RDC : la lutte contre Ebola continue

Plus de 600 personnes infectées, 400 décédées, Ebola frappe à nouveau la République démocratique du Congo (RDC) dans une zone en proie à des conflits armés depuis plus de vingt ans, ce qui complique la prise en charge de l'épidémie.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
"Des nouvelles armes contre le virus Ebola", chronique de Géraldine Zamansky, journaliste, du 21 janvier 2019
"Des nouvelles armes contre le virus Ebola", chronique de Géraldine Zamansky, journaliste, du 21 janvier 2019

Les populations locales ont du mal à faire confiance aux interventions extérieures. Qu'il s'agisse d'une épidémiologiste sur le terrain, d'un coordinateur de Médecins Sans Frontières ou de la porte-parole du ministère de la Santé de RDC, tous expliquent à quel point la défiance locale est légitime. "On se fait tuer par des armes et par la fièvre tout le temps, seuls, et là pour une "fièvre spéciale" tout le monde est là !", explique Jessica Illunga du ministère.

Dans cette zone, il y a bien sûr le paludisme mais aussi la fièvre typhoïde dont les symptômes peuvent ressembler à ceux d'Ebola. Alors une part importante de la population n'y croit pas. Et les pires thèses complotistes réussissent à se propager. Contactée par nos soins, le Dr Katharina Kopp, une épidémiologiste qui travaille depuis des années dans la région, explique qu'une "grande quantité de téléphones portables, souvent d'occasion, très peu chers, disposent d'une sorte de "sous-réseau" Internet par lequel des messageries réussissent à fonctionner et à transmettre l'idée qu'Ebola a été introduit par le gouvernement contre l'opposition locale par exemple...".

Lutter contre les rumeurs complotistes

Cette épidémiologiste a essayé de trouver un moyen original de lutter contre ces rumeurs. Elle a personnellement sollicité des artistes congolais pour créer une chanson consacrée à Ebola mais sans aucun soutien gouvernemental ou même d'ONG. Car toute structure extérieure est suspecte. Un chanteur originaire de la région touchée, David Dube, a accepté de s'engager gratuitement. Il est très populaire auprès des jeunes, particulièrement résistants à tous les circuits "officiels". D'autres personnalités locales (acteurs, sportifs...) l'ont rejoint.

Le Dr Kopp les a laissé concevoir le clip. Ils ont décidé de miser sur la légèreté pour accrocher l'attention, et d'utiliser des références à un genre de film d'action local qui cartonne là-bas. Cette chanson et ce clip montrent tout ce qu'il faut faire pour reconnaître et traiter Ebola. Le clip raconte aussi que seuls les médecins spécialisés peuvent réussir à sauver un malade d'Ebola, et pas un soigneur traditionnel.

Former la population à la lutte contre le virus Ebola

Le recours spontané aux guérisseurs est en effet au coeur de la propagation du virus. Ces praticiens ont désormais souvent des sortes de dispensaires, où ils peuvent "hospitaliser" leurs patientes et faire des perfusions... sans désinfection des aiguilles. Quand un enfant a de la fièvre, les parents pensent souvent au paludisme et l'amènent dans ces "centres" où il contracte Ebola. Le ministère de la Santé a donc décidé de former ces "acteurs de santé" à cette fièvre hémorragique. Ils apprennent ainsi à se servir de protections lorsqu'ils suspectent qu'un patient est touché par le virus, ils se vaccinent... Ce vaccin "en cours de validation" est à nouveau utilisé dans cette épidémie.

Mais là aussi, les résistances sont importantes. Presque tous les derniers cas recensés dans la ville de Katwa seraient liés à une même famille touchée, dont les proches ont refusé le vaccin. Ce dernier est normalement réalisé à tous les personnels soignants mais aussi à tous ceux qui ont été en contact avec le malade et à leurs propres "contacts". Le virus est hautement contagieux, surtout dans les derniers jours avant le décès et aussi durant les heures qui suivent. Or, la majorité des décès ont encore lieu au domicile, ce qui peut entraîner des dizaines de contaminations.

Les survivants d'Ebola comme "porte-paroles"

Dans ce climat de défiance généralisée, les acteurs sanitaires essaient le plus possible de passer par des "porte-paroles" concernés par la maladie. Une sorte de groupes d'ambassadeurs se sont en effet peu à peu constitués. Parmi eux, les survivants, guéris dans les centres de traitement, jouent un rôle majeur !

Les patients reçoivent un des quatre traitements utilisés contre Ebola. Il s'agit d'antiviraux et d'immunothérapie. Leur usage a été validé par les autorités sanitaires à titre compassionnel sous la coordination de l'OMS. Un essai clinique vient de débuter pour essayer de comparer leur efficacité. Un autre progrès a également été réalisé pour aider les patients à accepter de se rendre dans les centres de traitements. Il s'agit de bulles créées par l'ONG Alima. Elles permettent d'éviter les fantasmes qui étaient créés par l'isolement complet des malades dans les structures classiques. Les proches peuvent même venir leur rendre visite. 

Il s'agit d'une victoire pour les équipes soignantes, dont l'engagement incroyable doit être souligné. Mais avec le changement de présidence, et les contestations des résultats... une nouvelle source de difficultés pourrait augmenter les atouts d'Ebola dans cette région.