Poliomyélite : mieux comprendre la maladie

La poliomyélite, ou polio, a terrifié les pays industrialisés jusqu'à la découverte d'un vaccin au milieu du siècle dernier. Cette maladie infectieuse provoque de graves paralysies et des séquelles au long cours.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

La poliomyélite : une maladie paralysante

La poliomyélite ou polio est une maladie qui a terrifié les pays industrialisés et qui est sur le point d'être éradiquée dans le monde entier.

La poliomyélite est une maladie infectieuse provoquant de graves paralysies. Le responsable de la polio est le poliovirus. Il s'attaque au système nerveux et peut entraîner en quelques heures des paralysies irréversibles dans une infection sur 200, d'après l'Organisation Mondiale de la santé.Elles touchent potentiellement les membres mais aussi les muscles respiratoires, ce qui peut entraîner la mort chez 5 à 10% des patients paralysés de façon irréversible. La transmission du virus se fait par voie féco-orale par l'intermédiaire d'eau souillée ou d'aliments contaminés.

Si la polio existe depuis des millénaires, ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle qu'elle provoque des épidémies. D'abord en Europe du Nord, en Norvège et en Suède avant de gagner le continent nord-américain dès le début du XXe siècle. Jusqu'au milieu des années 50, la prise en charge des malades repose sur la rééducation et les appareillages pour aider les patients à marcher. Les malades menacés de paralysie respiratoire sont, quant à eux, placés dans des énormes tubes appelés poumons d'acier. Une alternance régulière de dépression et de surpression provoquait des mouvements de la cage thoracique reproduisant ainsi les mouvements respiratoires.

Outre ces prises en charge très lourdes, la recherche fait un vrai bond en avant dans les années 50 grâce à John Enders. Il réussit en effet à cultiver le poliovirus. Et en 1954, le premier vaccin contre la polio voit enfin le jour.

Les deux types de vaccin contre la poliomyélite

Dans les années 50, la mise au point d'un vaccin contre la poliomyélite va changer la donne. Et c'est aux Etats-Unis qu'il sera mis au point.

À New York, en 1907, la ville est frappée par une épidémie de poliomyélite. Une épidémie qui gagne rapidement d'autres villes d'Amérique du Nord. En 1916, outre-Atlantique, on compte déjà 22.000 cas et 6.000 décès. La maladie touche en premier lieu des classes sociales défavorisées. Pour les chercheurs de l'époque, il n'y a donc pas de doute, la poliomyélite est liée à un problème d'hygiène, mais son mode de transmission est encore inconnu.

À partir de 1921, la recherche s'accélère. La poliomyélite est alors identifiée comme étant virale. En 1948, John Enders réussit à cultiver le poliovirus. Cette découverte est une révolution. S'organisent alors des campagnes publiques pour des collectes de fonds. L'ère du charity business est lancée avec à la clé une bonne nouvelle : en 1954, un premier vaccin voit le jour. Il a l'effet d'une bombe. Derrière cet espoir, un homme : le Dr Jonas Salk. "Le vaccin de Salk est un vaccin inactivé, c'est-à-dire qu'il utilise un virus qui a été totalement rendu inactif, qui ne donne plus d'infection", explique le Pr Jérôme Salomon, spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital Raymond Poincaré.

Le Dr Salk va alors réussir à faire vacciner 1,8 million d'enfants âgés de 5 à 8 ans. Il s'agit du "plus grand événement médiatique de l'histoire de la santé", selon Patrick Zylberman, professeur d'histoire de la santé. En parallèle, un autre homme, Albert Sabin élabore son vaccin oral cette fois-ci : "C'est un vaccin oral atténué qui reproduit de façon quasi naturelle une infection et qui a l'avantage de déclencher une très bonne immunité générale et une très bonne immunité locale, digestive en particulier et d'être extrêmement simple à utiliser. Il est donc très utilisable à grande échelle sur des épidémies dans des lieux difficiles d'accès, dans un objectif d'éradication. De plus, il est très peu coûteux", précise le Pr Salomon. Comme il ne nécessite pas d'injection, ses avantages expliquent son succès. Toutefois, il présente un double inconvénient: sa conservation pose problème aux températures ambiantes et il n'est pas stable sur le plan génétique, ce qui explique de très rares cas de poliomyélite dans les jours qui suivent la vaccination.

Grâce au vaccin de Sabin, des millions d'enfants dans le monde ont pu être pris en charge. En 1988, l'Organisation mondiale de la santé lance une grande campagne d'éradication de la poliomyélite. En France, après avoir utilisé le vaccin de Sabin, c'est finalement celui de Salk qui sera retenu pour des raisons pratiques. "Aujourd'hui, on continue à avoir le vaccin injectable dans le fameux DTP (diphtérie, tétanos, poliomyélite), la fameuse triade vaccinale, qu'il convient de proposer aux enfants. Il s'agit d'ailleurs de la seule vaccination obligatoire en France", souligne le Pr Salomon.

Soixante ans après la découverte du premier vaccin de Salk, la poliomyélite est éradiquée à 99% dans le monde et en 2016, seuls 33 cas ont été enregistrés par l'OMS. Depuis peu, dans certaines régions du monde comme au Pakistan, des autorités religieuses locales empêchent les campagnes de vaccination et la maladie regagne du terrain. Une défiance vis-à-vis de la vaccination que l'on rencontre aussi en Afghanistan, au Nigéria et plus récemment en Syrie, où l'on note consécutivement une recrudescence des infections. Aujourdhui, la maladie est considérée comme endémique au Pakistan et en Afghanistan.

En France, le vaccin contre la polio est obligatoire : avant l'âge de 18 mois, puis un rappel entre 16 et 18 mois, à 6 ans et entre 11 et 13 ans. Très important aussi : une personne ayant contracté la polio doit aussi se faire vacciner car il existe plusieurs sérotypes de polio.

Polio : la fabrication du vaccin

En 1954, le premier vaccin contre la polio voit le jour grâce à Jonas Salk. Aujourd'hui, il est produit en très grande quantité dans un seul but : enrayer la maladie.

En banlieue lyonnaise se trouve le plus grand site de production de vaccins contre la polio au monde. Plus de 200 millions de doses de vaccin contre la polio sortent de ce site chaque année. Une opération sous haute protection car pour fabriquer ce vaccin, il faut commencer par cultiver le virus de la polio.

Dans des cuves, des spécialistes ont pour mission de répliquer le virus de la polio pour fabriquer la matière première du vaccin : le principe actif. "Dans un premier temps, on a une multiplication cellulaire très importante. Ces cellules vont être infectées par le virus qui va à ce moment-là se répliquer en centaines de millions de copies qui dans un stade ultime, seront inactivées, tuées donc rendues inoffensives, ce qui deviendra le vaccin", explique le Dr Joël Calmet, directeur de la communication scientifique et médicale des laboratoires Sanofi Pasteur.

Ce vaccin contre la polio passe ensuite dans les mains d'autres spécialistes car pour qu'il soit efficace, il faut y ajouter un adjuvant qui permet d'obtenir la meilleure réponse immunitaire notamment chez les nourrissons. Au vaccin contre la polio s'ajoute un vaccin contre la coqueluche, contre le tétanos et contre la diphtérie. On parle de vaccin tétravalent. Ce mélange des différentes solutions requiert un savoir-faire de haute précision.

À chaque étape de sa fabrication, le vaccin contre la polio est plusieurs fois contrôlé. Il faut notamment scruter s'il n'y a pas de dépôt ou d'agrégat dans les flacons. Toutes les vérifications sont primordiales pour assurer un vaccin efficace et sans danger. Elles représentent jusqu'à 70% du temps de fabrication.

Si ce laboratoire français produit des millions de doses de vaccin injectable par an, c'est parce qu'il est investi d'une mission : il doit pouvoir répondre aux besoins de l'Unicef et de l'Organisation mondiale de la santé qui ont pour programme d'éradiquer la polio de la planète.

Polio : encore quelques foyers dans le monde

En 2021, l'Organisation mondiale de la santé a recensé 6 cas de polio sur la planète. A mettre en parallèle avec les 350.000 décès en 1988. Grâce à une mobilisation mondiale sans précédent démarrée dans les années 90, et dans le but de promouvoir le vaccin contre la polio, la maladie est aujourd'hui sur le point de disparaître.

Il reste cependant quelques foyers de polio dans le monde : au Nigeria, en Afghanistan et au Pakistan. Dans ces zones difficiles, la vaccination se présente sous forme de solution buvable.

Toutefois, depuis 2022, des foyers émergent dans des zones auparavant préservées, comme Jérusalem, Israël ou New-York, etc.

Syndrome post-polio : les séquelles tardives de la polio

La polio laisse des séquelles immédiates comme des paralysies. Mais elle peut également entraîner des séquelles à plus long terme.

En effet, des années après l'infection, les symptômes de la maladie peuvent réapparaître avec une faiblesse musculaire généralisée et forcément une perte d'autonomie. C'est ce qu'on appelle le syndrome post-polio.

Les patients souffrant d'un syndrome post-polio ont besoin d'un suivi médical spécifique, notamment pour évaluer le vieillissement musculaire et vérifier l'efficacité de l'appareillage. En France, on estime que 50.000 personnes sont touchées par la poliomyélite.