maude Le Gall, qui a coordonné l’étude. "Après la chirurgie, l’intestin nouvellement remodelé [se met] à consommer des quantités très importantes de glucose. Il détourne le glucose alimentaire et sanguin pour sa propre consommation. Ce phénomène, qui se met en place au bout de quelques jours à peine, pourrait contribuer à l’amélioration rapide de la glycémie et la disparition du diabète."

Maude Le Gall précise que "l'hyper-prolifération [des cellules intestinales]" observée chez le rat a pu être confirmée cliniquement chez l'homme, auprès de patients de l'hôpital Bichat.

Sleeve : nouvelle production d'hormones intestinales

Dans le cas d’une intervention de type sleeve (dans lequel la taille de l’intestin n’est pas modifiée) des modifications du fonctionnement des cellules de l’intestin sont également observées. Ici, "l’absorption du glucose alimentaire par les cellules intestinales devient moins importante", expliquent les chercheurs. Mais rapidement, une population de cellules vient à croître : celles capables de sécréter une hormone qui stimule la production d’insuline dans le pancréas (l’hormone GLP-1, ou glucagon-like peptide-1). "En conséquence, le contrôle de la glycémie en réponse à l’ingestion de nutriments est plus rapide", explique-t-on à l’Inserm.

Selon Maude Le Gall, ces travaux "révèlent le rôle de l’intestin en tant qu’acteur majeur du contrôle de la glycémie." Ces travaux pourraient inspirer des recherches sur des alternatives à la chirurgie, pour le traitement du diabète de type 2, basées sur une meilleure mobilisation des fonctions intestinales.


Présentation synthétique des travaux par Maude Le Gall (crédits : Inserm)

 

Source : Differences in Alimentary Glucose Absorption and Intestinal Disposal of Blood Glucose Following Roux-en-Y Gastric Bypass vs Sleeve Gastrectomy. Jean-Baptiste Cavin et coll. Gastroenterology, 16 octobre 2015


[1] Voir notamment :

  • Metabolic Surgery to Treat Type 2 Diabetes: Clinical Outcomes and Mechanisms of Action. F. Rubino et al. Med. 2010;61:393–411.
  • Remission of type 2 diabetes after gastric bypass and banding: mechanisms and 2 year outcomes. DJ. Pournaras et al. Ann. Surg. 2010;252:966–971.
  • Weight-Independent Changes in Blood Glucose Homeostasis after Gastric Bypass or Vertical Sleeve Gastrectomy in Rats. A.P. Chambers et al. Gastroenterology 2011;141:950–958.
  • Bariatric Surgery versus Intensive Medical Therapy for Diabetes - 3-Year Outcomes. P. Schauer et al. Engl. J. Med. 2014;370:2002–2013.
  • Insulin Cessation and Diabetes Remission After Bariatric Surgery in Adults With Insulin-Treated Type 2 Diabetes. A. Ardestani et al. Diabetes Care 2015;38:659–664.

L’opération de chirurgie bariatrique la plus connue est l'anneau gastrique, qui consiste à réduire la taille de l'estomac grâce à un anneau ajustable placé autour de la portion supérieure de l'estomac, ce qui permet de séparer l'estomac en deux parties inégales.

Les deux autres techniques pratiquées sont non-réversibles. La première est le sleeve, ou "gastrectomie en manchon". Elle consiste à retirer une grande partie de l'estomac pour former un tube (le passage des aliments dans l’estomac est ralenti, mais leur évacuation dans l’intestin grêle accélérée). La seconde est le by-pass, qui consiste à connecter une portion supérieure de l’estomac à la partie moyenne de l'intestin grêle (les aliments sont détournés). Ces deux techniques sont aujourd’hui largement majoritaires en France.