Troubles bipolaires : une étude pointe des mutations génétiques liées à la pathologie

Selon une récente étude, le déficit d'une protéine semble associé au risque de développer des troubles bipolaires. Cette découverte permet de progresser dans la compréhension de la pathologie.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Différents facteurs génétiques et moléculaires sont surveillés de près par les chercheurs
Différents facteurs génétiques et moléculaires sont surveillés de près par les chercheurs

De l'euphorie à la dépression, de l'hyperactivité au désespoir. Les patients atteints de troubles bipolaires oscillent entre différents émotions. Que sait-on des causes de cette pathologie ? La combinaison de facteurs environnementaux et de mutations génétiques est évoquée mais on ignore encore ce qui se passe au niveau des neurones des patients concernés et les bases moléculaires de la maladie.

Une étude publiée le 15 novembre 2018 dans la revue Molecular Psychiatry, fait un pas en avant dans la compréhension du trouble. Les chercheurs ont découvert que l'activité et la quantité d'une protéine, appélée CPG2, sont compromises chez les personnes atteintes de troubles bipolaires.

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Il y a moins de protéine CPG2 dans le cerveau des patients atteints de troubles bipolaires


L'équipe de scientifiques avait découvert en 2004 le rôle de la protéine CPG2. Il s’agit d’une molécule qui se situe au niveau des synapses neuronales, les zones de communication entre deux neurones, l'une envoie des informations, l'autre les reçoit. CPG2 permet de recycler les récepteurs du glutamate, un neurotransmetteur, qui reçoivent des informations du premier neurone. Le cycle de ces récepteurs du glutamate est essentiel pour une communication correcte entre les neurones.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé la quantité de cette protéine dans le cerveau des personnes atteintes de troubles bipolaires, post mortem. Ils ont constaté que dans le tissu neuronal des patients, il y avait moins de protéine CPG2 que chez les sujets en bonne santé. Ils ont également remarqué que cette carence ne caractérisait pas d'autres troubles mentaux, tels que la schizophrénie et la dépression. Cela soulève l'hypothèse d'un défaut moléculaire spécifiquement associé aux troubles bipolaires.


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Une combinaison de variations génétiques

Les chercheurs ont alors étudié le gène qui permet de produire cette protéine à la recherche de mutations pouvant expliquer ce dysfonctionnement chez les patients. Ils ont identifié plusieurs variations génétiques qui caractérisent la pathologie et pourraient entraîner une diminution de la production de protéines.

Grâce à une série de tests effectués sur les neurones cultivés en laboratoire, ils ont constaté que les mutations génétiques du gène qui code pour la protéine, empêche le bon fonctionnement de CPG2. Dans la majorité des cas, une seule mutation génétique n’est pas suffisante pour observer un effet sur la production de la protéine. C’est plutôt la combinaison entre plusieurs variations qui affecte la quantité, la localisation et la fonction de CPG2.
 

Tenir compte des symptômes comportementaux

Une combinaison de mutations provoque un défaut dans la protéine, ce qui empêche une bonne transmission synaptique. Les chercheurs toutefois precisent que ce processus n’est pas nécessairement la cause de la maladie, mais peut contribuer à son apparition.

Elly Nedivi, professeur au département de biologie et des sciences du cerveau et des sciences cognitives du MIT, et auteure principale de l’étude, remarque qu ’" il est rare de trouver le lien entre les mutations associées à un risque accru de développer des maladies mentales et le dysfonctionnement cellulaire qui les sous-tend ". Cela ouvre en tout cas des perspectives intéressantes dans le but d'identifier de nouvelles cibles pour le développement de médicaments.

Il faut donc aller plus loin, explique la chercheuse, et déterminer si le défaut cellulaire décrit dans l’étude provoque les symptômes comportementaux qui caractérisent la pathologie. Ce sera la prochaine étape de l'équipe de recherche qui tentera de décrypter plus en détails le défaut du cycle du récepteur du glutamate et de trouver des solutions pour restaurer ce mécanisme physiologique.

Par Camilla de Fazio