Quand l'anorexie touche les garçons

Contrairement à l'idée reçue, l'anorexie mentale ne se limite pas aux adolescentes : elle touche également les garçons. Plus rare, l'anorexie masculine est aussi moins visible au début. Cette affection est diagnostiquée tardivement, retardant la prise en charge. Comment la repérer ? Comment la soigner ?

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Quand l'anorexie touche les garçons

L'anorexie mentale touche officiellement un garçon pour dix filles, mais elle serait en augmentation chez les hommes. Elle reste pourtant méconnue dans sa forme masculine, aussi bien chez les parents, les enfants que les soignants.

L'anorexie mentale des adolescentes est très médiatisée et la plupart des parents s'alarment dès que leur fille perd du poids de façon excessive. Mais chez le garçon, il est fréquent de banaliser la perte de poids et de l'attribuer à la croissance, avec un "ça va passer".

La maladie prend en effet une forme plus insidieuse au masculin : si une fille anorexique souhaite arborer une silhouette maigre, le garçon malade veut perdre du poids pour se muscler. Alors il multiplie les activités sportives et continue à manger, mais de façon insuffisante par rapport à ses dépenses. En pratique, il fait un peu attention, élimine certains aliments (sans commune mesure avec les filles qui éliminent tout ce qui est gras et sucré) et il fait énormément de sport ou de musculation pour être plus musclé.

Quels symptômes ?

Certains signes nécessitent de s'alarmer et de consulter un médecin. Les parents doivent s'alerter en cas de perte de poids rapide et non en cas de maigreur : près d'une fois sur deux, l'adolescent était en surpoids ou obèse, et retrouve une silhouette dite "normale", en quelques semaines. Il se retrouve alors pris dans l'engrenage de l'anorexie. Un indice de masse corporelle (poids divisé par la taille au carré) à 14 est un critère retenu par la Haute Autorité de santé (HAS) pour poser le diagnostic d'anorexie. Hélas en pratique, une anorexie peut être grave avec un IMC plus élevé.

Deuxième signe d'alarme, le garçon passe beaucoup de temps à faire du sport. En somme, le garçon anorexique est souvent très mince, très musclé et hyperactif. Un autre symptôme est parfois présent, c'est la dysmorphophobie, une perception anormale de son corps ; il trouve ses cuisses trop grosses ou son ventre trop gras. Le fait de se préoccuper anormalement de son apparence doit aussi éveiller l'attention.

Une fois sur deux, des vomissements sont associés à la restriction de l'alimentation mais sont tenus cachés par l'adolescent.

Quelles origines ?

Le désir d'une silhouette fine et musclée pourrait venir des médias : les magazines exposent des corps masculins sculptés et fins, dans des jeans skinny et des chemises slim. Mais cette pression environnementale est loin d'être le seul facteur déclenchant pour les spécialistes, qui estiment que l'anorexie est une maladie multifactorielle. Elle se fonde avant tout sur des fragilités personnelles, sur lesquelles se greffent des facteurs environnementaux et des facteurs sociétaux, comme la pression scolaire.

D'après certains travaux, il y aurait davantage d'homosexuels chez les anorexiques que dans la population générale : l'anorexie pourrait traduire une difficulté à faire face à son identité sexuelle. D'autres études sont nécessaires pour élucider le lien entre anorexie et homosexualité.

Une prise en charge souvent tardive

L'anorexie masculine est diagnostiquée tardivement, à la fois parce que les garçons ne s'en plaignent pas et estiment qu'il s'agit d'une "maladie de filles", mais aussi parce que l'entourage remarque tardivement le problème de santé et que les soignants le dépistent peu. Les patients sont donc pris en charge très tardivement, dans des états graves puisqu'elle débouche sur des complications sévères, telles qu'une altération des reins et du foie, mettant le pronostic vital en jeu.

Une prise en charge rapide est primordiale et repose sur plusieurs principes : la psychothérapie et la reprise de poids (appelée renutrition).

La psychothérapie a plusieurs objectifs : encourager la prise de poids et accompagner la renutrition (à laquelle le patient adhère rarement), améliorer les symptômes psychologiques comme l'angoisse, faciliter la guérison physique et psychique... Différentes techniques peuvent être utilisées, mais les thérapies cognitives et comportementales renforceraient l'acceptation des conseils diététiques et la psychothérapie familiale semblerait plus efficace que la psychothérapie individuelle, chez l'adolescent.

La "renutrition" a pour but de retrouver un poids adapté et de le maintenir, mais aussi de faire en sorte que le patient adopte spontanément une alimentation équilibrée et variée. Elle se fait de façon naturelle, par  la bouche mais dans les cas les plus graves, une "renutrition artificielle" est jugée nécessaire et réalisée à l'aide d'une sonde naso-gastrique, qui va dans l'estomac en passant par le nez.

L'hospitalisation est parfois incontournable et offre une prise en charge multidisciplinaire, à l'aide de psychiatres, de psychologues, nutritionnistes, diététiciens, kinésithérapeutes, art-thérapeutes, etc. Mais la guérison est possible et est déclarée selon plusieurs critères incluant le poids, l'alimetation et la réinsertion sociale et scolaire ou professionnelle.

Sources :